Francos / critique

Marie-Mai en toute intimité

Pour la première des trois soirées de son spectacle en formule acoustique, Marie-Mai s’est présentée vendredi sur la scène du MTelus devant des spectateurs clairsemés au parterre et au balcon, même à guichets fermés (distanciation sociale oblige). La chanteuse a encore une fois fait la preuve de toute sa polyvalence en offrant une performance intime, épurée, jamais insipide, solide.

C’est dans un MTelus aussi comble qu’il peut l’être par les temps qui courent (c’est-à-dire terriblement vide) qu’a eu lieu ce premier spectacle acoustique. L’image déconcertante de la salle pouvant accueillir 2300 personnes réduite à n’en accepter que 250 a rapidement cédé la place, lorsque Marie-Mai est montée sur scène, à une impression de communion intime.

« Ça fait longtemps que j’ai envie de présenter un show comme ça. »

— Marie-Mai

Les spectateurs ont été informés des consignes de sécurité sanitaire avant même de pénétrer dans l’enceinte de la salle de la rue Sainte-Catherine. Port du masque pendant les déplacements. Désinfection des mains avant d’entrer. Pastilles de couleur au sol indiquant comment maintenir la distanciation de deux mètres. En route vers les fauteuils, un autre employé a intercepté les passants pour rappeler quelques règles supplémentaires : on ne circule que dans un sens, on suit les flèches marquées au sol et sur les murs.

La situation actuelle, qui a forcé l’annulation du spectacle de Marie-Mai au Centre Bell prévu le 19 juin dernier, permet au moins aux admirateurs de la chanteuse de la voir dans un tout autre cadre durant le week-end organisé par les Francos. On a senti la foule ravie de cette proximité avec l’artiste, du niveau d’interaction rendu possible par ce contexte. Marie-Mai aussi a semblé prendre un plaisir contagieux à présenter ce spectacle. « C’est le premier show où je peux vraiment prendre le temps de prendre une gorgée d’eau, a-t-elle lancé avant de se jeter dans Je cours, racontant qu’elle a l’habitude de courir, justement, pendant ses spectacles, pour changer de costume ou danser. C’est le fun, j’en profite, j’aime ça, je me sens bien. »

« Je suis tellement heureuse »

Les grands artifices ont ainsi été mis de côté. Le spectacle à grand déploiement a laissé place à une série de représentations épurées, ayant pour tout décor des dizaines de lampions suspendus au plafond et disposés à l’avant-scène, ainsi qu’un escalier illuminé, entre le parterre et les musiciens.

La reine du Centre Bell, habituée à la plus grande scène de la province, n’a pas perdu ses aises dans un contexte intime. Et quand les lumières se sont éteintes, que les lampions se sont allumés, que Marie-Mai est arrivée sur scène entourée de ses musiciens, vêtue d’une longue tunique claire et chaussée de hautes bottes noires, on a pu tout de suite sentir que la soirée serait riche en émotions.

« Je suis tellement heureuse », a répété la chanteuse après avoir interprété la pièce d’ouverture, Élever.

« Ce soir, je vous présente mon histoire comme vous ne l’avez sûrement jamais entendue. Et je me suis dit que tant qu’à ne pas pouvoir danser, on va aller plus en profondeur. […] Bienvenue dans mon univers. »

— Marie-Mai

Des succès de toutes les années

Une version complètement nouvelle de Conscience, tirée de son album M (2014), a suivi, menée par le piano et un tambour percutant. Tout aussi percutante, la voix de Marie-Mai avait tout l’espace pour se faire entendre.

Ce fut le cas tout au long de la soirée, les réinterprétations acoustiques de ses succès permettant à sa performance vocale d’être au cœur de sa prestation. Marie-Mai s’est montrée à la hauteur de cette occasion.

Après Emmène-moi et Je décolle (qui a fait monter la cadence et permis quelques pas de danse), elle a pris la parole pour expliquer qu’elle avait cherché à trouver des chansons qu’elle ne jouait plus sur scène pour les interpréter dans ces spectacles inédits. La pièce Laissez-moi dormir, une très belle chanson datant de 2012, est l’une de celles-ci. La chanteuse de Varennes a raconté n’avoir jamais chanté la pièce Un pied dans la porte, coécrite avec Ingrid St-Pierre, sur scène. Le choix de l’inclure dans ce spectacle était judicieux.

Marie-Mai a pioché dans tous ses albums pour cette compilation acoustique, hormis le tout premier, Inoxydable. Les admirateurs ont ainsi eu droit à une excursion sur la route des souvenirs, alors que les succès de la chanteuse, de 2007 (Dangereuse attraction) à 2018 (Elle et moi), ont été revisités.

Appel à la douceur

Aux côtés de la chanteuse, Marie-Pierre Bellefeuille, au piano, Jean-Alexandre Beaudoin, aux guitares (acoustique et électrique), et Liu Kong-Ha, aux percussions, ont su élever la prestation. Mentionnons ici que bien que très épuré, le spectacle ne répond pas parfaitement à la définition du terme « acoustique ». Mais il s’agit là d’un détail et la présence d’une guitare électrique sur scène a apporté des textures aux chansons qui auraient manqué sans elle.

De Sans cri ni haine à Exister, en passant par Mentir (encore plus belle que l’originale dans sa relecture), Différents et C’est moi, les spectateurs ont eu toutes les occasions de joindre leur voix à celle de la chanteuse, sans jamais l’ensevelir (à 250 personnes, le risque était faible). Marie-Mai a passé un opportun appel à être « plus doux » entre nous, à faire attention à nos mots – « surtout sur les réseaux sociaux ! » – et à se traiter « comme il se doit, avec respect », avant de se lancer dans une interprétation guitare-voix de Si les mots.

Encore une fois, l’interaction avec son public, qu’elle n’a pas manqué d’alimenter tout au long de la soirée, a été un plus pour le caractère intime de la prestation.

Après la pièce Ton histoire, la douce finale L’arbre géant, « dédiée aux aînés », a suivi. Un bruyant rappel a fait revenir la chanteuse sur scène pour une interprétation a cappella de la jolie mais déprimante Encore une nuit. Une meilleure conclusion encore. Marie-Mai est à sa place sur une scène, qu’elle soit immense ou plus modeste. Si les spectacles aux décors pompeux, aux feux d’artifice et aux chorégraphies élaborées sont sa spécialité, cette prestation simplifiée était également de haut niveau.

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