Immobilier

Vaut-il mieux acheter ou louer en 2021 ?

La flambée des prix en immobilier et la rareté des grands logements locatifs mettent sous pression les familles de la classe moyenne. Vaut-il mieux louer ou acheter ? Réponses d’experts.

La question semblait réglée il y a 20 ans, entre autres avec le livre Un chez-moi à mon coût d’Éric Brassard, et pourtant, le mythe voulant qu’acheter une maison coûte moins cher que vivre en appartement persiste.

« On a entendu des milliers de fois l’argument : “Je ne veux pas jeter mon argent par les fenêtres.” Souvent les gens mélangent le qualitatif avec le quantitatif. Les arguments deviennent irrationnels pour justifier leur préférence qualitative », soutient Éric Brassard, CPA et planificateur financier chez BGY, Services financiers intégrés.

« Pourquoi ça perdure ? Parce que, règle générale, quand on veut déménager dans un lieu plus confortable et plus beau, il y en a plus à acheter qu’à louer. »

— Éric Brassard, CPA et planificateur financier chez BGY

Test en ligne

Le calcul de rentabilité entre louer et acheter peut maintenant se faire en ligne. Il faut cependant entrer les bons chiffres et choisir le bon calculateur, car certains sont destinés à vous vendre une hypothèque. Inutile de comparer un bungalow en banlieue avec un trois et demie à Montréal, précise Éric Brassard. « C’est évident que si tu en as plus, ça va coûter plus cher. »

Nous avons fait le calcul en comparant une maison en rangée de 1500 pi2 dans le Vieux-Longueuil avec une mini cour arrière affichée (pas pour longtemps) à 350 000 $ et un appartement de 1500 pi2, aussi dans le Vieux-Longueuil, avec accès à la cour arrière, affiché à 1600 $ par mois.

Nous avons considéré une mise de fonds de 5 %, une hypothèque à 3 % sur 25 ans puis à 5 %. Pour l’augmentation du loyer, nous avons mis 3 %, ce qui correspond à l’augmentation de loyer moyenne accordée par le Tribunal administratif du logement de 2012 à 2020 avec des dépenses d’immobilisation. Sans les dépenses, l’augmentation moyenne accordée par le Tribunal a été de 1,7 %. Nous avons fait le test avec un rendement de 3 % et sans rendement.

Résultats ? Si on n’investit pas l’argent épargné en louant un appartement (mise de fonds, coûts d’entretien, etc.), il devient plus rentable d’acheter la maison après 12 ans lorsque le taux d’hypothèque est de 3 %. Si l’hypothèque grimpe à 5 %, il devient plus rentable d’acheter après 20 ans. Si la différence épargnée en louant est investie dans un placement à 3 % d’intérêt, c’est après 23 ans qu’il devient plus rentable d’acheter.

« Quand les gens font leurs calculs, ils ne considèrent souvent que le prix qu’ils ont payé pour l’achat et le prix à la revente, mais entre les deux, il y a des coûts à assumer », souligne Éric Brassard. Que ce soit les taxes, l’entretien, le toit, les fenêtres ou un drain français à changer, sans oublier le coût de renonciation, comme la somme immobilisée dans la propriété qui n’est pas investie ailleurs.

Si, en louant, vous donnez votre argent à un propriétaire, en achetant vous donnez votre argent à la banque en intérêts. En contractant une hypothèque de 332 500 $ (maison à 350 000 $ avec 5 % de mise de fonds) à un taux de 3 % pendant 25 ans, vous aurez payé en intérêts 139 562 $. Le taux grimpe à 5 % et c’est 247 650 $ que vous donnez à la banque.

Les choix émotifs

La réponse à la question initiale découle donc d’arguments émotifs plutôt que d’un réel calcul financier. Vouloir une cour pour les enfants, une vue incroyable sur le fleuve ou éviter d’être à la merci d’un propriétaire qui pourrait nous évincer, par exemple.

Se reconnaître comme indiscipliné et choisir d’être obligé de rembourser un prêt est aussi une raison que le professeur à HEC Montréal Amine Ouazad appelle de l’économie comportementale.

« Les chercheurs ont démontré que les ménages réduisent leur consommation et travaillent plus pour payer leur bien immobilier. C’est comme si c’était un engagement à épargner. »

— Amine Ouazad, professeur à HEC Montréal

Cette raison va dans le sens de celle citée par Paul Cardinal, directeur du service économique à l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), lors d’un entretien avec La Presse. Paul Cardinal soutient que le gouvernement devrait créer des mesures pour stimuler l’accès à la propriété, car les propriétaires accumulent des gains en capital et, arrivés à la retraite, ils auront moins besoin d’aide de l’État.

Éviter d’être un mouton

La meilleure stratégie, quoique difficile à mettre en œuvre pour certains, est celle d’éviter de faire comme tout le monde, suggère Hans Brouillette, de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec.

« Quand tout le monde veut une chose, ce désir crée une surenchère. La question qu’il faut se poser, c’est : est-ce que c’est vraiment de ça que j’ai besoin maintenant ? Quels sont mes besoins ? Quand tout le monde va aller dans une autre direction, vais-je suivre le courant ? »

« Si vous dites : “Tout le monde le fait, ça doit être bon”, c’est qu’il est trop tard. Si le monde ne le fait pas encore, vous courez un risque, mais vous allez peut-être gagner plus aussi. Comme ceux qui ont eu le courage d’investir en 2008 en Floride en plein marasme économique. »

— Hans Brouillette, de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec

Hans Brouillette souligne que celui qui est locataire depuis quelques années est dans une très belle situation, car son loyer ne lui coûte pas trop cher et il peut continuer à économiser jusqu’à ce que la folie de la surenchère des propriétés en banlieue s’essouffle.

La fameuse plus-value

Beaucoup d’acheteurs misent sur la plus-value. Or la fluctuation de la valeur d’une propriété varie d’une ville à l’autre. Et si le prix des propriétés suit, en général, l’inflation, ce n’est pas toujours le cas.

« À Saint-Bruno, le prix moyen d’un cottage [en dollars constants] a baissé de 22 % entre 1976 et 1982, pour grimper de nouveau de 63 % entre 1982 et 1988, et rechuter de 26 % entre 1988 et 1998. En fin de compte, la propriété vaut 7 % de moins qu’il y a 23 ans », a écrit Éric Brassard en 2000.

Entre 1976 et 1998, la valeur d’un bungalow standard avait chuté de 15 % à Sherbrooke, 19 % à Sainte-Foy, 12 % à Longueuil, 36 % à Charlesbourg, mais avait grimpé de 18 % à Duvernay et de 10 % à Beaconsfield.

Des faits à considérer

« Il faut réfléchir à la valeur du terrain par rapport à la structure, affirme le professeur Amine Ouazad. Si vous achetez une maison individuelle, même si la structure se dégrade, il y a encore beaucoup de terrain qui, lui, prend de la valeur. »

« Un condo, c’est un mauvais investissement, parce qu’il y a très peu de terrain et beaucoup de maintenance à faire pour maintenir la valeur du bien. »

— Amine Ouazad, professeur à HEC Montréal

Qu’en est-il des maisons neuves ? « Quand les prix augmentent sur la revente, l’écart entre le neuf et l’existant se rétrécit. Mais à cause du prix des matériaux, cet écart n’aura pas lieu en 2021 », analyse Paul Cardinal, de l’APCHQ.

La construction de logements locatifs a bondi de 20 % en 2020. Les nouveaux logements coûtent toutefois plus cher et sont de plus petite taille. « Parce que c’est plus rentable pour le constructeur, mais aussi à cause de la demande, affirme Paul Cardinal, de l’APCHQ. Ceux qui ont fait construire de grands logements les ont vendus moins vite. »

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