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Édition du 23 septembre 2022,
section ACTUALITÉS, écran 2
Sur la défensive pendant une bonne partie de la soirée, François Legault a fait de Gabriel Nadeau-Dubois sa principale cible lors du deuxième et dernier débat des chefs jeudi, l’accusant de vivre au « pays des merveilles ». Le co-porte-parole de Québec solidaire lui a reproché de « sortir les décorations d’Halloween » pour « faire peur au monde ».
Paul St-Pierre Plamondon a fait mouche dans des attaques contre M. Legault, alors que Dominique Anglade a fait sortir de ses gonds le chef caquiste.
La joute diffusée sur les ondes de Radio-Canada s’est déroulée sans cacophonie, alors que les chefs se sont montrés disciplinés en général. Et à l’évidence, François Legault s’était donné pour objectif de détricoter des promesses de Gabriel Nadeau-Dubois.
Dès le lever de rideau sur le thème de l’environnement, puis sur chacun des autres thèmes, il est passé à l’attaque contre le co-porte-parole de Québec solidaire, qui n’a pas manqué de répartie.
« Les Québécois ont le droit de savoir » les impacts réels des promesses solidaires, a martelé M. Legault, pour qui son adversaire vit « au pays des merveilles ». « Arrêtez de sortir les décorations d’Halloween, arrêtez de faire peur au monde ! », a répliqué à deux reprises Gabriel Nadeau-Dubois, subitement mis sur la défensive.
François Legault a peu amélioré son langage non verbal par rapport au Face-à-Face de la semaine dernière. Il a continué de faire la moue et n’avait pas le sourire facile.
Dominique Anglade a su prendre plus de place. Elle a regardé directement la caméra, de façon quasi systématique, pour s’adresser aux téléspectateurs. Le chef caquiste a mal paru quand il a tenté de l’interrompre à un certain moment : « Laissez-la parler ! », a ordonné l’animateur Patrice Roy. Seule femme au débat, elle a joué la carte féminine : on l’a entendue désigner ses rivaux en parlant de « tous ces messieurs ».
Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon a gardé un ton posé, à l’image de son style depuis le début de la campagne. Cela ne l’a pas empêché de viser juste à quelques reprises dans des salves contre François Legault. De façon plutôt inusitée, on l’a vu faire équipe avec Gabriel Nadeau-Dubois pour s’en prendre au chef caquiste – sur l’environnement, sur la santé et sur l’éducation.
De son côté, le chef conservateur Éric Duhaime a été plus effacé que la semaine dernière. Il a retenu l’attention avec des sorties pour le privé en santé et au moment de son accrochage avec François Legault sur la gestion de la pandémie.
De la « magie »
Lors du premier bloc sur l’environnement, François Legault a pourfendu les « taxes orange » de Québec solidaire, qui visent selon lui les familles souhaitant s’acheter des minifourgonnettes ou des VUS. Il estime que le plan environnemental de Gabriel Nadeau-Dubois relève de la « magie » et du « pays des merveilles ».
Mais cette attaque s’est rapidement retournée contre lui. M. Nadeau-Dubois a rétorqué que le premier ministre sortant passait tout son temps à critiquer les autres partis plutôt que d’« inspirer ».
« Vous devriez ranger les décorations d’Halloween un petit peu, arrêter de faire peur aux gens. Vous devriez inspirer les Québécois, proposer des solutions […] Au lieu d’encourager les Québécois et Québécoises avec un projet positif, vous voyez tout le temps que vous prenez ce soir pour attaquer Québec solidaire au lieu de proposer un projet positif ? », a dénoncé M. Nadeau-Dubois.
« Au dernier débat, la semaine passée, vous avez accusé M. Duhaime d’avoir tiré dans la chaloupe durant la pandémie. Bien, en environnement, c’est exactement ça que vous faites. »
— Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire
Dominique Anglade est intervenue pour s’en prendre elle aussi au chef caquiste : « Au fond de vous, la lutte aux changements climatiques, ça ne vous habite pas. »
François Legault a bien tenté de parler de son projet énergétique de construire de nouvelles centrales hydroélectriques pour voguer vers la carboneutralité en 2050. « C’est mathématique, c’est impossible avec l’efficacité énergétique et l’éolien », a-t-il plaidé. « Des barrages, ça peut être nécessaire, mais ce n’est pas démontré pour l’instant. Mais ça ne doit pas être un substitut à un plan en matière de changements climatiques, et c’est ça que M. Legault essaie de faire », a répliqué Paul St-Pierre Plamondon.
François Legault a essuyé une pluie de critiques au sujet de son projet de tunnel autoroutier entre Québec et Lévis. Les chefs péquiste et conservateur en particulier lui ont reproché son manque de transparence.
« On n’est plus en 1994 »
François Legault est revenu à la charge contre Gabriel Nadeau-Dubois sur le thème de l’économie. Il a demandé à son adversaire solidaire quels secteurs de l’économie il voulait voir décroître, afin de réduire plus rapidement les émissions de gaz à effet de serre. « On n’est plus en 1994. La nouvelle économie, c’est l’économie verte. […] Arrêtez de faire peur au monde », a répliqué Gabriel Nadeau-Dubois.
Paul St-Pierre Plamondon a proposé de taxer les « surprofits » des pétrolières, estimant que l’industrie s’apparente à un cartel. Le chef caquiste a répliqué du tac au tac : « Si on taxe les pétrolières, ils vont répercuter ça aux consommateurs. Comment ça se fait qu’il ne comprend pas ça ? »
Alors qu’Éric Duhaime a plaidé pour une réduction de la taxe sur l’essence, afin de donner un répit aux automobilistes, François Legault a lâché : « On aime mieux donner un montant de 400 à 600 $ et laisser la liberté aux gens. Ça vous dit-tu quelque chose, ça, la liberté ? »
Pandémie : collision Legault-Duhaime
C’est à nouveau le sujet de la pandémie qui a provoqué des flammèches entre François Legault et Éric Duhaime. Pour le chef caquiste, son adversaire conservateur a « joué le rôle d’agitateur » au cours des deux dernières années.
« Il a profité de la souffrance des gens au Québec. Il pense que ce n’est pas vrai qu’il y a eu moins de décès au Québec, franchement ! C’est irresponsable, la façon dont a agi M. Duhaime. Je veux que les Québécois le sachent », a lancé M. Legault, déviant du thème de la santé mentale. Ce qui lui a été reproché par le chef conservateur : « On parle de la santé mentale. […] Vous tombez là-dedans ? Vous n’êtes pas capable d’admettre qu’il y a eu des impacts à votre confinement, vous n’êtes pas capable d’admettre que ce sont les enfants du Québec qui souffrent à cause de vos décisions. »
François Legault y est allé d’une deuxième salve en demandant à son adversaire combien d’aînés il était prêt « à sacrifier » en s’opposant aux consignes sanitaires.
« Deux fois plus d’aînés, trois fois plus d’aînés ? », a décoché le chef caquiste. « Je ne descendrais pas aussi bas », a répondu M. Duhaime.
La place du privé en santé s’est aussi invitée dans ce deuxième affrontement, alors que les visions de la CAQ et du Parti conservateur s’opposent à celle du Parti québécois et de Québec solidaire. « Si le privé en santé fonctionnait, on le saurait », a répété Gabriel Nadeau-Dubois en pointant François Legault et Éric Duhaime. « Si le monopole marchait, on le saurait aussi », a soufflé le chef conservateur.
François Legault s’en est pris à Gabriel Nadeau-Dubois : « Les dizaines de milliers de personnes qui se sont fait opérer au privé pendant la pandémie, gratuitement, qu’est-ce que vous leur dites ? Que ce n’était pas une bonne idée parce que ce n’est pas votre idéologie ? », a-t-il lancé. M. Nadeau-Dubois a rappelé le caractère sans précédent de la crise sanitaire et qu’il était d’accord avec un « recours temporaire et limité au privé ».
« Laissez-la parler »
Les échanges se sont corsés entre François Legault et Dominique Anglade sur le manque de places en garderie. « Monsieur Legault, sous votre gouverne, il y a eu un recul pour les femmes, un recul important… », a accusé la cheffe libérale, avant de se faire interrompre par son adversaire caquiste. Il a rapidement été rappelé à l’ordre par l’animateur Patrice Roy. « Laissez-la parler », a-t-il répété deux fois.
« Non, mais c’est sérieux, cet enjeu, monsieur Legault, a insisté Mme Anglade. C’est sérieux ! » Elle a rappelé que des femmes ne pouvaient pas retourner sur le marché du travail faute de places en garderie. Le Parti libéral veut en faire un droit « de la même manière qu’on a droit à l’éducation ».
« Je sais qu’elle aime ça, sortir cette phrase-là », a répondu le chef caquiste lorsque l’animateur lui a accordé le droit de parole. Le Parti libéral n’a pas de leçons à donner, selon lui : « Vous avez créé une histoire de maison de fous, s’est-il exclamé. À cause de Tony Tomassi, il y avait 12 étapes avant d’ouvrir une place en garderie. »
Langue et identité
Pour Paul St-Pierre Plamondon, François Legault est un « climatosceptique de la langue ». Le chef de la CAQ est responsable selon lui de l’accélération du déclin du français au Québec, puisque la « loi 96 », qui réforme la Charte de la langue française, ne va pas assez loin à ses yeux. Il a également soutenu que le projet du chef caquiste était d’« éteindre l’indépendance du Québec », alors que le sien est de la « relancer ». M. Legault a raillé l’idée de tenir un référendum.
De son côté, Dominique Anglade a accusé son adversaire caquiste de diviser les Québécois sur les questions linguistiques et d’immigration. La cheffe libérale a rappelé son opposition à la Loi sur la laïcité de l’État. Mais pour François Legault, la loi « a apaisé le peuple québécois ». « C’est qui, le peuple québécois ? C’est quoi, être un Québécois aujourd’hui ? », a demandé Mme Anglade. « Tous ceux qui vivent au Québec », a-t-il répondu. « Il y a bien des gens qui vivent au Québec qui ne pensent pas que ça a apaisé les choses », a ajouté la cheffe libérale.
« Arrêtez de faire peur aux gens. Vous devriez inspirer les Québécois et les Québécoises et proposer des solutions. Dans les dernières semaines, ce que vous avez fait surtout, c’est de désinformer les Québécois sur le plan de Québec solidaire. »
— Gabriel Nadeau-Dubois à François Legault
« Monsieur Legault, sous votre gouverne, il y a eu un recul pour les femmes. »
— Dominique Anglade
« Ce que M. Legault veut faire, à titre de chef d’un parti fédéraliste, c’est de maintenir ces seuils, alors qu’il avoue très ouvertement qu’à ce niveau, il y a un déclin du français. »
— Paul St-Pierre Plamondon
« Comment on peut vous croire, M. Legault ? Il y a quatre ans, vous promettiez le même pont que je promets aujourd’hui. Vous avez abandonné les gens de la région de Québec. »
— Éric Duhaime
« M. Duhaime, durant deux ans, il a joué le rôle d’un agitateur. Il a profité de la souffrance des gens au Québec. Il pense que ce n’est pas vrai qu’il y a eu moins de décès au Québec. Franchement, c’est irresponsable. »
— François Legault
Tous les chefs se sont prononcés sur l’indépendance jeudi soir à la fin du débat : seuls le Parti québécois et Québec solidaire seraient pour un référendum.