Crise dans le transport maritime

Convertir, louer et vendre des conteneurs : plus facile à dire qu’à faire

L’explosion du prix des conteneurs ne donne pas seulement des maux de tête aux entreprises qui importent ou exportent ; les quelques acteurs québécois qui transforment, louent et revendent ces boîtes métalliques pâtissent également de la crise mondiale dans le transport maritime.

Avant la pandémie, Pierjean Savard n’éprouvait pas de difficulté à acheter des conteneurs neufs de la Chine – où se trouve la quasi-totalité des fournisseurs – et à se procurer des modèles d’occasion auprès des sociétés maritimes.

La crise sanitaire a toutefois obligé le président de Conteneurs Experts à revoir ses plans.

« On a dû délaisser la revente parce que je veux que mon usine [de transformation] fonctionne, raconte M. Savard. Cette année, sur notre chiffre d’affaires, on devrait avoir un manque à gagner d’environ 1,5 million en ce qui a trait à la revente de conteneurs. »

Fondée en 2002 et établie à Vaudreuil-Dorion, Conteneurs Experts fait partie des entreprises capables de convertir des conteneurs en espaces bureaux, terrasses et kiosques, notamment. On ajoute par exemple une porte, des fenêtres, une porte de garage roulante en plus de se pencher sur l’aménagement intérieur.

Le chiffre d’affaires de Conteneurs Experts varie entre 10 et 15 millions par année, selon M. Savard. Celui-ci estime que son entreprise compte de 2000 à 3000 « clients actifs », comme Hydro-Québec.

À l’instar de ses concurrentes, l’entreprise offre également un service de vente et de location à des entreprises. Des détaillants peuvent entre autres être à la recherche de boîtes métalliques pour y entreposer de la marchandise alors que des agences événementielles recherchent parfois des conteneurs dont la vocation a été modifiée.

M. Savard se procure ses conteneurs de deux façons : en achetant des boîtes métalliques auprès de fabricants chinois ainsi qu’en rapatriant celles des sociétés maritimes qui arrivent en fin de vie.

« Le conteneur usagé n’est simplement pas disponible. Les transporteurs tentent de les garder parce qu’il n’y en a pas. Pour les vieux conteneurs, ils préfèrent les réparer et les certifier à nouveau pour une année par exemple. »

— Pierjean Savard, président de Conteneurs Experts

Aux quatre coins du monde, les ports sont toujours congestionnés pour des raisons sanitaires ou faute de main-d’œuvre, ce qui entraîne des retards de livraison et fait exploser le prix des conteneurs pour les entreprises qui veulent faire venir des marchandises d’Asie.

Résultat : le prix d’un conteneur neuf « équivalent vingt pieds » (EVP) a bondi d’environ 2000 $ pour atteindre près de 3900 $, selon M. Savard. Une boîte métallique neuve quitte la Chine remplie de matériel avant d’être acheminée à son acquéreur une fois à destination.

« Nous modifions des centaines de conteneurs chaque année, dit M. Savard. Ce n’est pas facile ces temps-ci. Personne n’entrevoit un retour à la normale avant la fin de 2022. »

En plus du coût d’acquisition qui augmente, Conteneurs Experts doit absorber la hausse du prix de nombreux matériaux utilisés dans la conversion des conteneurs, comme le bois et le gypse.

Des choix à faire

Chez Conteneurs Conterm, l’impact se chiffre également à quelques « millions de dollars », selon son directeur des ventes Steve Beauregard, qui prend soin d’ajouter que cette situation n’est pas « catastrophique » pour l’entreprise.

Il n’en reste pas moins que ces hausses se reflètent sur les prix demandés.

« Les clients font souvent le saut, raconte M. Beauregard. Un client qui n’a pas appelé depuis 2018 risque d’être surpris. Mais nos marges demeurent identiques. On fait également des choix de clients. On garde des conteneurs pour les clients habitués, mais pour monsieur et madame Tout-le-Monde, c’est possible qu’il n’y en ait pas parfois. »

Établie à Sainte-Catherine, en banlieue sud de Montréal, Conteneurs Conterm pouvait auparavant commander entre 100 et 150 conteneurs sans problème. Parfois, « c’est difficile d’en trouver cinq », souligne le directeur des ventes de la société.

À l’instar de Conteneurs Experts, l’entreprise a aussi choisi, dans bien des cas, d’opter pour la modification de boîtes métalliques lorsqu’elle était en mesure de s’en procurer.

« [La modification] c’est plus payant. On fait des choix. »

— Steve Beauregard, directeur des ventes de Conteneurs Conterm

Mensuellement, la location d’un conteneur modifié peut osciller entre 500 et 700 $, comparativement à une centaine de dollars pour un EVP destiné uniquement à des fins d’entreposage.

Chez Groupe ATS, dont le siège social se trouve à Montréal, mais qui compte des bureaux dans d’autres provinces au pays, le portrait est similaire. Il est difficile de se procurer les conteneurs, et les coûts d’acquisition poussent les prix à la hausse.

« Les clients qui n’ont pas acheté depuis un certain temps et qui nous appellent risquent de tomber en bas de leur chaise, souligne Sandra Paoliello, vice-présidente de l’entreprise. Pour certains, le conteneur n’est peut-être plus une option d’entreposage. »

Malgré tout, la demande pour les boîtes métalliques modifiées est toujours présente, selon le président de Conteneurs Experts. Il affirme que le carnet de commandes de la société représente entre « 10 et 12 semaines » de production.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.