Littérature

Nos coups de cœur de l’année

Notre journaliste a dressé une liste tout à fait subjective des livres qu’elle a aimés cette année.

Théo à jamais, de Louise Dupré

Pour son quatrième roman, Louise Dupré nous invite à plonger au cœur d’une famille recomposée. Béatrice travaille au montage d’un documentaire sur les tueries de masse lorsqu’elle apprend que son beau-fils est impliqué dans un drame semblable. Cette tragédie la force à revoir l’histoire de sa famille pour tenter de mieux la comprendre. L’autrice explore les liens qui unissent les différents membres de cette petite cellule ainsi que ses fragilités. Un magnifique roman à l’écriture épurée qui va droit au cœur.

Héliotrope, 240 pages

Le cœur synthétique, de Chloé Delaume

L’histoire d’Adélaïde, qui se retrouve célibataire à 46 ans, est à la fois drôle et tragique. Son désespoir, sa solitude, la diminution de ses attentes de peur de se retrouver seule… Chloé Delaume a beaucoup d’esprit et décrit avec un sourire en coin le choc qui attend les femmes vieillissantes. Ce portrait décapant est adouci par l’ode à l’amitié féminine, plus puissante et salvatrice que n’importe quelle relation de couple. Du moins selon l’autrice. En filigrane, un hommage à la musique des années 1980 et un portrait sans complaisance du monde littéraire français. On adore.

Seuil, 208 pages

Au bonheur des filles, d’Elizabeth Gilbert

Gros coup de cœur pour Vivian et les femmes assumées qui l’entourent dans ce roman dont l’action se déroule principalement à Broadway dans le milieu du théâtre des années 1950. Cette galerie de femmes qui ne s’excusent pas de vivre, qui prennent leur pied en se fichant des conventions, est tout à fait réjouissante. Un roman sur l’émancipation, la liberté et l’autonomie féminines qui confirme, une fois de plus, le formidable talent de conteuse d'Elizabeth Gilbert.

Calmann-Lévy, 428 pages

Love Me Tender, de Constance Debré

À la suite d’une séparation douloureuse et des manigances de son ex, la narratrice perd l’accès à son fils. Des histoires de divorce, il s’en écrit des tonnes. Celle de Constance Debré, qui a carrément rompu avec sa vie d’avant en quittant sa carrière d’avocate et son mari pour embrasser la vie d’écrivaine et les amours homosexuelles, se distingue par son écriture serrée et son style direct, sans détour. On reçoit ce livre comme un coup de poing.

Flammarion, 192 pages

Nos espérances, d’Anna Hope

On s’attache beaucoup à Cate, Lissa et Hannah, trois amies qui ont 20 ans dans les années 1990. Elles ont des rêves, de l’ambition, tout leur semble possible. Mais entre nos rêves et la réalité, il y a parfois un gouffre, ou tout au moins un fossé. Anna Hope traite avec finesse de l’aspiration des femmes, des choix qu’elles font et qui sont parfois influencés par une force plus grande que soi qu’on appelle la société. Un excellent moment de lecture.

Gallimard, 368 pages

Chavirer, de Lola Lafon

Le plus récent roman de Lola Lafon n’est pas toujours facile à lire. Il aborde des sujets graves et difficiles : l’exploitation de l’innocence des jeunes, le mécanisme de l’abus, le consentement, la culpabilité, la résignation… C’est une étude subtile de la complexité des individus qui peuvent être à la fois bourreaux et victimes. Rarement a-t-on exploré la question des agressions avec autant de finesse et de délicatesse. À ce jour, c’est LE roman français à lire dans la foulée du mouvement #metoo.

Actes Sud, 348 pages

Fragilité blanche – Ce racisme que les Blancs ne voient pas, de Robin DiAngelo

C’est un des livres les plus controversés de l’année (on parle de sa traduction, l’original est paru en 2018). DiAngelo est sociologue et anime des rencontres de sensibilisation au racisme en entreprise. Dans son livre, elle parle de suprématie blanche – un terme qui en a fait sourciller plus d’un – et de l’effet contre-productif des « larmes des femmes blanches », soit l’expression d’une certaine culpabilité qui empêche tout dialogue constructif entre gens privilégiés et gens racisés victimes de racisme. Un livre essentiel pour mieux comprendre ce qu’est le racisme systémique.

Les Arènes, 300 pages

Fille, femme, autre, de Bernardine Evaristo

Ce livre a remporté le prix Man Booker en 2019 et on comprend pourquoi. On lit ces 12 portraits de femmes comme on écouterait une chorale : on entend des voix distinctes avec chacune leur texture et leur couleur, mais à la fin, ces voix se mêlent parfaitement en une seule et même trame. Ce roman est tellement réussi, tellement puissant qu’on a une seule envie quand on le termine : le recommencer.

Globe, 470 pages

Le coût de la vie, de Deborah Levy

Depuis quelques années, Deborah Levy travaille à une trilogie autobiographique (le troisième livre paraîtra en 2021). Dans Le coût de la vie, son deuxième livre, elle parle de son divorce, de sa reconstruction, mais surtout de ses retrouvailles avec elle-même. Après avoir tout consacré à sa vie familiale, elle s’autorise enfin à vivre sa vie d’écrivaine. Une réflexion intime et personnelle d’une grande profondeur, écrite par une femme en pleine possession de ses moyens.

Éditions du sous-sol, 158 pages

Yoga, d’Emmanuel Carrère

Yoga a soulevé les passions en 2020. Ce roman très attendu a créé deux camps : d’un côté ceux qui en veulent à l’écrivain de ne pas avoir dit toute la vérité, accouchant ainsi, selon eux, d’un roman inachevé (une entente judiciaire l’empêche de parler de son ex dans ses livres). Dans l’autre camp, les inconditionnels qui ont été touchés au cœur par cette réflexion sur l’art de vivre, sur cette quête du bonheur ou tout au moins d’un certain équilibre. Ce récit est imparfait, ponctué de passages à vide et de prises de conscience fulgurantes. Comme la vie.

P.O.L, 380 pages

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