Élections européennes

Plus à droite, mais dans la continuité…

Les dernières élections européennes ont vu une nouvelle progression des partis de droite radicale au Parlement. Jusqu’à quel point cette poussée aura-t-elle un impact sur les grandes orientations de l’Union européenne (UE) ? La Presse a posé la question à Ettore Recchi, professeur de sociologie à Sciences Po Paris et au Centre des politiques migratoires de l’Institut universitaire européen de Florence.

La droite classique se maintient. La gauche recule. La droite radicale progresse. Selon vous, quelles conclusions peut-on tirer des élections européennes ?

Qu’il y a une forme de continuité, malgré tout. Ce n’est pas faux de dire que la droite radicale a gagné, mais ce n’est pas une victoire dévastatrice. C’est une victoire en marge, parce que moins importante que ce qui avait été annoncé et qui, finalement, ne va pas affecter la majorité existante. C’est vrai que les libéraux (centre) ont perdu des sièges, tout comme les socialistes. Mais les conservateurs ont aussi gagné quelques sièges. La majorité classique – conservateurs, socialistes, libéraux – garde une marge suffisante pour réitérer sa coalition. Apparemment, les Verts se sont aussi dits disponibles pour entrer dans cette coalition.

Avec ses gains importants, la droite radicale aura-t-elle malgré tout une influence sur le Parlement européen dans les prochaines années ?

C’est déjà le cas. Même si la droite radicale ne participe pas directement au jeu du pouvoir et ne rentre dans aucune coalition, elle a quand même une influence dans l’idéologie dominante. Il y a globalement une droitisation du discours au sein de la classe politique et au sein des institutions européennes, entre autres chez les conservateurs du Parti populaire européen (PPE, droite conservatrice). Concernant l’immigration, par exemple. Il n’y a plus personne qui dit que l’abolition des frontières est une grande conquête de l’Europe. On parle plutôt de renforcement des frontières…

Il y a deux groupes de droite radicale au Parlement européen : les Conservateurs et réformistes européens (CRE) et le groupe Identité et démocratie (ID). Quelle différence y a-t-il entre les deux ?

C’est vrai qu’il y a des ressemblances, si on regarde les champions de chaque groupe, Giorgia Meloni avec le CRE et Marine Le Pen avec ID. Meloni vient d’un parti néo-fasciste. Mais depuis qu’elle a le pouvoir, Mme Meloni est devenue beaucoup plus modérée. Le groupe ID est plus radical, avec le Rassemblement national en France et l’AfD en Allemagne, qui avait été exclue, mais qui va être réintégrée, semble-t-il, après expulsion de quelques-uns de ses membres plus extrémistes.

Le PPE a déclaré ne pas exclure des alliances occasionnelles avec le CRE, auquel appartient Mme Meloni. C’est un scénario réaliste ?

C’est sûrement possible, mais à nouveau ce ne serait pas une grande nouveauté. Dans le passé, il y a eu des majorités un peu flottantes sur certains dossiers. Ces majorités à géométrie variable sont fréquentes selon les dossiers, que ce soit en agriculture, en environnement ou en immigration. Ce qui ne change pas, c’est que les partis d’extrême gauche ou d’extrême droite comme Identité et démocratie restent toujours en marge de ces alliances. Ce qui est important, pour le Parlement européen, c’est aussi la formation de la Commission européenne. La Commission est l’organe exécutif de l’Union européenne et c’est le Parlement qui vote pour son ou sa présidente. Je crois que ce sera une fois de plus Ursula von der Leyen [membre du PPE].

La composition des groupes parlementaires peut-elle changer à la suite de cette élection ? Le parti de Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia, pourrait-il quitter le CRE pour aller rejoindre les rangs du PPE, par exemple ?

Oui, les groupes peuvent changer. C’est le pouvoir qui tient ensemble tous ces gens. Mais je pense que Fratelli d’Italia n’a pas vraiment un grand intérêt à bouger. Dans le CRE, Meloni est un peu la reine, et dans le PPE, elle se perdrait dans un grand pot-pourri de différents partis.

Quels seront, selon vous, les grands enjeux des cinq prochaines années pour l’UE ?

C’est la question à 1 million ! L’environnement sera toujours là. La défense a été mise sur la table et ne va pas disparaître avec les tensions aux frontières de l’Europe. Et l’immigration. Moi, je dirais que ce sont les trois enjeux prioritaires.

Enfin, jusqu’à quel point ces résultats sont-ils parlants, étant donné qu’il n’y a eu que 53 % de taux de participation ?

Oui, c’est désolant de voir que 70 ans après la création de l’Union européenne dans ses différentes incarnations, le taux de participation reste si bas. C’est triste. Ça montre un manque d’affection pour cette créature si étrange et si typique du continent. On sait que les enjeux européens n’ont jamais enflammé le cœur des Européens. Les passions ont toujours été moins élevées qu’aux élections nationales. Là aussi, on est dans la continuité.

Un sondage place le RN en tête en France

À 19 jours du premier tour d’élections législatives anticipées en France, le président Emmanuel Macron renoue avec l’exercice de la grand-messe des questions-réponses avec les journalistes, une manière d’apparaître comme le véritable chef d’une majorité en grand danger. Selon un sondage Harris Interactive-Toluna paru lundi, le Rassemblement national (RN), parti d’extrême droite grand vainqueur des élections européennes dimanche en France, est crédité de 34 % d’intentions de vote pour le premier tour le 30 juin. Ce qui lui permettrait, selon l’institut, d’obtenir une majorité relative à l’Assemblée nationale lors du second tour une semaine plus tard, avec entre 235 et 265 députés sur 577. Les macronistes, avec 19 %, ne pourraient avoir que de 125 à 155 sièges.

— Agence France-Presse

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