COVID-19

Leçons de pandémie, un an plus tard

Il y a un an, je faisais part dans ces pages de mes réflexions sur la pandémie de COVID-19.⁠1

Après 22 mois et alors que les hospitalisations grimpent en flèche au Québec, c’est avec terreur et tristesse que je constate que ces « leçons de pandémie » ont fait lettre morte.

En commençant par l’inaction du gouvernement du Québec devant les avertissements des modèles de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) en novembre, qui annonçaient une augmentation majeure des hospitalisations en janvier et février, et ce, avant même l’arrivée du variant Omicron.

Cette inertie s’est prolongée devant les données européennes annonçant la forte contagiosité du nouveau variant. Face à ces informations inquiétantes, le gouvernement Legault a choisi de nous annoncer des rassemblements à 20 personnes vaccinées lors du temps des Fêtes.

Ensuite, la mise en place d’un couvre-feu qui nous ramène à l’hiver 2021. Cette mesure répressive, en plus d’être illogique – puisqu’elle n’endigue en rien toute la transmission qui a lieu le jour dans les écoles, garderies, milieux de travail et en communauté –, affectera de manière disproportionnée les communautés les plus marginalisées dans la société.

Elle aura pour conséquence – une fois de plus – d’exacerber les impacts néfastes et inégalement distribués de la pandémie, notamment sur les jeunes, les personnes vivant la précarité de logement ou sans statut d’immigration, celles qui ont recours aux centres d’injection supervisée ou qui vivent de la violence à la maison, les travailleuses du sexe, etc.

Comme plusieurs l’ont déjà répété, s’appuyer sur la répression policière pour gérer une pandémie constitue un échec des politiques de santé publique.

Ont-ils déjà oublié la mort de Raphaël André et d’Elisapee Pootoogook ? En pleine « fatigue pandémique », l’annonce du couvre-feu risque également d’éroder la confiance de la population envers les autorités de santé publique, à un moment critique où l’action collective pour le bien commun est primordiale.

Discours incohérents

Au lieu d’axer son message sur de l’information de qualité permettant à la population d’anticiper et de prendre des décisions informées, le gouvernement du Québec a choisi de nous étourdir de discours incohérents alternant entre faux espoirs et stigmatisation de boucs émissaires qui servent à camoufler ses échecs. Or, ni l’espoir ni la répression ne constituent des stratégies de santé publique.

Je veux être claire. Je pense qu’il est crucial et urgent de réduire la transmission du virus SARS-CoV-2 et d’appliquer les mesures sanitaires que l’on sait efficaces. Mais encore faut-il donner à la population les moyens d’appliquer ces mesures.

Cela impliquerait l’accès à des masques de qualité – y compris des masques N95 –, à des milieux de vie, de travail et d’apprentissage bien ventilés (il s’agit d’un virus respiratoire !). La population doit avoir accès à des tests de dépistage et doit être soutenue sur le plan financier ou logistique lors d’un test ou d’une quarantaine.

On doit mettre en place des mesures ciblant les écoles, entrepôts, usines et autres lieux de travail qui connaissent des éclosions, comptant pour plus de la moitié des cas actuellement au Québec. Il faut également remettre en question « l’hospitalocentrisme » de notre système et repenser le modèle social d’institutionnalisation, dont les CHSLD, les refuges et les prisons, qui ont été durement frappés par le virus.

Plus en amont, il faut une action concertée sur les déterminants structurels de la santé, qui enchâssent l’impact hétérogène de cette pandémie.

Des erreurs qui se répètent

Nous faisons face à la même tempête, mais nous ne sommes pas toutes et tous dans le même bateau. L’accès à un logement de qualité abordable, à des conditions de travail sécuritaires et dignes, à des programmes de soutien financier en cas de maladie ou de perte d’emploi sont autant de facteurs essentiels dans cette pandémie.

Chaque vague de confinement devrait – aurait dû – nous permettre de mettre en place toutes ces mesures et de renforcer nos infrastructures de soins et de santé publique. Au lieu de cela, il semble que le gouvernement de la Coalition avenir Québec répète les mêmes erreurs chaque fois, tout en espérant des issues différentes.

Cela nous renvoie à un manque de vision globale aussi effarant qu’inquiétant. Le mot pandémie implique un phénomène qui s’opère à l’échelle de la planète, nécessitant donc des solutions tout aussi globales.

Il y a un an, on nous annonçait l’arrivée des vaccins comme la panacée qui allait nous sortir de la crise sanitaire. Toutefois, cet élément pourtant important de la stratégie de lutte contre la pandémie n’a fait qu’exacerber les inégalités préexistantes en matière de distribution des richesses à l’échelle mondiale.

En effet, comment orchestrer une distribution juste et équitable des vaccins contre la COVID-19 dans les pays du Sud global au sein de structures politiques et économiques qui perpétuent l’héritage colonial, nuisent au développement d’infrastructures locales et normalisent les millions de personnes qui y meurent chaque année de la tuberculose, de la malaria ou de la gastroentérite virale ?

Il n’existe pas de solution locale à un phénomène mondial. Le slogan « personne n’est protégé si nous ne sommes pas tous et toutes protégés » de l’Organisation mondiale de la santé nous rappelle qu’il nous faut penser des solutions profondes, collectives et solidaires. C’est la seule manière de sortir de cette pandémie, ensemble, et de prévenir la prochaine.

1. LISEZ le texte de l’auteure publié le 5 janvier 2021

Remerciements à Arnold Aberman, Baijayanta Mukhopadhyay et Samir Shaheen-Hussain pour leurs contributions au texte.

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