Stérilisation forcée de femmes autochtones

« Ça prend des noms », dit le Collège des médecins

« Choqué » et « renversé » par les révélations contenues dans une étude publiée la semaine dernière sur la stérilisation forcée de 22 femmes autochtones et inuites depuis 1980 dans la province, le Collège des médecins du Québec invite les soignants témoins de telles pratiques à les dénoncer.

« Les personnes qui sont témoins de cela, s’il vous plaît, signalez-nous ça au Collège. […] J’espère qu’on va avoir des noms. Qu’on va pouvoir enquêter. […] Ça prend des noms pour faire une enquête », dit en entrevue le président du Collège des médecins, le DMauril Gaudreault, qui s’engage à faire une nouvelle fois de la pédagogie auprès de ses membres sur la notion de consentement éclairé.

Dans une lettre envoyée à La Presse, le DGaudreault dit s’étonner « du silence du personnel soignant sur ces cas ». « J’invite donc tous ceux et celles qui ont été témoins de ces gestes inappropriés ou qui savent quelque chose de ces situations à contacter le Collège des médecins », écrit-il.

Consultez la lettre du Collège des médecins

Dans une étude publiée la semaine dernière, une équipe de chercheuses de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue a présenté les témoignages de femmes autochtones et inuites qui auraient été stérilisées contre leur gré. Certaines ont également rapporté avoir subi un avortement sans leur consentement.

Lisez l’article « Au moins 22 cas depuis 1980, un dernier en 2019 »

Le rapport contient notamment des extraits de témoignages où l’on rapporte des « propos discriminatoires liés à l’identité autochtone ». Dans un cas, un médecin aurait proposé une ligature des trompes à une patiente et lui aurait dit : « Tous les enfants que vous avez mis au monde vont tous vivre dans la misère », peut-on lire. Des femmes ont aussi rapporté s’être fait demander un consentement à une stérilisation alors qu’elles étaient en plein travail. Un geste qui est « absolument odieux », selon le DGaudreault.

Le Québec n’est pas le seul territoire à voir surgir des cas de stérilisation forcée sur des femmes autochtones. La Saskatchewan a été la première province à documenter la situation au pays en 2013. Le Groenland a aussi vu cette année plusieurs femmes dénoncer une campagne de stérilisation massive survenue dans les années 1970, comme le rapportait La Presse lundi.

Lisez notre reportage au Groenland : « Un stérilet malgré elle à 14 ans »

Selon le DGaudreault, la situation au Québec est possiblement « plus importante encore que ce qui nous est rapporté ». « Je ne dis pas que ça se fait de façon fréquente. Mais il faut venir à la conclusion que ça se fait. Et probablement que ça existe encore en 2022. Il faut conscientiser nos membres », dit-il.

Un consentement « non négociable »

Pour le DGaudreault, « on aura beau invoquer la barrière de la langue ou de la culture, il n’en reste pas moins que le principe fondamental du consentement éclairé » semble avoir été occulté. Et pour lui, ce consentement est « non négociable ».

Il reconnaît que certaines urgences peuvent survenir, où le consentement d’une femme qui accouche, par exemple, doit être obtenu en contexte non optimal. « Mais c’est très peu fréquent », dit-il.

Une suite doit selon lui être donnée à la recherche. Le DGaudreault rencontrera entre autres prochainement ses auteures, et les médecins de la province seront à nouveau sensibilisés à la question du consentement éclairé aux soins.

Les femmes autochtones sont-elles les seules à avoir été victimes de stérilisations forcées ou de violences obstétricales au Québec ? « Ça prendrait une autre étude pour le dire », estime le DGaudreault. Mais ce dernier indique que les cas concernant des femmes autochtones sont bien documentés dans l’étude, qui est « une autre démonstration » du racisme systémique qui touche le milieu de la santé de la province.

De son côté, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) dit avoir pris acte de la recherche. « Si cela est avéré, c’est évidemment surprenant et choquant que ça ait pu se produire au Québec au cours des 30 dernières années, et c’est odieux et inacceptable. Point. Et la Fédération collaborera bien sûr avec le Collège des médecins si celui-ci entend adopter des mesures particulières suite à sa lecture et son analyse des recommandations du rapport », indique le directeur des communications de la FMOQ, Jean-Pierre Dion.

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