Opinion : Îles-de-la-Madeleine

Devenir un leader de la transition énergétique

Après avoir étudié la pose d’un câble sous-marin de 225 km entre Percé et Cap-aux-Meules pour assurer l’alimentation des Îles-de-la-Madeleine en électricité propre, Hydro-Québec a annoncé son intention de revoir cette solution devant les coûts trop élevés et les enjeux de fiabilité du câble causés par les fonds et le courant marin. Une décision que ne repousse pas le maire des Îles, Jonathan Lapierre, qui voudrait qu’Hydro-Québec innove en misant sur les énergies renouvelables (éolien, solaire, stockage), les microréseaux.

Le maire Lapierre a bien raison. Le monde de l’énergie a beaucoup changé depuis une décennie. L’éolien et le solaire, notamment, sont devenus des technologies fiables, à prix compétitifs avec les formes d’énergie plus classiques, dont l’hydroélectricité.

L’énergie du soleil, autrefois une source qui faisait rêver du fait de sa gratuité et de sa disponibilité, mais inaccessible en raison du coût trop élevé des équipements, est devenue une technologie à pleine maturité.

Après des décennies d’améliorations technologiques, la mise en place de meilleures techniques de fabrication, le déploiement à l’échelle ont permis une réduction drastique de plus de 80 % du coût de l’énergie des projets solaires photovoltaïques depuis 2010.

L’éolien n’est pas en reste, avec une baisse depuis une décennie de 39 % pour l’éolien terrestre et de 29 % pour l’éolien extracôtier.

Tout cela est bien concret : l’État de New York, client d’Hydro-Québec, entend s’alimenter d’éolien extracôtier à hauteur de 9000 MW d’ici 2035. Plus de 1800 MW de contrats ont déjà été alloués, et en construction, pour une mise en service dès 2024.

L’éolien et le solaire sont donc en très forte progression dans le monde. Le secteur électrique mondial a ajouté plus d’énergie solaire depuis 10 ans que toute autre forme d’énergie. Pas étonnant quand on constate que le coût d’approvisionnement en électricité solaire photovoltaïque devrait se situer à moins de 4 sous/kWh (en dollars américains) en 2021.*

Bien sûr, l’éolien et le solaire sont des énergies intermittentes. Or, pour alimenter les Îles avec une énergie fiable, il faudra donc des batteries. Si cette technologie reste encore dispendieuse, son marché est appelé à se développer, et on peut être sûr que, comme les énergies renouvelables, des gains importants en efficacité et en coûts seront enregistrés d’ici 2030.

Le soleil d'HawaiI, le vent des Îles

La technologie semble assez mature pour qu'Innergex, partenaire d’Hydro-Québec pour des investissements hors Québec, ait annoncé en mai avoir été retenu pour deux projets à Hawaii : une installation de 15 MW d’énergie solaire et de 60 MWh de stockage par batteries sur l’île d’O’ahu ; et une autre de 20 MW d’énergie solaire et de 80 MWh de stockage par batteries sur l’île de Maui. Ces deux projets d’une durée de 25 ans ont une mise en service prévue en 2023.

Bien sûr, les Îles-de-la-Madeleine, ce n’est pas Hawaii, son ensoleillement et sa superficie, les renouvelables exigeant l’utilisation de beaucoup de territoire. Mais il y a du vent aux Îles, sur les côtes. Déjà, une centrale éolienne de 6,4 MW est en chantier aux Îles (parc éolien de la Dune-du-Nord), avec une mise en service prévue à la fin de l’année.

Il n’en demeure pas moins que la transition énergétique des Îles doit s’accélérer. Car les 40 millions de litres de mazout nécessaires pour exploiter la centrale thermique de Cap-aux-Meules et alimenter les 13 000 Madelinots représentent plus de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’Hydro-Québec.

Or, Hydro-Québec vise la carboneutralité dès 2030, notamment en convertissant en énergie propre l’alimentation électrique de ses 23 réseaux autonomes, soit les réseaux non reliés au réseau principal en raison de leur éloignement. Celui des Îles est de loin le plus important, et il y a aussi ceux situés dans le Grand Nord québécois.

En y intégrant des engagements accrus en matière d’efficacité énergétique, de déploiement de véhicules électriques, de gestion d’énergie, la transition énergétique des Îles représente en fait un très beau défi pour Hydro-Québec : l’occasion d’améliorer son expertise dans le déploiement de solutions énergétiques innovantes, et de consolider son positionnement comme meneur mondial de la transition énergétique.

Le maire Lapierre est sur le bon registre en misant sur cette belle ambition d’autonomie énergétique, prometteuse à la fois pour sa communauté et pour le leadership technologique québécois en matière d’énergie électrique, un créneau d’excellence reconnu à travers le monde.

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