Empiétements dans les champs de compétence

« Les citoyens s’en foutent », plaide Justin Trudeau

Ce qu’il faut savoir

Le premier ministre Justin Trudeau a fait une quatrième annonce prébudgétaire sur le logement, jeudi, et il signale que ce ne sera par la dernière.

Malgré les critiques de certaines provinces, dont le Québec, il va de l’avant, estimant que les citoyens ne se préoccupent pas des querelles de compétence.

Le chef bloquiste Yves-François Blanchet croit que Justin Trudeau profite de la chute du gouvernement de François Legault dans les sondages pour s’ingérer dans les affaires du Québec.

Ottawa — Justin Trudeau n’a pas l’intention de tempérer ses ardeurs d’ingérence budgétaire, parce que « les citoyens s’en foutent », des querelles de compétence. Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, ne le contredit pas là-dessus, mais il accuse le premier ministre de cynisme.

Le premier ministre Trudeau a continué de taper sur le clou du logement, jeudi, en proposant la création du Fonds canadien de protection des loyers. Celui-ci prévoit 1 milliard en prêts et 470 millions sous forme de contributions à des partenaires, par exemple à des organismes sans but lucratif.

L’objectif de cette nouvelle créature du fédéral, qui sera contenue dans le budget du 16 avril prochain, est de protéger le parc de logements abordables et de créer des milliers de nouveaux appartements abordables, selon un communiqué gouvernemental.

La déferlante d’annonces prébudgétaires en matière de logement n’est pas terminée, a prévenu le premier ministre canadien, dont les programmes qui empiètent sur les champs de compétence provinciaux ont fait grogner au Québec et en Ontario.

« On a beaucoup parlé de mesures pour le logement qui vont être dans le budget. Et on va en avoir plus à dire encore dans les prochains jours. »

— Le premier ministre Justin Trudeau, lors de son passage à Winnipeg, au Manitoba

M. Trudeau a promis de ne pas hausser les impôts de « la classe moyenne » pour financer cette série d’engagements.

Que répond-il aux provinces qui se plaignent de voir le fédéral marcher dans leurs plates-bandes ?

« Les citoyens s’en foutent de quel ordre de gouvernement est responsable de quoi, a lancé Justin Trudeau. Ils veulent juste que leur loyer soit abordable, que leur épicerie ne coûte pas trop cher, que leurs enfants soient en bonne situation pour pouvoir réussir. »

Et la fédération canadienne dans tout ça ?

Elle doit fonctionner « en partenariat », a-t-il fait valoir. « Là où les provinces doivent être encouragées à en faire un petit peu plus, on va être là pour les encourager, les inciter, et leur offrir plus d’argent pour pouvoir le faire. C’est comme ça qu’une fédération doit fonctionner », a argué le premier ministre.

L’impopularité caquiste en cause, croit Blanchet

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, croit lui aussi que l’appât du chèque est plus fort que les débats sur les compétences entre divers ordres de gouvernement. « Il a raison », concède-t-il en réaction aux propos de Justin Trudeau.

« Moi, quand je vais chez le dentiste, je ne comprends pas tout ce qu’il fait. Les gens qui sont mécaniciens ou entrepreneurs forestiers, ils ne s’intéressent pas aux détails de la Constitution ou des crédits budgétaires », illustre-t-il en entrevue téléphonique.

Alors oui, « les gens vont dire : “Si c’est un chèque, je vais le prendre” », poursuit-il, en émettant néanmoins l’hypothèse que les électeurs québécois ne s’en fichent pas forcément, car ils « ont un attachement à la nation québécoise ».

Et à son avis, « l’impopularité actuelle du gouvernement du Québec » donne à Justin Trudeau l’opportunité de « marcher sur les compétences du Québec », parce que « quand le gouvernement de [François Legault] caracolait avec des 60 % de satisfaction, jamais M. Trudeau n’aurait osé faire ça ».

Le Bloc québécois votera, dit-il, contre toute intrusion dans les champs de compétence du Québec.

Ainsi, nul besoin d’attendre le dépôt officiel de l’exercice financier du fédéral pour se faire une tête. Son parti en a assez vu au cours des derniers jours.

« Ça, c’est clair, on va voter contre ce budget-là, qui est construit sur le dos du Québec. »

— Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

Sollicité à répétition depuis le début de la cascade d’annonces du gouvernement Trudeau, la semaine passée, le cabinet du ministre québécois responsable des Relations canadiennes, Jean-François Roberge, a cette fois préféré répondre à l’aide du schéma ci-dessous.

Trudeau veut semer la bisbille, d’après les conservateurs

Les conservateurs s’opposeront aussi, sans aucun doute, au budget libéral.

« Dire que les citoyens s’en foutent, c’est ne pas tenir compte de l’institution que représente le gouvernement fédéral. Justin Trudeau crée de la division au lieu d’agir avec cohésion comme un leader », dit le lieutenant du Parti conservateur au Québec, Pierre Paul-Hus, à l’autre bout du fil.

Le gouvernement libéral minoritaire n’a pas besoin de l’appui des bloquistes ou des conservateurs pour rester au pouvoir. L’entente de soutien et de confiance scellée il y a un peu plus de deux ans avec le Nouveau Parti démocratique assure sa survie.

Et la défense ?

Alors que l’OTAN souffle ses 75 bougies, le Canada continue de glisser dans le palmarès des contributeurs du partenariat transpacifique, lui qui aurait consacré 1,33 % de son PIB au budget de la défense – un champ de compétence fédéral – pour 2023, selon les estimations de l’Alliance.

Interrogé sur le partage de compétences, Justin Trudeau a laissé tomber, sourire en coin, qu’il serait ouvert « à recevoir de l’argent des provinces si elles veulent investir dans [la défense] ».

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