COVID-19

Les nouvelles du jour concernant la pandémie au Québec

PREMIÈRE VAGUE DANS LES HÔPITAUX

Chute inquiétante des opérations urgentes

Lors de la première vague de COVID-19 au printemps, la fréquentation des urgences a diminué de moitié dans les hôpitaux canadiens. Et les opérations vitales et urgentes ont connu une baisse de 17 % à 21 %, révèlent de nouvelles données de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS).

« Nous ne savons pas exactement ce qui a mené à cette baisse ni comment les patients qui n’ont pas bénéficié de ces interventions ont été affectés », indique l’ICIS dans une étude publiée jeudi matin. « Mais ces données sont inquiétantes », explique la porte-parole de l’organisme, Christina Lawand.

Selon les données analysées par l’ICIS, les hôpitaux canadiens ont enregistré 25 000 visites de moins par jour aux urgences durant la première vague de COVID-19. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette baisse, dont le refus des personnes touchées de se présenter en milieu hospitalier de crainte de contracter le virus, explique Mme Lawand.

Le confinement a aussi fait diminuer le nombre d’accidents. « Il y a eu une diminution importante des consultations aux urgences chez les enfants », ajoute Mme Lawand, qui souligne que les accidents dans les parcs (fermés durant le confinement) ont entre autres été moins fréquents.

Cette baisse de l’achalandage aux urgences s’est accompagnée d’une diminution du nombre d’opérations vitales ou urgentes, comme l’insertion d’un simulateur cardiaque, les pontages aorto-coronariens et les opérations liées au traitement d’un cancer.

Une situation « très inquiétante », selon le DMartin Champagne, président de l’Association des médecins hématologues et oncologues du Québec.

« Ces opérations reportées vont entraîner une hausse de la mortalité.  »

— Le DMartin Champagne, président de l’Association des médecins hématologues et oncologues du Québec

Une autre étude publiée au début de novembre dans le British Medical Journal montre qu’un report de quatre semaines dans un traitement du cancer augmente significativement la mortalité des patients atteints de cancers du sein et du côlon, notamment. « C’est catastrophique. Il va y avoir des effets pendant longtemps à cause de ces reports et de ces délais », dit le DChampagne.

Moins de soins à domicile

L’étude de l’ICIS montre également que plus de 320 000 opérations non urgentes de moins ont été planifiées de mars à juin au Canada en comparaison de 2019. Ces statistiques ne tiennent toutefois pas compte de la performance du Québec, dont les données n’étaient pas disponibles.

Enfin, les soins à domicile ont subi fortement les conséquences de la première vague de la pandémie au pays. Le nombre d’évaluations de dépistage initiales a chuté de 41 % par rapport à 2019, révèlent les données de l’ICIS. « Or, ces évaluations constituent la première étape pour l’organisation de services à domicile réguliers », est-il écrit dans l’étude.

Alors que le pays est plongé dans une deuxième vague de COVID-19, les impacts sur les systèmes de santé ne sont plus les mêmes qu’au printemps, note Mme Lawand.

« On continue de suivre les données. On commence tout juste à mesurer tout l’impact de la pandémie sur la santé des Canadiens. »

— Christina Lawand, porte-parole de l’Institut canadien d’information sur la santé

Après avoir été presque à l’arrêt pendant six mois, les tests de dépistage du cancer comme les mammographies et les colonoscopies ont repris cet été. Mais en juillet, dernier mois pour lequel on dispose de statistiques, le réseau réalisait tout de même 25 % moins d’analyses de pathologie qu’à pareille date l’an dernier. « Il y a eu des retards dans les diagnostics, avec potentiellement des conséquences. C’est gros, ce que l’on vit », analyse le DChampagne.

prolonger les vacances des Fêtes ?

« On veut enseigner », disent des professeurs

Le fait que Québec envisage de prolonger le congé scolaire des Fêtes pour imposer une « quarantaine » aux jeunes fait craindre que les élèves les plus vulnérables en pâtissent. Des enseignants réclament qu’on les laisse enfin faire leur travail, tandis qu’une chercheuse plaide qu’il faut se rendre à l’évidence : l’année scolaire ne sera pas comme les autres.

Lysianne Dupont est orthopédagogue et travaille avec des enfants en difficulté d’une école primaire de la région de Montréal. Quand ses élèves sont revenus en classe en septembre, ils avaient pris du retard, dit-elle.

« J’ai des élèves qui étaient en difficulté et qui le sont encore plus. Les écarts se creusent énormément dans les classes entre ceux qui ont une facilité d’apprentissage et ceux pour lesquels juste “l’école de base”, ce n’est pas suffisant. Ça m’inquiète énormément », dit l’orthopédagogue.

Pour la première fois, « tannée que l’éducation soit mise au second plan », elle a écrit à sa députée pour lui faire part de ses préoccupations si les vacances de Noël sont prolongées comme l’envisage le gouvernement.

Enseignante en adaptation scolaire au primaire, Annie-Claude Arcand partage cette inquiétude.

« Déjà, au retour des Fêtes, c’est difficile à rattraper. Et on veut ajouter du temps de plus ? Ce n’est pas vrai que je vais pouvoir terminer d’enseigner mon année, je viens de rattraper le retard du printemps. »

— Annie-Claude Arcand, enseignante au primaire

Elle ajoute toutefois qu’elle se pliera aux exigences de la Santé publique.

Sur le terrain, bien des enseignants sont de cet avis, estime Égide Royer, psychologue et professeur associé à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval.

« On fait toujours attention de ne pas commenter parce qu’on n’est pas spécialistes en santé publique, mais la Santé publique ne se gêne pas pour prendre des décisions qui ont des impacts sur le développement des jeunes. Ils n’ont pas d’expertise là-dedans », dit-il sans ambages.

La Santé publique semble « pousser » pour des vacances prolongées, dit M. Royer, sans prendre en compte le fait que la réussite à l’école est un facteur de protection dans le développement des jeunes. « Si la ligne de pensée, c’est de voir cette interruption comme si les jeunes étaient en quarantaine parce qu’ils rentrent de voyage, c’est simpliste. Les impacts sont énormes », poursuit le psychologue.

Delphine Collin-Vézina, directrice du Centre de recherche sur l’enfance et la famille de l’Université McGill et professeure à l’École de service social, se demande quel sera le prix à payer pour les élèves qui seront encore privés de ces jours d’école.

À court terme, ça signifie « pas de contacts avec leurs amis et avec d’autres adultes significatifs, pas de services scolaires comme des psychologues ou psychoéducateurs, des enfants à la maison avec des parents possiblement dérégulés et en détresse eux-mêmes », explique la professeure.

« C’est un choix de société qui m’apparaît bien mal avisé », dit Mme Collin-Vézina.

La « grande erreur »

Julie Myre-Bisaillon, professeure à la faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke, croit qu’il faut « arrêter de virer fous avec le nombre de jours d’école ». « L’école ne peut pas porter à elle seule la responsabilité de l’éducation des enfants, encore plus en temps de pandémie », dit-elle, notant que la pression sur les enseignants est forte en ce moment.

La « grande erreur » de Québec a été de promettre une année scolaire la plus « normale » possible, de faire « comme si de rien n’était », estime-t-elle. « Si on avait planifié différemment, si on avait prévu une année particulière où il faut aller aux apprentissages essentiels, on n’en serait pas à se préoccuper d’une semaine ou plus d’école », croit Mme Myre-Bisaillon.

La professeure s’inquiète pour les élèves en difficulté, mais, dit-elle, c’est aussi le cas en temps normal.

« Ça nous remet devant des écarts qui existaient déjà avant la pandémie. Au Québec, on n’a pas fait le pas de travailler avec les familles de milieux vulnérables et là, on paye doublement pour. Si on avait outillé nos organismes communautaires à aller dans ces familles, on aurait une stimulation plus grande. »

— Julie Myre-Bisaillon, professeure à la faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke

La Coalition des parents d’enfants à besoins particuliers du Québec croit que les écoles ne devraient pas fermer plus longtemps à Noël, mais que les parents devraient avoir le choix d’y envoyer, ou pas, leurs enfants.

« Ce genre de décision unilatérale, prise sans présenter les données de l’impact des éclosions dans les milieux scolaires, nous amène à nous demander quels sont les plans du gouvernement pour les enfants qui ont besoin le plus de soutien », dit sa présidente Bianca Nugent.

Mercredi, le gouvernement ontarien a annoncé qu’il renonçait à prolonger les vacances scolaires des Fêtes, estimant que les protocoles mis en place actuellement dans les écoles sont suffisants pour assurer la sécurité des enfants. Jeudi en fin d’après-midi, le ministre de l'Éducation Jean-François Roberge tiendra un point de presse à Montréal en compagnie du premier ministre François Legault. En début de semaine, M. Legault a indiqué que l’enseignement à distance ne figurait pas dans les plans.

Tous ces changements dans l’organisation scolaire ont des impacts sur le personnel des écoles, qui se « revire sur un 10 cents », dit l’orthopédagogue Lysianne Dupont. « Ma priorité, c’est l’éducation des élèves. On peut-tu faire notre travail ? », demande-t-elle.

AUTORISATION IMMINENTE D’UN Vaccin

Les défis à venir

Pfizer demandera « dans les prochains jours » une autorisation d’urgence pour son vaccin contre la COVID-19. Le géant pharmaceutique a dévoilé mercredi de nouvelles données sur l’efficacité du vaccin, qui semble fonctionner chez les personnes âgées. Le défi est maintenant de produire assez de doses pour tous.

Deux objectifs atteints

Pfizer avait déjà annoncé, le 9 novembre, que son vaccin était efficace à 90 %. Le nouveau calcul porte l’efficacité à 95 % : 162 cas de COVID-19 ont été décelés dans le groupe témoin, à qui on avait injecté un placebo, et non pas le vaccin, contre 8 seulement dans le groupe ayant reçu le vaccin. Les autorités réglementaires américaines (FDA) exigent pour une autorisation d’urgence un minimum de cinq cas graves. Pfizer en a recensé 11, dont 10 dans le groupe témoin (91 %). L’autre exigence de la FDA était un suivi de sécurité de deux mois, après la deuxième injection, pour la moitié des participants de l’essai clinique de phase III (43 661 personnes, dont 41 135 ayant reçu les deux doses du vaccin mis au point par Pfizer et la société de biotechnologie allemande BioNTech).

Efficace chez les personnes âgées

Contrairement à Moderna, qui a dévoilé lundi les résultats de phase III de son vaccin COVID-19, Pfizer a dévoilé des résultats d’efficacité pour les personnes âgées : 94 % chez les plus de 65 ans. « Ça semble aussi bien marcher chez les personnes âgées, malgré le vieillissement de leur système immunitaire », explique Melissa Andrew, de l’Université Dalhousie à Halifax, qui signe jeudi matin dans le Lancet un commentaire sur une autre étude. Cette dernière étude porte sur la phase II des essais cliniques d’un vaccin mis au point par l’Université d’Oxford et la société AstraZeneca. « On a trouvé une réaction immunitaire aussi forte, sinon plus, chez les personnes âgées », dit Mme Andrew. Elle note toutefois que l’efficacité pourrait être moins grande chez les personnes âgées « fragiles ». Une personne sur quatre dans l’essai clinique de Pfizer avait plus de 55 ans.

Déjà en production

Tant Pfizer que Moderna ont déjà commencé à produire leur vaccin, même s’il n’est pas approuvé, pour pouvoir en distribuer dès 2020, selon un récent documentaire de l’émission 60 Minutes de CBS. Le PDG de Pfizer, Albert Bourla, a indiqué au New York Times que la moitié des 50 millions de doses qui seront livrées avant janvier iraient aux États-Unis et l’autre moitié à d’autres pays. Mais Christina Antoniou, de Pfizer, a indiqué que la livraison de 76 millions de doses au Canada aurait lieu « au cours de l’année 2021 ». Pfizer produit le vaccin dans trois usines aux États-Unis, à St. Louis, à Andover, au Massachusetts, et à Kalamazoo, au Michigan. Il en produit aussi à Puurs, en Belgique, mais ajoutera d’autres usines à la chaîne de production.

Les groupes prioritaires

Le documentaire de 60 Minutes rapportait que la responsable de la vaccination au New Jersey estimait que 70 % des adultes seraient vaccinés dans les six premiers mois. Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) des États-Unis estiment que les groupes prioritaires (travailleurs de la santé et essentiels, personnes âgées et malades) représentent 60 % de la population adulte. L’Institut national de santé publique du Québec vise la publication d’une séquence de vaccination des groupes prioritaires d’ici décembre. Fin septembre, le Royaume-Uni a publié ses recommandations de priorisation : tout d’abord les résidants et les travailleurs des maisons de retraite, puis les plus de 80 ans et les travailleurs de la santé, et ensuite les personnes âgées par tranches d’âge de cinq ans ; les personnes vulnérables aux complications de la COVID-19, par exemple les immunosupprimés, ne seraient vaccinées qu’après la fin de la vaccination des 65-70 ans.

15 jours dans une boîte

Pfizer a aussi dévoilé mercredi que son vaccin pourrait être conservé deux semaines dans une boîte spécialement conçue, qui pourra être régulièrement remplie de glace sèche. Cette boîte sera munie d’un thermomètre relié à une borne GPS. Le vaccin pourrait aussi être conservé six mois dans un congélateur à - 70 °C, et une semaine dans un réfrigérateur, contre un mois pour le vaccin de Moderna au réfrigérateur.

L’A B C de l’ARN

Les vaccins de Moderna et de Pfizer utilisent une nouvelle technologie appelée « vaccin ARN ». Il s’agit de molécules synthétiques contenant de l’information génétique, similaires à l’ADN, qui produisent des protéines du SARS-CoV-2, le coronavirus responsable de la COVID-19. Ces molécules d’ARN, quand elles sont injectées dans le vaccin, produisent ces protéines coronavirales pour susciter une réponse du système immunitaire. Ils proposent les premiers vaccins ARN produits à grande échelle. Une autre nouvelle technologie utilisée par d’autres vaccins COVID-19, comme celui de l’Université d’Oxford et d’AstraZeneca, utilise des virus inoffensifs modifiés pour produire des protéines coronavirales dans le corps humain.

Efficacité réelle contre efficacité clinique

L’efficacité des vaccins contre la COVID-19 risque d’être moins grande dans les faits. L’efficacité des vaccins grippaux, entre 29 % et 48 % depuis cinq ans, est basée sur la différence des infections entre les gens qui ont reçu le vaccin et ceux qui ne l’ont pas reçu. Cette efficacité populationnelle (effectiveness en anglais) est généralement moins grande que l’efficacité (efficacy) mesurée dans les essais cliniques en comparant les groupes témoin (ayant reçu un placebo) et vaccinal, selon Nicholas Brousseau, de l’Institut national de santé publique. « Dans la vraie vie, on donne le vaccin à des gens qui sont en moins bonne santé », explique le Dr Brousseau. Mais la Dre Andrew, de Dalhousie, pense que l’efficacité populationnelle des vaccins COVID-19 sera beaucoup plus grande que les vaccins grippaux, parce que dans les essais cliniques de ces vaccins grippaux, l’efficacité (efficacy) n’était jamais supérieure à 70 % ou 75 %.

EN CHIFFRES

Pfizer a recruté 42 % de ses candidats issus de minorités pour s’assurer de l’efficacité du virus, peu importe l’origine ethnique des participants.

4,5 % des participants de l’essai clinique du vaccin COVID-19 de Pfizer/BioNTech sont asiatiques

10 % des participants de l’essai clinique du vaccin COVID-19 de Pfizer/BioNTech sont noirs

26 % des participants de l’essai clinique du vaccin COVID-19 de Pfizer/BioNTech sont latino-américains

0,8 % des participants de l’essai clinique du vaccin COVID-19 de Pfizer/BioNTech sont amérindiens

Source : Pfizer

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