M’appelle Mohamed Ali

Remarquable en tous points

M’appelle Mohamed Ali, de Dieudonné Niangouna dans une mise en scène de Tatiana Zinga Botao et Philippe Racine. Avec Lyndz Dantiste, Nadine Jean, Fayolle Jean Jr, Anglesh Major, Maxime Mompérousse, Widemir Normil, Martin-David Peters, Rodley Pitt et Franck Sylvestre. Au Quat’Sous jusqu’au 21 septembre. Quatre étoiles ****

Dans cette rentrée théâtrale luxuriante, voici un spectacle important à ne pas manquer. M’appelle Mohamed Ali est une réussite en tous points remarquable. Un texte immense porté par une mise en scène et des interprètes au diapason.

Le dramaturge congolais Dieudonné Niangouna a écrit M’appelle Mohamed Ali il y a 10 ans et sa pièce a été créée en 2013 au Luxembourg. Il s’agit à n’en pas douter d’un texte qui traversera les âges tellement il vise juste à propos des luttes pour l’émancipation.

La vie du boxeur américain Muhammed Ali, celui qui disait « voler comme un papillon et piquer comme une abeille », permet à la narration d’aborder des sujets malheureusement toujours chauds. Que ce soit le racisme ordinaire ou flagrant dans la vie quotidienne, les pires clichés à propos des Noirs et la discrimination face aux artistes afrodescendants, tout y passe. Boxeur et acteurs, même combat.

« Je ne suis pas arrivé au théâtre par hasard. Le destin ne fait pas d’erreur. […] C’est lui qui meurt pour toi. Mais, il te restera toujours ton nom. Fais gaffe que personne ne te le vole. M’appelle Mohamed Ali. »

— Texte de Dieudonné Niangouna

La langue est exquise, poétique par moments, et aiguisée comme un scalpel capable d’extraire une minuscule cellule cancéreuse d’un corps réactionnaire. Les rires francs côtoient ainsi les malaises nécessaires dans ce spectacle. Et les adresses directes au public assurent un rythme adéquat afin de digérer cette nourriture dense.

Défendu à la création par un seul interprète, le texte bénéficie cette fois de huit acteurs et une actrice convaincants, brillamment dirigés par Tatiana Zinga Botao et Philippe Racine. Ces derniers n’ont ménagé aucun détail pour souligner subtilement les temps forts d’un spectacle abouti, qu’on aimerait voir circuler au Québec.

L’apport de la conseillère au mouvement Claudia Chan Tak se doit également d’être souligné avec une chorégraphie de tous les instants sur la petite scène du Quat’Sous. Simple et efficace avec ses murs de brique, ses câbles de ring de boxe et les coulisses apparentes de la salle, le décor de Marie-Ève Fortier est à l’avenant.

La pièce est une coproduction de La Sentinelle, formée de Tatiana Zinga Botao, Philippe Racine (co-metteurs en scène) ainsi que Lyndz Dantiste (un des huit interprètes masculins). Fondée il y a seulement cinq ans, la troupe peut déjà s’enorgueillir de faire progresser avec éclat la scène théâtrale d’ici.

Parce qu’il faut bien parler de diversité. Pratiquement invisible jusqu’à récemment sur scène, elle s’affirme désormais dans les écoles et au théâtre en montrant toutes les qualités d’artistes qu’on a trop tardé à reconnaître. M’appelle Mohamed Ali en est un navire amiral, l’incontournable étape à franchir pour desserrer le poing et tendre la main vers le futur, comme suggéré dans le texte.

Et le mot en « n », demandez-vous ? Bien sûr, tout plein. Faisant preuve de l’intelligence du cœur et de la rage de vivre qu’il se doit.

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