Le panier d’épicerie

Se soûler aux taxes sur l’alcool

Le Canada a maintenant le taux de taxation sur les boissons alcoolisées le plus élevé du monde occidental. Et à partir du 1er avril, il augmentera encore une fois.

Tout coûte plus cher à l’épicerie, mais nous constatons aussi des augmentations à la Société des alcools du Québec et partout où l’on vend des boissons alcoolisées. Eh bien, ces produits vont incessamment devenir encore plus chers.

En 2017, le gouvernement fédéral a eu la brillante idée d’indexer les taxes sur les boissons alcoolisées pour s’aligner sur l’inflation. L’idée visait à donner une certaine prévisibilité à ces hausses, mais sans aucun contrôle parlementaire ni aucune considération pour l’évolution des conditions du marché. Malgré les inquiétudes exprimées par notre industrie de l’alcool, Ottawa s’obstinait à aller de l’avant.

Avant la pandémie, l’inflation ne représentait pas un réel problème comme aujourd’hui. Peu de gens ont remarqué l’augmentation annuelle des taxes imposées sur l’alcool. Mais cette année, la réalité va frapper fort en raison de notre taux d’inflation très élevé. Ainsi, dans quelques semaines, le 1er avril, cette taxe augmentera de 6,3 %, ce qui constituera la plus forte hausse jamais enregistrée.

C’est environ 125 millions de dollars de plus en taxes sur les produits alcoolisés que les consommateurs devront payer de plus par année, à partir du 1er avril.

Le Canada a déjà les taxes sur l’alcool les plus élevées parmi les pays du G7. En fait, les taxes représentent à elles seules environ 50 % du prix de la bière, 65 % du prix du vin et 75 % du prix des spiritueux.

Nous avons vu cinq hausses consécutives depuis la mise en place de la clause d’indexation en 2017, ce qui a permis au Canada de surpasser le Japon avec le taux de taxes sur l’alcool le plus élevé du monde industrialisé. Pour les partisans de la lutte contre la consommation d’alcool, cela peut s’interpréter comme une nouvelle encourageante. Rendre le prix de l’alcool financièrement plus prohibitif incitera les consommateurs à boire moins. Une tactique parfaitement logique du point de vue de la santé publique et, franchement, c’est ce que vise Ottawa.

Les mesures fiscales ayant une influence sur la consommation d’alcool ne datent pas d’hier, mais le Canada atteint maintenant un point où toute une industrie peut être touchée négativement par la « soif » de notre gouvernement d’aller chercher plus d’argent dans les poches des contribuables.

La taille du marché des brasseries canadiennes dépassera 7,5 milliards de dollars d’ici la fin de l’année. Au-delà de 17 000 personnes travaillent dans le secteur brassicole. Nous comptons maintenant près de 1200 brasseries et microbrasseries dans le pays, et beaucoup sont exploitées par des brasseurs artisanaux qui n’emploient qu’une poignée de travailleurs. L’industrie du vin contribue actuellement pour près de 12 milliards de dollars à notre économie. Et, bien sûr, de nombreux restaurants, bistrots et bars dépendent tous de la vente d’alcool pour gagner leur vie.

L’industrie de la restauration souffre déjà. Selon Restaurants Canada, en 2022, dans plusieurs provinces, pour chaque ouverture de restaurant, deux établissements fermaient. Et cette tendance devrait se poursuivre en 2023. Par conséquent, l’effet d’entraînement de la hausse des prix sur l’industrie des boissons alcoolisées se mesure facilement. Partout au Canada, les ventes de bière ont diminué de 3,6 % au cours des 12 derniers mois, selon Bière Canada.

Les régies des alcools en subiront aussi les contrecoups. Les bénéfices bruts de toutes les régies des alcools et les revenus du gouvernement provenant des ventes de boissons alcoolisées à travers le pays atteignent maintenant près de 10 milliards de dollars par an, selon Statistique Canada. Ces ventes aident les provinces à financer l’entretien des hôpitaux, des écoles, des routes et d’autres infrastructures dont elles ont besoin.

Des augmentations similaires de taxes sur le tabac nous ont appris que des hausses successives des prix peuvent entraîner une multiplication des activités illicites, car les consommateurs recherchent des solutions de rechange moins chères.

Pour l’alcool, cela signifie une augmentation de contrebande, ce qui peut entraîner des conséquences négatives sur la santé et la sécurité publiques, car l’alcool produit illicitement peut être de moindre qualité et présenter des risques importants pour les consommateurs. Ce n’est pas la route que nous devons prendre, surtout pas en ce moment.

Certains disent que la taxe d’indexation, que peu de Canadiens connaissent, est antidémocratique. Possible, mais au fil du temps, la taxe d’indexation finira par rendre moins abordables tous les produits alcoolisés légaux au Canada. Le Parlement devrait enquêter sur la taxe d’indexation et analyser la pertinence de la plafonner, ou au moins d’établir une limite quelconque à ne pas dépasser lorsque l’inflation atteint un certain niveau. Ottawa a déjà profité de l’inflation – le déficit du gouvernement fédéral a tout simplement fondu au cours des huit derniers mois pour atteindre 4 milliards de dollars. Ottawa n’a pas besoin de plus de revenus provenant des « taxes sur le péché ». Ottawa devrait protéger au mieux notre industrie agroalimentaire en la rendant attrayante pour les investisseurs, tout en offrant aux Canadiens des produits alimentaires et des boissons de haute qualité à prix raisonnables.

Avec des taxes plus élevées, de nombreuses entreprises risquent de fuir le Canada, éliminant des choix et réduisant la concurrence, poussant ainsi les prix vers de nouveaux sommets.

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