Normand Voyer

Mauvais élève

Au secondaire, dire que le jeune Normand Voyer semblait se diriger vers une grande carrière de chimiste serait faire un accroc à la réalité.

Un gros accroc. À l’époque, le natif de Saint-Eustache avait mieux à faire qu’aller à ses cours.

« Genre aller dans le bois avec des chums et des filles… », précise le principal intéressé.

Après des échecs à plusieurs cours – dont ceux de chimie ! –, on a dirigé Normand Voyer vers ce qui s’appelait alors IAT, ou initiation au travail.

« C’était une voie de garage, explique-t-il. Heureusement que ma mère est aussi têtue que moi. Elle a tellement argumenté qu’ils ont fini par me réintégrer dans le général. »

Mais au moment de l’admission au cégep, le jeune homme a vu toutes ses demandes refusées.

« On m’a dit : la seule place où t’as une chance, c’est le cégep du Vieux Montréal, ils prennent tout le monde. Alors c’est là que je suis allé. »

— Normand Voyer

Et c’est là que le miracle est survenu. Normand Voyer est tombé sur un prof de chimie qui a réussi à éveiller son intérêt et changera sa vie. Des décennies plus tard, il se souvient de son nom : Umberto Macarone.

« C’était un passionné. Il était géologue, il apportait des cristaux en classe et nous parlait du monde qui nous entoure. Il était incroyable », raconte-t-il.

Normand Voyer a commencé à rêver de chimie. Sa motivation a grimpé… mais pas assez aux yeux des universités. L’Université de Sherbrooke, où il rêve d’aller (et où, ironiquement, il dérochera plus tard son premier poste de professeur), lui a fermé ses portes. Seule l’Université Laval a accepté d’étudier sa demande, mais à de strictes conditions. On lui a imposé trois cours d’été avant de commencer le baccalauréat, et il devait maintenir une moyenne de 2,5 pour rester dans le programme.

« La première année, j’ai eu 1,8… », raconte-t-il.

S’accrocher

On comprend que c’est de justesse que Normand Voyer s’est accroché à l’école tout au long de son parcours. Mais ceux qui lui avaient prédit l’échec sont confondus. En 1985, il a décroché un doctorat en chimie bioorganique de l’Université Laval. Puis il a fait un postdoctorat à l’Université de la Californie à Los Angeles sous la direction d’un certain Donald J. Cram, qui obtiendra le prix Nobel de chimie l’année suivante.

Loin d’avoir honte de ce cheminement atypique, Normand Voyer le présente aux élèves avec humour. « Est-il nécessaire d’être nerd, antisocial, et de ne pas avoir de vie pour devenir scientifique ? », leur demande-t-il d’une voix d’animateur de jeu-questionnaire pendant sa conférence, invitant les élèves à voter.

À ceux qui répondent oui, il rappelle qu’à Saint-Eustache, il y a longtemps, un jeune homme correspondait fort peu à ce stéréotype.

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