Anticorps monoclonaux

Un traitement suscite espoir et dissension

De plus en plus d’études montrent que les anticorps monoclonaux, médicaments qui ont fait les manchettes l’automne dernier quand ils ont été utilisés pour traiter Donald Trump, peuvent éviter des hospitalisations chez les patients plus à risque de contracter des formes graves de la COVID-19. Des médecins de l’Université McGill veulent que les autorités sanitaires en autorisent l’évaluation. Mais tous ne sont pas d’accord avec eux.

Avis négatif

Le 30 décembre, l’Institut national de santé publique du Québec a décrété que les anticorps monoclonaux ne devraient pas être utilisés contre la COVID-19, notamment à cause d’un « manque de robustesse des données scientifiques disponibles à ce jour ».

Mais depuis, plusieurs études ont été publiées, selon Don Sheppard, directeur des maladies infectieuses au Centre universitaire de santé McGill (CUSM).« Ça montre qu’il faut traiter huit patients pour éviter une hospitalisation, dit le DSheppard. Si on avait de tels résultats avec un autre médicament, avec une autre maladie, il serait approuvé tout de suite. Des collègues à moi sont en train de monter une demande de révision à l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS). On a 20 000 doses d’anticorps monoclonaux qui dorment dans un entrepôt au Canada. Ils sont utilisés beaucoup aux États-Unis. À mon avis, quand on fera le bilan de la pandémie, l’incapacité à autoriser leur usage sera l’un des points les plus négatifs. » À l’INESSS, la relationniste Olivia Jacques indique que l’organisme suit la publication des données sur la COVID-19. L’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé a un avis semblable à celui de l’INESSS, ce qui signifie que les autres provinces n’utilisent pas davantage les anticorps monoclonaux.

Cliniques d’injection

Les anticorps monoclonaux fonctionnent dans un cas de figure : pour éviter les hospitalisations et les décès chez les patients à risque d’avoir des formes graves de la COVID-19, avec une utilisation quelques jours après l’infection. Le problème, c’est qu’ils doivent être injectés. « Quand le Canada a acheté des doses l’automne dernier, j’ai tout de suite adapté une clinique externe d’injection pour donner des anticorps monoclonaux. Les CLSC font parfois des injections à domicile. Ce n’est pas un problème insurmontable », affirme le DSheppard. Les patients ciblés pourraient être par exemple des gens ayant un facteur de risque, comme du diabète, ayant côtoyé une personne qui a un test positif et qui ont à leur tour un test positif.

Colchicine et fluvoxamine

Un collègue du CUSM du DSheppard, Todd Lee, qui a été impliqué dans plusieurs études sur des traitements contre la COVID-19, estime que les données sur les anticorps monoclonaux ne sont pas plus intéressantes que d’autres molécules actuellement envisagées, notamment l’antidépresseur fluvoxamine et la colchicine, un médicament contre la goutte étudié comme traitement pour plusieurs maladies, dont la COVID-19, à l’Institut de cardiologie de Montréal. En mars, l’INESSS avait refusé d’appuyer la colchicine contre la COVID-19. « Dans ces cas, on parle d’une étude seulement, répond le DSheppard. Pour les anticorps monoclonaux, il y en a plusieurs. »

Études randomisées

Le DLee estime que les études sur les anticorps monoclonaux souffrent d’une lacune importante : elles n’ont pas attribué au hasard les patients vers un groupe contrôle recevant un placebo et un groupe traité avec les anticorps monoclonaux. « Il n’y a qu’une seule étude de ce type avec les anticorps monoclonaux, qui a été publiée en janvier dans le JAMA. Et les résultats n’ont pas été bons. Quand on autorise d’urgence un médicament sans ce type d’études, souvent, c’est décevant. C’est ce qui est arrivé avec le plasma sanguin. » Selon le DSheppard, l’étude du JAMA a été négative parce qu’elle incluait des patients ayant peu de risques d’avoir une forme grave de la COVID-19.

Variants

Détail important, Santé Canada n’a pas autorisé les traitements combinant plusieurs anticorps monoclonaux. Or, la FDA vient de révoquer l’autorisation en solo du bamlanivimab, l’un des quatre anticorps monoclonaux approuvés aux États-Unis. « Les traitements combinés sont plus efficaces contre certains variants, dit le DSheppard. Mais tant que les variants sud-africain et brésilien ne sont pas très courants au Canada, la monothérapie suffit. » Au Québec, à la mi-avril, le variant dit sud-africain représentait 5,3 % de tous les variants détectés, et le variant dit brésilien, 0,7 %. Mais selon Andrés Finzi, virologue à l’Université de Montréal, l’utilisation d’anticorps monoclonaux en monothérapie peut accélérer l’apparition de nouveaux variants. Cela s’est vu avec le VIH, note M. Finzi. « Le variant brésilien est apparu de manière naturelle, dans un pays où les anticorps monoclonaux ne sont pas utilisés », répond le DSheppard.

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