Caroline Monnet au MBAM

Un manifeste pour la justice

Éclaircie dans la pandémie. On pourra enfin, dès mercredi, admirer les œuvres de Caroline Monnet au Musée des beaux-arts de Montréal. Manifeste de l’espoir et d’une justice envers les autochtones, son solo Ninga Mìnèh évoque le rendez-vous manqué entre le gouvernement canadien et les Premières Nations en ce qui a trait à leurs conditions de vie… mais Ottawa a promis, lundi, un changement de cap.

Ninga Mìnèh signifie « la promesse » en langue anishinaabe. La promesse donnée aux autochtones canadiens qu’ils seront un jour traités comme des citoyens à part entière, dans un confort digne d’un pays riche occidental. Mais depuis 1876, la Loi sur les Indiens régit leur existence, marquée par une situation souvent précaire en ce qui a trait à l’habitat et à l’accès à l’eau.

Comme elle l’a fait pour ses expos R-Value et Au nom du progrès, Caroline Monnet exprime une colère contenue quant aux conditions de vie des autochtones. L’artiste anishinaabe et française la canalise en utilisant ce qui est le plus ordinaire dans l’habitat des réserves, soit les matériaux de construction que sont la laine minérale, le gypse, les tuyaux de plomberie ou les membranes d’étanchéité.

Avec ces matériaux, elle a créé depuis deux ans (en collaboration avec la commissaire Sylvie Lacerte et à l’invitation de celle-ci), 18 œuvres – dont 16 inédites –, soit des broderies, sculptures, installations, photographies et sérigraphies. Un succès sur toute la ligne.

À l’entrée du Carré contemporain, on s’extasie devant Souvenirs dénoués, une broderie à la machine sur un feutre synthétique destiné aux toitures. Avec des motifs plus colorés qu’avant.

« Mon langage des motifs s’est développé dans la dernière année. Ils sont plus petits, plus détaillés. J’essaie de me rapprocher de la dentelle. »

— Caroline Monnet

Le désir de Caroline Monnet est qu’on retrouve un jour, autochtone ou pas, ces ornementations architecturales qui tendent à disparaître dans les constructions, laissant place à un minimalisme déprimant. « Il faut ramener cette fierté de l’environnement dans lequel on évolue, dit-elle. On a perdu, au nom du progrès, cette tradition de décorer. On fait des maisons qui se ressemblent toutes. Je veux aller à l’encontre de ce côté homogène pour célébrer la culture et la diversité. »

Pour se lover dans cette célébration, elle a une approche brillante. Une combinaison de beauté et de profondeur, d’usage artisanal et de déclinaison contemporaine. Un regard éclairé sur des matériaux simples qu’elle rend bavards. « Le sujet a beau être grave, les œuvres de Caroline sont très belles et très abouties, dit Sylvie Lacerte. C’est de l’art visuel à son meilleur. »

Comme L’avenir oublié. Un grand panneau de membranes pare-air cousues sur tissu, des membranes souvent placardées sur les maisons inachevées. Leur couleur dominante est le blanc, mais les reflets intérieurs dessinent, de loin, une figure mystérieuse.

Belles broderies aussi que les six Nimbus réalisés sur de la membrane d’étanchéité orange pour évoquer l’infiltration d’eau et le manque de salubrité dans les réserves. Comme elle le fait avec Ravages, des morceaux de gypse aux motifs remplis de moisissures, une œuvre réalisée avec un laboratoire de Joliette et encadrée hermétiquement ! Ou avec son œuvre AKI (terre) faite avec de la laine de verre qu’elle considère comme un des matériaux les plus toxiques du secteur de la construction.

Enfin, deux installations architecturales qu’on remarque en entrant dans la salle. Pikogan (abri), un dôme en tuyaux de polyéthylène et conduits en PVC utilisés en plomberie. Une architecture futuriste qui irait bien dans une machinimage de Skawennati ! Et qui évoque, encore là, les problèmes d’accès à l’eau dans certaines réserves.

Pour finir, Des fissures jaillit la lumière, une installation splendide de panneaux sculptés dans des matériaux bruts. Une œuvre évoquant les moucharabiehs de l’architecture islamique. Dernière œuvre créée par Caroline Monnet pour l’expo, elle suggère le découpage d’une maison autochtone et la quête d’ornementation qu’elle souhaite universelle.

Pour faire entrer de la lumière dans nos vies, rejeter les injustices, notamment envers les autochtones, et tourner le dos aux ombres néfastes du passé. Un espoir très actuel que le fédéral pourrait avoir pris en compte si l’on en croit les investissements annoncés lundi par Ottawa. Mais il reste encore en 2021, au Canada, 52 communautés autochtones qui doivent faire bouillir l’eau avant de la consommer…

À noter que ce mardi, à 17 h 30, un webinaire en compagnie de Caroline Monnet est organisé sur la page Facebook du MBAM, pour aborder son exposition.

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