L'infini

Fantastique odyssée

Jeff Bezos a fait un saut de quelques minutes dans l’espace mardi dernier. L’expérience immersive L’infini donne l’occasion d’aller plus haut et plus loin : la création de Felix & Paul Studios et de Phi Studio, présentée à l’Arsenal, propose une visite intime et ludique de la Station spatiale internationale (SSI) en compagnie d’astronautes, dont David St-Jacques.

Développé avec Time Studios et la collaboration de la NASA, l’ambitieux projet est conçu comme un voyage. Après être passé dans un sas où l’astronaute Anne McClain dévoile le lâcher-prise nécessaire à un envol vers l’espace, on est invité à entrer dans une autre salle où on coiffe un casque de réalité virtuelle. Puis, voilà qu’on traverse un rectangle lumineux qui nous fait pénétrer dans le vide sidéral.

Le vertige ne dure pas. L’œil est immédiatement happé et apaisé par la voûte étoilée qui se déploie au-dessus de notre tête et sous nos pieds. Jusqu’à ce qu’on voie la Station spatiale internationale flotter devant soi. On avance pour mettre le pied à l’intérieur, en passant à travers un mur, ébahi par l’environnement qu’on découvre pas à pas.

Fragments d’humanité

Il n’y a pas que la structure et son aménagement qui sont impressionnants à voir par l’entremise du casque de réalité virtuelle. Un peu partout dans le parcours, on est invité à toucher des sphères lumineuses qui donnent accès à des capsules vidéo 360 degrés où les astronautes font partager une partie de leur quotidien.

C’est dans ces fragments que l’expérience prend tout son sens. L’infini n’est pas un exposé scientifique ni un voyage soucieux de souligner l’exploit technologique et humain que représente le fait que des astronautes de différentes nations sont désormais capables de passer plusieurs mois dans l’espace. C’est d’abord une expérience humaine.

« On voulait [que les astronautes] puissent parler authentiquement de leur expérience et d’eux-mêmes en se laissant aller, dire comment ils se sentaient les uns par rapport aux autres et donner leur vision de ce que c’est que d’être un groupe d’humains qui vit isolé de la planète Terre pendant un certain temps, explique Félix Lajeunesse, cofondateur de Felix & Paul Studios. On voulait trouver la vérité psychologique et émotionnelle de ça. »

Et c’est ce à quoi on a accès : des moments d’intimité avec des êtres humains qui mesurent leur chance, vivent un quotidien inusité (la vie en apesanteur demeure fascinante) et se sentent transformés sur les plans philosophique et spirituel par l’expérience qu’ils vivent. Être si loin de la Terre les ramène en quelque sorte au plus près de leur humanité, comme l’évoque Anne McClain en début de parcours.

Éblouissements

Ce qui rend cette odyssée aussi fantastique, c’est qu’elle trouve l’équilibre parfait entre le documentaire, l’éblouissement visuel, la sensibilité et le goût du jeu. L’infini a en effet un côté ludique, extrêmement réussi. Après chaque petite capsule visuelle, un objet apparaît sous nos yeux (lunettes, morceau de pomme, ballon, etc.) et on peut essayer de l’attraper… et se rendre compte qu’il n’est pas si facile de saisir un objet qui flotte dans un espace dépourvu de gravité !

L’infini, élaboré à partir de caméras installées dans la SSI et parfois manipulées par les astronautes eux-mêmes, est une expérience intelligente et parfaitement réjouissante.

Seul détail à signaler : les casques de réalité virtuelle ne sont pas très confortables si on porte des lunettes. Cela dit, l’équipe qui veille à ce que le voyage de chacun se déroule bien est aux petits soins si on a un pépin.

L’immersion dure environ une heure, ce qui est suffisant pour goûter à l’expérience vécue par les astronautes, mais pas pour faire le tour du sujet. On ne peut, en une seule visite, voir toutes les capsules. Tous les « voyageurs » ne voient donc pas forcément les mêmes.

Ce n’est pas un défaut, au contraire : si on y va en famille, on peut ensuite faire part de ce qu’on a vu et apprendre ce qu’on n’a pas vu, une manière de poursuivre l’expérience interactive une fois qu’on a quitté le vaisseau.

L’infini s’achève sur une installation visuelle de Ryoji Ikeda intitulée The Universe within the Universe. Elle prend la forme d’une projection d’une durée de 10 minutes qui évoque à la fois la nature, le corps humain, l’espace et les entrailles de la technologie. Une plongée hallucinée, parfois étourdissante, mais aussi brillante sur le plan visuel.

L’infini, à l’Arsenal jusqu’au 7 novembre

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