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À quatre jours de Noël, alors que le Québec établit un nouveau record de cas quotidiens et que les hôpitaux de la province sont en situation critique, beaucoup se sont empressés de faire leurs derniers achats des Fêtes avant la fermeture imminente des commerces non essentiels du 25 décembre au 10 janvier. D’autres ont préféré dévaler les pistes de ski en toute quiétude.

D’une zone rouge à une autre

Les records de cas quotidiens et les hôpitaux en situation critique n’ont pas convaincu les gens de rester à la maison. En ce dernier samedi avant Noël, les résidants de la grande région de Montréal ont eu la bougeotte. Beaucoup sont allés magasiner. D’autres ont profité d’un peu d’air frais sur les pistes.

Au Carrefour Laval, samedi après-midi, de longues files d’attente serpentent le long des murs en brique du centre commercial. Des gardiens de sécurité retiennent les clients pour faire respecter la capacité de 4713 personnes à l’intérieur. Il y a une longue attente entre chaque nouvelle entrée.

« C’est une catastrophe », déclarent en chœur Julie et Alexandra. Elles attendent à l’extérieur depuis une heure. « En plus, on sait qu’on va devoir encore attendre devant les magasins en dedans », se désole Julie. Les deux jeunes femmes sont venues terminer leur magasinage des Fêtes.

Un peu plus loin, devant l’entrée principale, Tarik attend depuis une heure, lui aussi. « Ma femme est enceinte, elle attend dans la voiture », précise-t-il. Ils sont venus acheter des fournitures pour le bébé à venir. « Je savais qu’il y aurait de l’attente, mais pas autant que ça », ajoute-t-il. Presque arrivé au bout de ses peines, Tarik envoie un message texte à sa femme lui disant de venir le rejoindre dans la file.

« Je suis vraiment impressionnée par la file. J’ai bien fait de venir tôt ! »

— Rachel Romano, cliente du Carrefour Laval

Arrivée à 10 h, elle n’a pas eu à attendre pour entrer dans le centre commercial, même si elle a tout de même dû patienter devant les magasins les plus populaires à l’intérieur.

La mine sombre, Dominique et Michel sortent en trombe du centre commercial, quelques sacs d’emplettes à la main. L’attente n’était pas prévue dans leurs plans. Ils n’ont patienté qu’une vingtaine de minutes avant d’entrer, il y a quelques heures. « Là, c’est trop, ça n’a pas de bon sens », se plaint Michel avant de disparaître dans le trafic chaotique du stationnement.

Le gardien de sécurité à qui La Presse a parlé ne sait pas comment le centre commercial tient le compte exact du nombre de clients à l’intérieur. Cadillac Fairview, l’entreprise qui gère le Carrefour Laval ainsi que plusieurs autres centres commerciaux au Québec, n’a pas répondu à notre demande d’entrevue.

Depuis la fin novembre, Laval connaît une hausse fulgurante du nombre de cas de COVID-19 sur son territoire. Il s’agit actuellement de la région la plus touchée, avec une moyenne sur sept jours d’un peu moins de 37 cas pour 100 000 habitants, selon les dernières données disponibles, alors que la moyenne au Québec est d’un peu moins de 23.

La grande région de Montréal reste le moteur derrière le pic de nouvelles infections depuis quelques semaines. Force est de constater que cela n’a pas dissuadé les consommateurs d’aller magasiner en masse, puisqu’il y avait aussi des files d’attente devant de nombreux commerces au Quartier DIX30, sur la Rive-Sud de Montréal.

Dévaler les pentes en zone rouge

Une cinquantaine de kilomètres au nord du Carrefour Laval, l’ambiance au Sommet Saint-Sauveur est beaucoup plus détendue alors que s’amorce la première fin de semaine de ski en zone rouge. Les skieurs rencontrés à la montagne des Laurentides ne se formalisent pas outre mesure des restrictions nouvellement imposées et préfèrent profiter de cet après-midi ensoleillé.

« Les gens font attention, il n’y a pas de danger, constate Jean-François, de Mascouche, qui est venu skier avec sa famille. C’est bien organisé. Je trouve ça important que ça reste ouvert. Il faut que les gens puissent bouger. »

Seule différence notable : la famille doit désormais manger son lunch à l’extérieur. « S’il fait - 20 °C, on va aller dans l’auto pour se réchauffer ou on va rester moins longtemps », poursuit-il.

Même son de cloche chez Eddie et Ross, venus respectivement de Vaudreuil et de Montréal. S’ils reconnaissent que l’expérience en zone rouge est « différente », notamment en ce qui a trait à la nourriture, ils ont l’intention de revenir tout au long de la saison.

« C’est sûr qu’il y a moins de monde sur la montagne, ça aide. »

— Eddie, skieur au Sommet Saint-Sauveur

La montagne affichait complet pour les journées de samedi et dimanche et il ne reste que peu de billets pour quelques journées de la semaine prochaine. Le nombre de billets vendus a été limité par l’administration. Les détenteurs d’abonnements de saison peuvent, eux, venir skier en tout temps.

À Bromont, en Estrie, La Presse a pu constater que les règles sanitaires semblaient là aussi respectées. La station est en zone rouge depuis le 12 novembre dernier.

En zone d’alerte maximale, les skieurs doivent enfiler leur équipement de ski dans le stationnement et porter un masque dans les files d’attente pour le télésiège. Les chalets sont ouverts, mais seulement pour accéder au bloc sanitaire et permettre aux skieurs de se réchauffer pour une période limitée. La nourriture doit être vendue et consommée à l’extérieur.

Les écoles de ski peuvent accueillir un maximum de huit élèves à la fois, et ceux-ci doivent porter un couvre-visage de type cache-cou.

Daniel, instructeur au Sommet Saint-Sauveur, se réjouit que l’école de glisse puisse finalement ouvrir. « Jusqu’à lundi, on n’était pas sûrs que ça marcherait. Surtout que tous nos élèves sont en zone rouge, alors pour régler ça, Legault a mis tout le monde en zone rouge, et c’est plus facile pour tout le monde », a-t-il dit.

Bien que ce ne soit pas formellement interdit, le gouvernement recommande de ne pas se déplacer entre les régions, même celles qui se trouvent au même palier d’alerte.

Rappel des mesures en zone rouge

• Les déplacements interrégionaux ne sont pas recommandés, même entre deux régions en zone rouge.

• Les rassemblements privés intérieurs et extérieurs sont interdits.

• Les gens doivent maintenir une distance de 2 mètres avec les gens qui n’habitent pas à la même adresse.

• Le port du masque est obligatoire dans tous les commerces et dans toute manifestation.

• Il est interdit de recevoir de la visite, sauf pour les personnes seules qui peuvent recevoir une personne à la fois, pour les proches aidants, pour les personnes offrant un service ou du soutien et pour de la main-d’œuvre pour des travaux prévus.

• Les installations sportives intérieures peuvent ouvrir pour des activités se pratiquant seul, à deux ou avec des gens habitant à la même adresse. Des cours privés peuvent y avoir lieu, tant que la distance de 2 mètres est maintenue.

• Les activités sportives extérieures qui permettent de respecter la distance de 2 mètres sont autorisées pour des groupes jusqu’à 8 personnes.

• Les piscines intérieures et leurs vestiaires demeurent ouverts.

• Pour le temps des Fêtes, une personne habitant seule peut se joindre à une, et une seule, bulle familiale.

• Les restaurants, bars, casinos, centres d’amusement intérieurs et salles de spectacles sont fermés.

Nombre record de cas au Québec

« Ce n’est pas soutenable à long terme »

Alors que le Québec a enregistré samedi 2038 nouveaux cas de COVID-19, ce qui constitue un nouveau record, le manque de discipline pendant les Fêtes pourrait coûter cher, au mois de janvier, tant dans le réseau de la santé que dans la population en général, s’inquiètent des spécialistes à quatre jours de Noël.

« On fait ça depuis trop longtemps pour avoir peur, mais on est tous très inquiets. Servir nos patients COVID et les autres en même temps, ça devient de plus en plus dur chaque jour », lâche le DMatthew Oughton, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif de Montréal. Les visites en personne sont annulées depuis le début de décembre dans cet établissement, à l’exception d’un seul proche aidant.

Aux yeux du Dr Oughton, le plus grand danger reste l’impact qu’auront ces nouveaux cas quand ils se répercuteront sur le réseau. « On ne peut pas prédire exactement ce qui va se passer, mais on sait que ça va continuer à augmenter. Ça va être un fardeau continu, sans parler de la hausse potentielle des cas après les réunions et les achats de Noël. Ce n’est pas soutenable à long terme », dit le médecin.

Avec les 2038 nouveaux cas recensés samedi au Québec, le total cumulatif atteint dorénavant 174 839 personnes ayant été infectés, dont 149 245 se sont rétablies. Les autorités ont enregistré 44 décès supplémentaires, pour un total de 7715. Le nombre d’hospitalisations, lui, a baissé de six, mais demeure au-dessus du millier, avec 1005 patients hospitalisés, dont 142 aux soins intensifs, soit un de plus que la veille.

Ces chiffres sont associés à un autre sommet : jeudi, le Québec a fait plus de 42 000 tests de dépistage. L’Institut national de santé publique du Québec recense 17 879 cas actifs.

Dans un monde idéal, ces chiffres se stabiliseront si la majorité de la population se plie aux règles en place pendant les Fêtes, envisage M. Oughton, qui avoue avoir de sérieux doutes. « J’espère que ce sera le cas, mais quand je regarde les rassemblements qu’il y a eu au Canada lors de l’Action de grâce ou encore les gens qui voyagent dans le Sud pour Noël, je suis moins optimiste », précise l’expert.

« Le vaccin est certes encourageant, mais sur le court terme, la dernière semaine de décembre et la première de janvier seront difficiles. »

— Le DMatthew Oughton, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif de Montréal

Les risques d’une mutation

En Europe, le gouvernement britannique a décidé de reconfiner Londres et le sud-est de l’Angleterre dès ce dimanche, portant un coup de grâce aux retrouvailles de Noël, pour tenter de juguler une envolée des contaminations attribuée à une nouvelle souche du coronavirus. « Il semble que cette propagation est désormais alimentée par une nouvelle variante du virus », qui se transmet « bien plus facilement », « jusqu’à 70 % de plus », a expliqué le premier ministre Boris Johnson.

Pour Thomas Poder, chercheur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM), une hausse de la contagiosité de la COVID-19 n’annonce rien de bon. « Ce virus a déjà muté au moins deux fois, c’est ce qu’on sait. La première fois, il était moins contagieux, mais là, c’est l’inverse. C’est aléatoire, et difficile à prédire », soutient-il. Chose certaine : la hausse des cas démontre que de moins en moins de gens suivent les règles, et entendent le message des autorités.

« Les comportements à risque augmentent, et donc les cas suivent. Je ne vois pas comment on peut l’expliquer autrement. Pendant ce temps, on rappelle beaucoup de gens au travail dans les hôpitaux. Eux vont sortir épuisés de cet épisode. »

— Thomas Poder, chercheur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Sa collègue Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’ESPUM, est d’accord. « Plus il y a de cas, plus c’est préoccupant, puisqu’une partie des infections se retrouvent toujours à l’hôpital », rappelle-t-elle, en s’inquiétant « surtout » des éclosions en milieu de travail, qui totalisent toujours plus de 40 % des incidents de propagation rapportés.

Mme Borgès Da Silva rappelle que la situation est urgente dans de nombreux établissements. Samedi, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, affirmait que 10 hôpitaux étaient en situation « critique ». « On a une capacité de 2164 lits pour les patients COVID, ce qui inclut les lits en soins intensifs. Si on continue comme ça, on va dépasser notre capacité », a-t-il déclaré, ajoutant que plusieurs régions avaient dû « augmenter le délestage pour pouvoir soigner les patients », et ce, dans plusieurs secteurs.

Plus de 500 000 cas au Canada

À l’échelle du pays, le nombre de cas a dépassé le seuil des 500 000 infections samedi, et la contagion ne montre aucun signe de ralentissement dans plusieurs provinces. Cent mille cas se sont ajoutés au bilan du Canada en 15 jours seulement. Il s’agit de la progression la plus rapide de la pandémie.

Il avait fallu six mois pour atteindre les 100 000 cas. Quatre autres mois ont été nécessaires pour atteindre les 200 000. Moins d’un mois a suffi pour arriver à 300 000 et 18 jours pour atteindre 400 000. En Ontario, on a recensé 2357 cas de COVID-19. Le seuil des 2000 cas a ainsi été dépassé pour la cinquième journée d’affilée.

Au Québec, la campagne de vaccination bat toujours son plein ; 715 doses de vaccin ont été administrées vendredi, pour un total de 4020.

La situation demeure néanmoins inquiétante dans de nombreuses régions. Ainsi le nombre de nouveaux cas a bondi de 234 à 349 en Montérégie, de 78 à 129 en Estrie, de 88 à 122 en Mauricie et Centre-du-Québec, et de 88 à 125 en Chaudière-Appalaches.

L’île de Montréal a dépassé le plateau des 600 cas supplémentaires pour la deuxième journée d’affilée (605). Les autorités ont aussi rapporté 219 nouveaux cas dans la région de la Capitale-Nationale, 120 dans Lanaudière, 110 à Laval, 100 au Saguenay–Lac-Saint-Jean et 92 dans les Laurentides. Deux régions semblent moins touchées par cette croissance de la pandémie : l’Outaouais, où on n’a signalé que 20 nouveaux cas, près de deux fois moins que la veille, et la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, qui en a enregistré six.

— Avec La Presse Canadienne

Institut de cardiologie de Montréal

Une éclosion force la fermeture de deux unités

L’Institut de cardiologie de Montréal (ICM) fait à son tour face à une éclosion. Neuf employés ont été placés en isolement et deux unités ont été temporairement interdites d’accès pour limiter toute forme de transmission au sein de l’établissement. Trois patients ont aussi été transférés dans un autre lieu. « On est en train de “refroidir” nos unités afin de pouvoir éventuellement réintégrer des patients. Nous tenons à préciser que la situation reste sous contrôle », indique la porte-parole de l’Institut, Marie-Claude Pageau. Elle assure que les mesures sanitaires sont toujours appliquées de manière très stricte pour tout le personnel. Il s’agit de la première éclosion à survenir depuis le début de la pandémie dans ce centre hospitalier spécialisé dans la prévention des maladies cardiaques. Mme Pageau ajoute que la progression de la transmission communautaire a rendu le quotidien plus « difficile » à gérer. Malgré tout, la propagation a été circonscrite et on ne note aucun nouveau cas depuis le début de cette éclosion.

— Henri Ouellette-Vézina, La Presse

opération « Garder le moral »

Québec — Il y a de quoi céder à la déprime face à cette deuxième vague de COVID-19 qui gonfle à l’approche des Fêtes. Inquiet de la fatigue de la population, le premier ministre François Legault lance l’opération « Garder le moral ».

Vers la fin octobre, il a chargé des membres de son équipe de préparer cette opération visant à mettre un peu de lumière dans la noirceur des mois d’hiver.

L’annulation des rassemblements à Noël et le reconfinement partiel du 25 décembre au 11 janvier se sont ajoutés aux motifs justifiant cette démarche.

Pour gagner la guerre contre le virus, il est important de remonter le moral des troupes, les Québécois eux-mêmes, explique-t-on à Québec.

Le gouvernement a commencé à mettre en œuvre son plan avec les nouvelles publicités mettant en vedette l’humoriste François Bellefeuille.

Ce dimanche, François Legault tiendra une « conférence de presse » destinée aux tout-petits – des enfants joueront les journalistes. La vidéo, enregistrée samedi, sera diffusée sur les réseaux sociaux.

Le gouvernement a demandé aux quatre grands réseaux de télévision d’offrir un spectacle aux Québécois le 28 décembre. Animée par Jean-Philippe Dion, Marie-Lyne Joncas, Pierre-Yves Lord et Véronique Cloutier, l’émission spéciale Tout le monde ensemble réunira plusieurs artistes, dont Ariane Moffatt, Vincent Vallières, Mélissa Bédard et Les Trois Accords.

Québec travaille avec la métropole pour que le spectacle Montréal en Fêtes, qui sera bien entendu virtuel cette année, soit diffusé en janvier.

Le ministère de la Culture et le Secrétariat à la jeunesse vont aider Cégeps en spectacle pour que les finales régionales cet hiver et la finale nationale du printemps soient diffusées plus largement.

D’autres initiatives sont prévues au cours des prochaines semaines.

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