Le système de santé à l’ère de la COVID-19

Qui osera faire les changements nécessaires ?

Avant la pandémie, il était plus facile et plus confortable de conserver une vision dichotomique de notre univers : il y avait le bon et le méchant, le public et le privé, le jeune et le vieux, le Blanc et le Noir, le riche et le pauvre, l’industrie et l’environnement, etc.

Une troisième dimension est arrivée avec la COVID-19. C’est celle de l’inconnu, de l’invisible et de l’imprévisible. La science n’a pas la réponse à tous les maux, c’est l’inconnu. L’invisible nous a fait réaliser que ce que nous ne voyons pas, comme un simple virus, peut devenir aussi menaçant qu’une guerre nucléaire. Et l’imprévisible défie ce sentiment de fausse sécurité dans lequel notre espèce se vautrait depuis des décennies.

Plus de trois quarts de siècle sans grand cataclysme planétaire, voilà de quoi rassurer et probablement endormir notre civilisation. Car nous nous sommes bel et bien endormis. Nous avons été des années à ne pas voir nos enfants grandir, trop occupés que nous étions à performer dans nos sphères professionnelles. Nous avons été des années à oublier nos personnes âgées en confiant aveuglément leur sort à l’État.

Les solutions envisagées

Comme toujours, les premières solutions furent des interventions à la pièce : pour la DPJ, une enquête publique, pour les CHSLD, une augmentation des salaires des préposés. Mais pendant le temps que siège cette commission d’enquête et pendant qu’on embauche à tour de bras dans les CHSLD, la situation ne se règle pas. D’autres drames d’enfants ont eu lieu, mais les médias n’en ont pas parlé, les projecteurs étant réservés à la pandémie. Et pendant qu’on embauche dans les CHSLD, les services à domicile et autres secteurs du réseau manquent d’effectifs. Les solutions à la pièce ne répondent pas aux problèmes ; elles ne suffisent même plus à les camoufler.

Les vraies solutions

Il faut au plus tôt mettre nos lunettes 3D, pas simplement pour pouvoir enfin appliquer les 3D en santé (dépolitiser, décentraliser et démocratiser), mais surtout pour innover en termes de solutions.

Notre système de santé est un monstre qui agonise sous le poids de son fonctionnariat et de son administration souffrant d’obésité morbide, et ne pourra pas devenir efficace si on n’intervient pas énergiquement.

Mais pourquoi ne l’a-t-on pas fait avant ? C’est probablement dû au fait que dans notre société, en réalité, les gouvernements ne gouvernent pas grand-chose.

Ce sont les hauts fonctionnaires, les gestionnaires de l’État et l’armée de fonctionnaires qui, dans la vie concrète, tiennent les rênes du pouvoir. En réponse à la crise actuelle dans les CHSLD, notre premier ministre proclamait récemment son désir d’abolir le privé dans ces établissements, de les rendre 100 % publics. Mais notre système de santé public va-t-il suffisamment bien, offre-t-il des résultats assez performants pour qu’on en arrive lucidement à pareille proposition ?

Tant que les fonctionnaires de l’État décideront de la direction des gouvernements et qu’ils pourront retarder autant qu’ils le veulent les changements, ils auront gagné et il n’y aura pas de changements réels. Rappelez-vous qu’un gouvernement est élu pour quatre ans et que les fonctionnaires sont nommés à vie.

Les premiers ministres, les ministres et les députés auront beau s’égosiller, après un mandat ou peut-être deux, ils seront remplacés, mais les fonctionnaires resteront en poste. Compte tenu de cette situation, qui osera les changements pourtant nécessaires ?

* L’auteur a publié plusieurs centaines d'articles dans L'actualité médicale et, en France, dans la revue Médecine.

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