Opinion

L’économie sociale, une histoire de femmes

Si la pandémie a frappé fort, et que tous conviennent que nous ne sommes pas égaux devant le virus, la COVID-19 aura au moins eu le mérite de démontrer hors de tout doute que ce sont d’abord les femmes qui ont été en première ligne pour répondre aux besoins essentiels de la population.

Secteurs économiques féminins en difficulté, école à la maison, prise en charge de personnes vulnérables, hôpitaux, écoles et CPE sur un fil de fer, la pire crise sanitaire des 100 dernières années a rappelé à quel point notre société prend appui sur les femmes et leur leadership. Il en va de même pour l’économie sociale. Sans l’apport des femmes québécoises, on peut douter que ce modèle économique « par et pour la communauté » ait atteint cette ampleur. C’est parce qu’elle puise dans les besoins des territoires et qu’elle est particulièrement présente dans les services de proximité et les soins aux personnes que l’économie sociale est une histoire de femmes.

C’est d’ailleurs une femme, Pauline Marois, qui aura mis sur pied l’infrastructure sociale la plus déterminante des 30 dernières années par la création des centres de la petite enfance (CPE), entreprises d’économie sociale. Leur création a été un pari réussi et nous distingue à l’échelle mondiale. Sur le plan économique, ils ont permis de faire exploser la participation des femmes au marché du travail. De dernier de classe, le Québec se maintient maintenant au-dessus de la moyenne canadienne (53,9 %) avec un taux d’emploi des femmes de 54,8 %. Les études ont également démontré que cet investissement est plus que rentable. Moins de trois ans après leur création, le gouvernement avait touché 104 $ en revenus d’impôts pour chaque tranche de 100 $ investis. Et sur le plan social, en assurant des services accessibles et de qualité pour des enfants préscolaires, ces entreprises collectives ont été des vecteurs de cohésion sociale et ont permis la chute de plus du tiers du taux de pauvreté des familles monoparentales.

Alors que nous faisons face à un enjeu réel de vieillissement de la population qui nous touche tous, mais dont la charge incombe particulièrement aux femmes puisqu’elles sont de façon prépondérante les proches aidantes, on doit s’inspirer de cette réussite pour assurer des services de qualité, abordables et accessibles pour nos aînés, et ce, dans toutes les régions.

Ce sont aussi des femmes qui sont aux commandes des entreprises d’économie sociale. En effet, sur 90 000 administrateurs bénévoles en économie sociale, travail particulièrement stratégique en période de crise économique, 50,5 % sont des femmes. C’est une nette distinction au regard des entreprises publiques et privées qui peinent à atteindre la zone de parité. Et ces administratrices veillent sur des entreprises qui comptent deux tiers de travailleuses ! La relance de l’économie est à nos portes et sachant les ressources limitées, des choix devront être faits et cette parité dans les entreprises collectives s’avérera importante pour assurer que ceux-ci reflètent les priorités de toute la communauté.

Mettre en œuvre des initiatives ambitieuses comme les CPE et assurer la gestion d’entreprises par des femmes requièrent de l’audace et la contribution de tous. Pour ce faire, le Québec peut compter sur le leadership de femmes engagées pour bâtir nos prochains projets de société.

En 2021, les deux plus grands investisseurs privés au Québec, soit le Fonds de solidarité et Fondaction, sont dirigés par des femmes.

La ministre déléguée au Développement régional et responsable de l’économie sociale, Marie-Eve Proulx, est une alliée pour mettre en œuvre des solutions structurantes. Et elle pourra sans aucun doute compter sur la collaboration des principaux réseaux d’économie sociale, soit le Conseil québécois de la coopération et la mutualité, dirigé par Marie-Josée Paquette, et par le Chantier de l’économie sociale, que je dirige.

Que ce soit en économie sociale ou ailleurs, les femmes sont au cœur des communautés et doivent être parties prenantes des réflexions et des solutions. Elles auront été particulièrement sollicitées durant ces derniers mois de pandémie et c’est vers elles que nous devrons nous tourner pour amorcer une relance économique que tous souhaitent inclusive et verte. L’expérience du Québec témoigne de façon éloquente que lorsque tous sont mis à contribution, lorsque les femmes font partie de la solution, c’est la société dans son ensemble qui en bénéficie.

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