Arts visuels

Riopelle l’innovateur

La galerie Simon Blais ouvre le bal des célébrations du 100anniversaire de naissance de Jean Paul Riopelle (1923-2002) avec Riopelle imprime !, l’exposition de 75 estampes produites de 1967 à 1990. Un déploiement d’une variété inouïe qui met en relief l’exceptionnel don d’innovateur du maître québécois.

Au cours des 20 dernières années, Simon Blais a présenté plusieurs expositions d’estampes de Riopelle. Depuis Estampes et mutations, en 2005, jusqu’à Suites sans fin, lithographies géantes, en 2015, en passant par Papiers géants, Mémoires d’ateliers, Force des forêts ou encore Les migrations du bestiaire. Il faut dire que Simon Blais a probablement le plus gros stock d’œuvres sur papier de Riopelle au Canada.

Le galeriste s’intéresse à la gravure depuis le début de sa galerie, en 1989. La fille aînée du maître québécois, Yseult Riopelle, lui a fait faire le tour des imprimeurs parisiens de son père, en 1997. « J’ai rencontré chacun de ses imprimeurs qui ont raconté, chacun, leur histoire sur Riopelle, dit Simon Blais. Comment ils avaient travaillé avec Jean Paul. Ce qu’il demandait, exigeait, apportait comme idée. »

Cette expo qui lui rend hommage ravira les amateurs de Riopelle. Elle permettra aussi aux esthètes curieux de retrouver la grande passion qu’il avait pour la création. Et son élan permanent de débusquer de nouvelles idées tout en recyclant ses propres images. Un fil conducteur sous forme de clin d’œil qui le rendait familier.

Simon Blais a accroché une dizaine d’eaux-fortes du Bestiaire de Riopelle, réalisées en 1968 pour la galerie Maeght dont l’imprimerie Arte sera l’antre de ses premières gravures. « Il détestait la gravure au début, mais chez Arte, il s’est rendu compte qu’il pouvait s’amuser en gravant, dit Simon Blais. Il a alors fait ses premières lithos et eaux-fortes en 1967 et ensuite a continué. »

Les lithographies

Riopelle, à cette époque, a fait imprimer des lithographies avec des empreintes de feuilles, ce qui n’était pas commode, raconte Simon Blais. Il était parvenu à trouver une façon pour que les feuilles ne restent pas collées sur le rouleau encreur.

L’expo comprend deux exemplaires de sa série des Suites, de très grandes lithos que Maeght avait commencé à imprimer au début des années 1970. Riopelle en a fait tellement d’éditions qu’il s’en est servi par la suite comme support de ses œuvres, notamment pour son triptyque Le jongleur, de 1989. Une technique mixte avec des collages, notamment la forme d’un casque gaulois que Riopelle a souvent recyclé, après l’avoir découvert sur un carton des cigarettes françaises Gauloises. Il trouvait que ce casque renversé ressemblait à un oiseau.

On retrouve aussi une lithographie sur papier japonais – d’une série consacrée en 1983 aux oies du Cap-Tourmente – collée au centre de son œuvre Oies sauvages, de 1984, travaillée à la bombe aérosol, au pinceau et avec des projections d’encre. Un autre exemple de recyclage et d’innovation.

Dans une petite salle, Simon Blais expose, pour la première fois, tout le groupe de lithos de la série Parler de corde, dans lequel Riopelle décline le jeu de ficelles des Autochtones. Avec des clins d’œil pour chaque cadre. L’hydravion de son ami Champlain Charest. Celui-ci qui « calle » l’original. Ou encore la représentation de Galarneau, notre soleil québécois.

Exposée en vitrine, la sérigraphie Au-de-ça a belle allure. Elle a été éditée en 1995 par l’ex-galerie Moos de Toronto à partir d’une peinture de Riopelle de 1989. « La peinture s’appelait Au-delà, alors Walter Moos l’a appelée Au-de-ça », dit Simon Blais.

Les gravures

Enfin, Simon Blais expose évidemment plusieurs des gravures sur cuivre réalisées par Bonnie Baxter et son atelier du Scarabée pour Riopelle au milieu des années 1980, notamment de la série Anticosti. Mais aussi l’eau-forte Honni soit qui mal y pense, de 1987.

« Quand Riopelle a livré son tirage complet de cette œuvre à la galerie Lelong qui finançait l’impression, ils n’ont pas compris que ce qu’il avait écrit était, en fait, Bonnie soit qui mal y pense ! C’est une belle anecdote », dit le galeriste.

L’année Riopelle commence à merveille avec cette exposition, véritable explosion de bonheur, tant on y savoure le foisonnement de Riopelle, ce bourreau de travail, ce génie de l’art, cet innovateur inlassable. « Il avait un cerveau qui ne fonctionnait visiblement pas comme le nôtre, avec un regard unique, dit Simon Blais. Il était fantastique... »

Riopelle imprime !, à la galerie Simon Blais, jusqu’au 25 février

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