Athlètes et réseaux sociaux

La mise en valeur de sa « marque-personne »

Les patineurs de vitesse Kasandra Bradette et Samuel Girard participaient à un camp mercredi soir dernier. Contrairement à leurs habitudes, ils n’ont pas tourné sur un anneau glacé ni levé des poids dans un gymnase. Les deux membres de l’équipe canadienne faisaient plutôt travailler leur cerveau dans un « camp Facebook » donné par leur commanditaire, le microtorréfacteur montréalais Barista.

Cofondateur de l’entreprise et animateur de l’atelier, Alex Sereno communiquait sa connaissance pointue des réseaux sociaux à un auditoire d’une quinzaine de personnes, à moitié des propriétaires de café qu’il approvisionne, à moitié des athlètes comme Bradette et Girard.

Au même titre que les petits commerçants, les deux patineurs ont tout intérêt à investir davantage le champ de Facebook et autres Instagram, affirme Sereno. « Tout le monde maintenant est une “marque-personne”, encore plus une personnalité publique comme un athlète de pointe », explique l’homme d’affaires et conférencier, qui est aussi entraîneur de triathlon.

En 2017, poursuit-il, la mise en valeur de ces « marques-personnes » passe nécessairement par les réseaux sociaux, encore plus pour des athlètes dont la renommée est à bâtir : « Maxi veut s’associer avec Martin Matte, Barista veut s’associer à [la nageuse olympique] Sandrine Mainville. C’est la même chose, c’est juste que l’échelle est différente. Les réseaux sociaux nous permettent justement de faire ça avec de plus petits joueurs. »

Multiplicité des réseaux, production de contenu, portée organique, empreinte numérique, épinglage, calendrier éditorial… Ce nouveau monde virtuel peut être difficile à décoder, même pour les plus jeunes.

« Ils sont tous un peu perdus là-dedans. Je les comprends : ils doivent s’entraîner, se reposer, bien manger. Ils me disent : il faut que je fasse ça en plus ? »

— Alex Sereno, conférencier et entrepreneur

« Ils sont en compétition les uns avec les autres et ils ont tous le même défi : essayer d’animer ça parce qu’ils n’ont pas de firme de relations publiques qui le font pour eux, constate Sereno. Je leur donne des outils pour le faire de la façon la plus efficace et la moins énergivore possible. »

En janvier, Alex Sereno a offert deux ateliers à l’Institut national du sport du Québec, au Stade olympique. Depuis quelque temps, la conseillère des services aux athlètes à l’INSQ, Geneviève Saumur, recevait plusieurs demandes en ce sens. « Je veux me partir un blogue, une fan page Facebook, comment je fais ça ? Comment filtrer ? Qu’est-ce que je partage ? », énumère l’ancienne olympienne en natation.

Commandites recherchées

La recherche de commanditaires est souvent un motif qui sous-tend l’intérêt des athlètes pour les réseaux sociaux. L’époque des portfolios avec belles photos sur papier glacé est révolue.

« Maintenant, quand un athlète se fait approcher pour une commandite ou une association commerciale avec un partenaire, [la présence sur] les médias sociaux est devenue l’un des premiers critères », note Marie-Annick L’Allier, propriétaire de l’agence de marketing sportif qui porte son nom.

Elle cite l’exemple du « Défi Activia » auquel sa cliente Marianne St-Gelais a prêté son image en début d’année. La campagne de la marque de yogourt s’est déployée à la télévision, mais aussi sur la page Facebook de la médaillée olympique en patinage de vitesse, suivie par plus de 18 000 abonnés.

« Tu n’as pas vu Marianne avec un yogourt dans les mains, souligne Marie-Annick L’Allier. On a vu l’arrière-scène, la façon dont elle s’entraîne avant de sauter sur la glace. »

« C’est une façon de développer du contenu. Pour certains produits, ça a beaucoup de sens de s’introduire dans le mode de vie d’un athlète. »

— Marie-Annick L’Allier, propriétaire d’une agence de marketing sportif

Si le site internet personnel demeure incontournable, ne serait-ce que pour le référencement dans les moteurs de recherche, la page Facebook est un outil beaucoup plus flexible, note l’agent d’Alex Harvey.

« C’est important [pour son commanditaire] Québecor et c’est important pour moi », indique Denis Villeneuve, qui en fait l’animation bénévolement. « C’est beaucoup plus facile de générer du contenu sur une page Facebook. Tu mets des vidéos, de courts textes, un lien vers un blogue. Au lieu de te prendre dix heures pour un site, ça te prend deux ou trois heures. »

La patineuse Kasandra Bradette n’a évidemment pas la même renommée que St-Gelais, sa concitoyenne de Saint-Félicien, mais les enseignements d’Alex Sereno lui ont néanmoins fait réaliser l’importance de sa participation aux réseaux sociaux.

Elle lui permet de donner des nouvelles à la famille et aux amis, mais aussi de la visibilité à des commanditaires qui la soutiennent, comme la Maison Mazda Saint-Félicien et l’eau d’érable Oviva de Mont-Laurier.

« J’essaie du mieux que je peux de leur donner un peu de publicité, explique celle qui est active sur Facebook et Instagram. Je me fais une fierté de consommer beaucoup de produits locaux, comme l’avoine de la Ferme Olofée de Saint-Félicien, et même si ce n’est pas un partenaire, je suis contente de le dire. Si je peux avoir un impact positif, j’essaie d’en faire profiter. »

L’athlète de 27 ans y voit également une façon de préparer son après-carrière : « Ce n’est pas tout le monde qui emprunte le même chemin et j’aimerais partager mon parcours et, pourquoi pas, inspirer d’autres personnes. »

Ironiquement, constate Alex Sereno, l’humilité de plusieurs athlètes québécois freine souvent l’exploitation de leur plein potentiel numérique. Pendant l’atelier, il a gentiment tancé Samuel Girard, médaillé d’argent du 1500 m aux derniers Championnats du monde de patinage de vitesse courte piste.

« Il est vice-champion du monde », a-t-il insisté, invitant le patineur à redoubler d’efforts aussi sur le terrain virtuel.

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