Pour la création d’un ministère de la Population

L’idée de la création d’un ministère de la Population n’est pas nouvelle, mais elle s’avère très à-propos à la suite des discussions sur les seuils d’immigration durant la dernière campagne électorale.

En fait, la mise en place d’un ministère de la Population et d’un institut québécois d’étude de la population avait été sérieusement envisagée par le gouvernement de Robert Bourassa un peu avant les élections de 1976⁠1. On connaît la suite, et cette proposition n’a jamais vu le jour.

L’avantage de la création d’un ministère de la Population est de remettre le débat sur les seuils d’immigration dans le contexte plus large d’une véritable politique de population pour le Québec qui serait élaborée au sein de ce ministère. Comment voit-on le Québec sur le plan démographique au cours des prochaines années ? On connaît déjà certaines tendances incontournables (vieillissement de la population, population active en décroissance, poids démographique en baisse au sein du Canada, population de langue française en déclin, surtout dans la région de Montréal), mais on peut souhaiter atténuer ou renverser ces tendances par une approche plus globale.

Il faut rappeler que la croissance de la population du Québec et son poids démographique dépendent de plusieurs composantes et non seulement de l’immigration internationale.

La mortalité et la fécondité déterminent le niveau de l’accroissement naturel de la population. Concernant la mortalité, le gouvernement doit jouer un rôle important pour assurer un accroissement de la longévité en offrant des soins de santé et des services sociaux performants tout en en favorisant un juste équilibre entre la quantité des années vécues et la qualité de ces années, surtout chez les personnes âgées.

En matière de fécondité, une politique de population insisterait sur le rôle déterminant de l’État pour permettre aux familles d’avoir le nombre d’enfants qu’elles souhaitent. À ce titre, le Québec fait déjà excellente figure avec son programme de garderies (CPE), de congés parentaux et d’appuis financiers aux familles et grâce aux mesures de conciliation travail-famille offertes par de nombreuses entreprises. Attention : il ne s’agit pas, bien sûr, de revenir à la revanche des berceaux, mais d’améliorer l’appui aux familles.

La composante migratoire dans l’accroissement de la population comprend plusieurs éléments : la migration interprovinciale (entrées et sorties du Québec vers le reste du Canada), la migration internationale (entrées et sorties du Québec vers un autre pays) et aussi les variations du nombre de personnes qui sont des résidents non permanents (demandeurs d’asile, détenteurs de permis d’étude, de travail temporaire). Chacun de ces éléments mérite d’être examiné de près dans une politique de population. Peut-on améliorer le bilan interprovincial qui a été trop longtemps déficitaire ? Peut-on mieux accompagner les résidents non permanents pour en faire des résidents permanents ? En ce qui concerne l’immigration internationale, le Québec pourrait déterminer le nombre d’immigrants qu’il souhaite accueillir chaque année en cohérence avec sa politique de population. Le Québec détient certains pouvoirs lui permettant de contrôler le nombre d’immigrants, mais pas pour toutes les catégories d’immigrants. Sa politique de population serait une assise crédible dans ses revendications auprès du gouvernement fédéral.

Durant l’année 2021, la population du Québec s’est accrue d’environ 60 000 personnes (soit un taux de croissance de 0,7 %), dont les trois quarts sont redevables au solde migratoire : le nombre d’immigrants est estimé par l’Institut de la statistique du Québec à environ 50 300, et le solde migratoire total, à environ 45 000. L’accroissement naturel (84 900 naissances moins 69 900 décès) contribue pour 25 % de l’accroissement total. La composante migratoire, et en particulier l’immigration internationale, étant actuellement et de loin la contribution la plus importante à l’accroissement de la population, le ministère pourrait avoir une double appellation : ministère de la Population et de l’Immigration. Cela refléterait mieux les enjeux non seulement démographiques, mais aussi socioéconomiques et linguistiques auxquels le Québec fait face.

1. Consultez le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.