Un couple brisé à jamais
Pauline Desmarais et Jean Lafrenière faisaient une petite marche lundi sur le boulevard Saint-Benoît à Amqui quand un homme au volant d’une camionnette a heurté 11 passants innocents. La femme, gravement blessée, se trouve maintenant dans un hôpital de Québec, alors que son mari est un des deux piétons qui ont perdu la vie.
Le drame a eu l’effet d’une bombe dans plusieurs cercles où Jean et Pauline étaient aimés. Dans le petit village d’Albertville, où Pauline a été mairesse en plus de tenir le dépanneur avec son mari, la nouvelle « frappe fort ». Le club de danse où ils allaient deux fois par semaine est atterré.
« On avait une réunion lundi soir. Pauline était toujours à l’heure. Là elle n’est pas venue et on ne comprenait pas. Quand le téléphone a sonné, on a compris », laisse tomber avec désarroi son amie Jacqueline Dion, trésorière du Club de danse l’Amitié d’Amqui.
Pauline et Jean étaient des habitués du club de danse, qu’ils fréquentaient deux fois par semaine religieusement. Pauline en était même secrétaire.
Le vice-président du club est arrivé lundi sur la scène du drame avant les premiers répondants. Réal Gonthier faisait sa marche comme d’habitude. Puis soudain, l’horreur.
« J’ai vu un monsieur par terre et c’était le mari de ma cousine. J’en ai vu pas mal plus que je voulais en voir, dit-il. Puis j’ai vu que des gens étaient en train de masser M. Lafrenière. Puis ils ont mis la couverture par-dessus lui. »
La mort de Jean Lafrenière, 73 ans, et le combat de Pauline Desmarais à l’hôpital ont jeté le club de danse dans la consternation. « Là, on attend nerveusement des nouvelles. On espère qu’elle va s’en tirer. Ça affecte énormément tous les membres du club », lance Réal Gonthier.
Le club de danse doit décider ce qu’il fera de ses prochaines activités au calendrier. Doit-on les annuler ? Chose certaine, la prochaine rencontre sera l’occasion de se serrer les coudes. « Ce seront des retrouvailles, une occasion de se parler des gens qui manquent », lâche M. Gonthier.
En attendant, ces amis se souviennent de gens très sympathiques, qui parlaient à tout le monde, ou encore d’un « beau couple uni ».
« Ils avaient l’esprit de communauté, l’idée d’avoir du plaisir tous ensemble, se souvient Bertrand Dubé, aussi membre du club. Ce qui se passe, on n’a pas de mots pour comprendre ça. »
Albertville sous le choc
Dans le village d’Albertville aussi l’attaque au camion de lundi a eu l’effet d’une bombe. Pauline en a été mairesse au début des années 1990 et elle tenait avec Jean un dépanneur en plein centre du village.
La petite communauté de 226 habitants a aussi été frappée par la mort de Gérald Charest, 65 ans, l’autre piéton qui a perdu la vie en plus de Jean Lafrenière. C’est que M. Charest était natif du village, comme Pauline.
« Les deux décès, c’est des gens de chez nous. C’est comme tombé sur chez nous, remarque le maire d’Albertville, Martin Landry. Ça fesse, en bon québécois. C’est un choc pour bien des gens. Pourquoi lui ? Pourquoi elle ? »
Le village est secoué, admet le maire. « C’est plus impersonnel quand on ne connaît pas les gens, quand ça arrive ailleurs. Ce n’est pas moins dramatique, mais c’est plus impersonnel, dit-il. Quand ce sont des gens que tu connais bien, ça frappe davantage. »
« Là, ça frappe fort », laisse-t-il tomber.
Le maire essaye maintenant d’avoir des nouvelles de l’état de Pauline Desmarais par des membres de sa famille. Aux dernières nouvelles, la Sûreté du Québec parlait toujours de trois personnes luttant pour leur vie.
Rappelons que Steeve Gagnon, 38 ans, a été accusé de conduite dangereuse causant la mort. La Couronne n’écarte pas la possibilité de déposer des accusations de meurtre si l’enquête le permet.
Les motivations de l’homme, qui a foncé intentionnellement sur les piétons, selon la police, sont toujours inconnues. Steeve Gagnon n’avait pas un long casier judiciaire. Il avait toutefois été arrêté pour conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool en septembre 2006, et la police avait trouvé de la cocaïne dans sa voiture, selon des documents judiciaires consultés par La Presse.
La Sûreté du Québec cherche des images de l’attaque
La Sûreté du Québec (SQ) sollicite l’aide de la population afin de mettre la main sur des images ou des vidéos de l’attaque à la camionnette ayant fait deux morts et neuf blessés lundi dernier à Amqui, dans le Bas-Saint-Laurent. « Nous n’écartons pas la possibilité que des gens puissent posséder certaines images vidéo en provenance d’une caméra de surveillance, appareil cellulaire ou autre en lien avec ces évènements », a indiqué le corps policier, dans un communiqué diffusé mercredi. La SQ demande donc à « toute personne possédant des images » ou des informations en lien avec cet évènement qui n’aurait pas encore parlé à la police de prendre contact avec elle. Il est possible de le faire de façon confidentielle en appelant à la Centrale de l’information criminelle de la Sûreté du Québec au 1 800 659-4264.
— Vincent Larin, La Presse