HISTOIRES DE PLEX

Reprise de logement 101

Les locataires qui habitent l’édifice multilogements que vous convoitez partiront-ils pour que vous puissiez y emménager ? Petit guide de la reprise de logement.

Au Québec, les locataires bénéficient du « droit de maintien dans les lieux ». Si vous jouez mal vos cartes au moment d’acheter un duplex ou un triplex, vous pourriez ne jamais pouvoir y habiter ! 

Lorsqu’on cherche un plex avec l’intention d’y emménager, l’idéal est de s’attarder aux propriétés affichées « pour propriétaire occupant » ou dont la fiche de vente précise clairement la disponibilité d’un ou de plusieurs logements pour les futurs propriétaires. 

« En tant que courtier inscripteur, je cherche toujours à savoir si les locataires en place seraient prêts ou non à quitter leur logement, pour qu’il n’y ait pas de quiproquo avec des acheteurs potentiels. » 

— Valérie Grecki, courtière en immobilier 

La demande pour les petits plex étant très forte, on peut cependant se retrouver à envisager l’achat d’un immeuble dont le propriétaire et le courtier inscripteur n’ont entrepris aucune démarche pour qu’au moins un des logements soit libre pour l’acheteur. 

En tant qu’acheteur, seul ou en couple, vous pourrez faire une reprise de logement en faisant valoir que vous souhaitez habiter dans l’immeuble que vous venez d’acheter. Par contre, si vous êtes plus d’un acheteur (amis, frères et sœurs, parents et enfant), vous ne pourrez forcer aucun locataire à partir. 

Ce que dit le Code civil

« Le locateur d’un logement, s’il en est le propriétaire, peut le reprendre pour l’habiter lui-même ou y loger ses ascendants ou descendants au premier degré, ou tout autre parent ou allié dont il est le principal soutien. » 

« Le propriétaire d’une part indivise d’un immeuble ne peut reprendre aucun logement s’y trouvant, à moins qu’il n’y ait qu’un seul autre propriétaire et que ce dernier soit son conjoint. » 

Bref, dès qu’il y a plus d’un propriétaire et qu’il ne s’agit pas de conjoints, les propriétaires sont réputés être des investisseurs et ne peuvent pas faire une reprise de logement. 

Quand de nouveaux propriétaires apprennent que la loi ne leur donne aucun outil pour libérer les logements, ils doivent parfois offrir d’importantes sommes pour habiter l’un des logements de leur nouveau plex. 

« J’ai vu des cas où des propriétaires ont été obligés de verser 12 000 $ et même 25 000 $ à des locataires pour qu’ils acceptent de partir », raconte Valérie Grecki, qui travaille sous la bannière Via Capitale du Mont-Royal. Il est préférable que l’occupation des logements soit réglée avant la transaction. On peut mandater le courtier – inscripteur ou collaborateur – pour négocier avec les locataires. 

« Je rencontre les locataires, je les écoute et on trouve toujours un terrain d’entente, dit Valérie Grecki. J’ai relogé des gens qui m’ont remerciée, parce qu’ils se sentaient mieux dans leur nouveau logement. » 

De la même façon qu’un locataire qui souhaite quitter son logement avant la fin de son bail peut s’entendre avec son propriétaire, il est tout à fait possible de conclure une entente pour qu’un bail ne soit pas renouvelé et que le logement devienne libre, explique Denis Miron, porte-parole de la Régie du logement. 

« Toute négociation est possible, rien ne l’interdit à cette fin. » L’entente peut prévoir une somme d’argent pour le locataire qui accepte de partir. Il est fortement recommandé de consigner le tout par écrit, avec signatures des deux parties. Si le locataire ne reconnaît plus l’entente et refuse d’aller habiter ailleurs, on peut s’adresser à la Régie du logement et demander à un régisseur de trancher. Si l’entente n’a pas été obtenue en usant de harcèlement, ou en contravention avec d’autres dispositions de la loi, elle sera jugée valide. 

DEVANT LA RÉGIE 

La Régie du logement ne publie pas d’information sur les sommes à verser aux locataires pour des reprises de logement. Il suffit que le locataire conteste la reprise pour que la Régie en soit saisie et qu’une somme soit déterminée. 

D’entrée de jeu, le régisseur cherchera à savoir si le locataire conteste le droit du propriétaire à occuper un logement ou s’il cherche plutôt à obtenir une compensation en argent. 

À moins de détenir des preuves démontrant la mauvaise foi du propriétaire, le locataire s’en tiendra à une demande de dédommagement. Il pourrait tenter de réclamer toutes sortes de frais, mais seuls ceux servant à couvrir le déménagement et le changement d’adresse seront admis devant la Régie. En général, les régisseurs se fondent sur la jurisprudence pour établir une somme qui correspond à deux, trois ou quatre mois de loyer, soit entre 1400 $ et 2000 $.

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