Dix hôpitaux en situation « critique »

Près de la moitié des lits réservés pour des patients infectés par la COVID-19 sont désormais occupés au Québec, une tendance à la hausse qui inquiète le ministre Christian Dubé. La situation est jugée « critique » dans dix hôpitaux, où l'on craint de devoir intensifier le délestage dans tous les secteurs d'activité. Les établissements de santé risquent d’écoper davantage en janvier si les Québécois organisent des rassemblements clandestins pendant les Fêtes.

on va se heurter à un mur en janvier, craint dubé

Le ministre Christian Dubé met en garde contre une saturation des lits COVID-19 si les Québécois multiplient les contacts

Pour l’instant, un peu moins de la moitié des lits prévus pour des patients atteints de la COVID-19 sont occupés. Mais pour le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, c’est une source constante de préoccupation.

Jusqu’à la mi-novembre, le nombre d’hospitalisations se maintenait autour de 500. « On a vu que c’est rapidement monté à 1000 », observe le ministre. Le dernier bilan dévoilé vendredi fait état de 1011 personnes hospitalisées dans la province, soit neuf de plus que la veille. Du nombre, 141 se trouvent aux soins intensifs, sept de plus que la veille. Cela représente une hausse de 16 % des hospitalisations sur une semaine.

« On a une capacité de 2164 lits pour les patients COVID, ce qui inclut les lits aux soins intensifs. Si on continue comme ça, on va dépasser notre capacité », a-t-il déclaré en point de presse. « La situation est déjà critique dans certains hôpitaux. »

Dix hôpitaux sont actuellement en situation « critique » au Québec, a indiqué Christian Dubé :

• L’Hôpital de Chicoutimi (Saguenay–Lac-Saint-Jean)

• Le CHU de Québec-Université Laval (Hôpital de l’Enfant-Jésus) (Capitale-Nationale)

• L’Hôpital de Trois-Rivières (Mauricie)

• L’Hôpital Pierre-Boucher (Montérégie-Est)

• L’Hôpital Anna-Laberge (Montérégie-Ouest)

• L’Hôpital du Lakeshore (Ouest-de-l’Île-de-Montréal)

• L’Hôpital de Verdun (Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal)

• L’Hôpital de Hull (Outaouais)

• L’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IVCPQ) (Capitale-Nationale)

• Le Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (Estrie).

« Dans plusieurs régions, on a dû augmenter le délestage pour pouvoir soigner les patients », a dit le ministre.

« Tous les secteurs d’activité peuvent être touchés, par exemple les chirurgies, les cliniques externes, les soins de première ligne. On est rendu là. »

— Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux

Des lits dans des sites dits « non traditionnels » ont été installés. « À Québec, on a installé des lits à l’hôtel Le Concorde, a dit M. Dubé. On a même aménagé les salles de réception de l’hôtel pour y mettre des lits. »

Pour éviter que les hôpitaux ne soient surchargés, le ministre a réitéré son appel à la population à ne se rendre aux urgences que « si c’est vraiment nécessaire ». Il a invité les citoyens à joindre d’abord leur médecin de famille, la ligne d’information sur le coronavirus (1 877 644-4545) ou encore Info-Santé 811.

« Je veux m’adresser à ceux qui pensent à contourner les règles », a indiqué Christian Dubé. « Autant notre système de santé que notre personnel ne peuvent se permettre une flambée des cas au retour des Fêtes. Si les Québécois ne respectent pas les règles pendant les Fêtes et qu’ils multiplient les contacts, malheureusement, on frappera un mur en janvier. Nous devrons faire encore plus de délestage dans les hôpitaux et reporter des chirurgies qui pourraient être urgentes.

« Pensez donc aux personnes qui pourraient voir leur chirurgie être reportée parce que certains n’ont pas respecté les mesures du temps des Fêtes. Pensez à tous ceux qui sont au front depuis le printemps dernier. À ces hommes et ces femmes qui font des sacrifices chaque jour pour sauver des vies. Soyons solidaires pour le temps des Fêtes, solidaires pour notre personnel du réseau de la santé. »

Deux tiers des lits occupés en dehors de Montréal

L’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) a mis à jour vendredi ses projections concernant l’impact de la pandémie sur le réseau hospitalier. Il note que le nombre de cas de COVID-19 a augmenté de 60 % en trois semaines. Durant la même période, le nombre d’hospitalisations a augmenté de 50 %.

Néanmoins, « les projections suggèrent que le nombre de lits devrait être suffisant dans les hôpitaux pour le prochain mois », conclut l’INESSS.

Bien qu’un risque de débordement ne soit toujours pas exclu en dehors de la région métropolitaine, une légère baisse des hospitalisations vient réduire la pression. En effet, à une semaine de Noël, près des deux tiers des lits désignés sont actuellement occupés, ce qui faisait craindre un possible débordement.

Quant au Grand Montréal, la récente et forte augmentation des hospitalisations ne devrait pas provoquer de débordement.

« L’occupation des lits désignés devrait continuer d’augmenter au cours du prochain mois, en restant toutefois dans les limites planifiées. »

— Projections de l'Institut national d’excellence en santé et en services sociaux pour le Grand Montréal

Cela dit, la pression demeure forte. Dans la dernière semaine, 623 des quelque 13 000 nouveaux cas sont à risque élevé d’hospitalisation, ce qui représente une hausse de 16 % par rapport à la semaine précédente. Soulignons que ces projections réalisées depuis cet automne se sont avérées relativement précises pour prédire la progression des hospitalisations.

Calendrier de vaccination

Jusqu’ici, plus de 27 400 travailleurs sur les 300 000 employés du réseau de la santé ont contracté la COVID-19, dont 10 000 ces deux derniers mois. Les autorités ne prévoient pas toutefois de modifier le calendrier de vaccination pour prioriser les employés du réseau. Les premières doses sont réservées aux résidants des CHSLD, en raison de leur vulnérabilité et du taux de mortalité plus élevé dans cette population, ainsi qu’au personnel de ces établissements.

« Il est évident que lorsque nous aurons reçu plus de vaccins, nous pourrons passer à la prochaine clientèle », a dit le ministre Christian Dubé. « Mais pour le moment, nous allons continuer à nous concentrer sur les CHSLD. »

D’ailleurs, la campagne de vaccination se poursuit. Jeudi, 896 vaccins ont été administrés, pour un total de 3305 depuis lundi. L’élargissement de la campagne doit débuter au début de la semaine prochaine avec l’ouverture de 21 lieux de vaccination.

1773 nouveaux cas, 36 décès

Vendredi, Québec a rapporté 1773 nouveaux cas de COVID-19 et 36 décès supplémentaires, ce qui porte à 1825 la moyenne quotidienne et à 172 801 le nombre de cas depuis le début de la crise. La hausse des hospitalisations se poursuit alors que le nombre de personnes hospitalisées a augmenté de neuf, pour un total de 1011. Les 36 nouveaux décès portent le bilan du Québec à 7671 depuis le début de la pandémie. La majorité des morts rapportées vendredi sont survenues dans le Grand Montréal. Le Québec a déploré dix décès sur l’île, huit en Montérégie, trois dans Lanaudière et un à Laval. La Capitale-Nationale a recensé six morts tandis que le Saguenay–Lac-Saint-Jean et l’Estrie en comptent trois. Enfin, la région de la Mauricie et du Centre-du-Québec a rapporté deux nouveaux décès. C’est à Laval que la COVID-19 se fait le plus sentir. On y recense 38 cas pour 100 000 habitants. La situation est aussi inquiétante sur l’île de Montréal, qui frôle les 30 cas pour 100 000 habitants.

lendemain de veille redouté dans le réseau

Le réseau de la santé est en état d’alerte : à l’approche des Fêtes, on craint que le message de santé publique passe de moins en moins dans la population. L’arrivée d’un vaccin semble avoir rassuré certains citoyens qui relâchent les mesures. Sur le terrain, on redoute de voir les partys de Noël se multiplier, au risque d’engorger sérieusement les hôpitaux en janvier.

« On voit un relâchement dans la population. Ne serait-ce qu’avec les buffets de Noël qui se font commander ou les quantités d’alcool vendues […] Le vaccin a peut-être aussi donné un faux sentiment de sécurité. Mais si on ne garde pas les mesures, il y aura des impacts majeurs sur le réseau », affirme le DMartin Arata, président de l’Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec.

« Il semble se préparer des partys clandestins […] On craint de perdre le contrôle. Même si on déleste, on craint que s’il y a des partys, la situation empire beaucoup », affirme la présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), la Dre Diane Francœur.

« Est-ce qu’on pense que la majorité des gens ne respecteront pas les règles ? On espère que non. Mais on a des craintes. On peut juste insister pour que les gens les respectent. On croise les doigts », affirme le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le DLouis Godin.

Comment continuer de convaincre les gens ?

Après des mois de pandémie, comment continuer de convaincre la population de suivre les règles sanitaires ? « Ça a toujours été l’extrême grand défi dans les épidémies que j’ai vécues. La réponse vient souvent localement. On a depuis le début une approche très “top down”. Mais à un moment, les gens sont tannés d’entendre les dirigeants parler. Ils ont besoin d’une autre façon de se faire dire les choses. D’autres porte-parole », explique la Dre Joanne Liu, pédiatre et ex-présidente de Médecins sans frontières.

La Dre Liu le reconnaît : nous sommes actuellement dans le pire moment de la pandémie.

« Les gens sont tannés. Avec les vaccins, il y a un relâchement automatique quasi inconscient. Il faut encourager les gens à continuer. Il faut le dire. »

— La Dre Joanne Liu

Pour la Dre Liu, la vaste majorité des gens respectent les règles de santé publique. « Ils sont bons. Il faudrait peut-être plus le leur dire. Il faut changer le récit. Faire du renforcement positif », dit-elle.

Professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, Roxane Borgès Da Silva souligne que selon les plus récentes données de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), l’adhésion de la population aux principales mesures de santé publique, comme éviter les rassemblements, se laver les mains et porter le masque, reste en effet la même depuis le début de l’automne au Québec. « Il ne me semble pas avoir vu une tendance claire à la baisse », dit-elle.

faire Passer un message

C’est pour que des intervenants de terrain puissent s’adresser directement à la population que le DGermain Poirier et son équipe de l’hôpital Charles-Le Moyne ont conçu, avec la FMSQ, une vidéo sur le temps des Fêtes.

Dans la capsule, on voit des préposés aux bénéficiaires, des infirmières, des inhalothérapeutes et des médecins inviter la population à ne pas se réunir pour Noël.

« Passer les Fêtes en pyjama, c’est beaucoup plus rigolo qu’en jaquette d’hôpital », affirme notamment Louise Larivée, chef de la réadaptation physique et de l’hôpital Charles-Le Moyne. « Les gens ne se sentent pas interpellés. Ils se disent que s’ils n’ont pas eu la COVID encore, ils ne l’auront pas », affirme le DPoirier, président de la Société des intensivistes du Québec.

« On a voulu dire à la population : aidez-nous. Le seul moyen de freiner la pandémie, c’est de respecter les mesures. »

— Le Dr Germain Poirier

Ce dernier souligne que « le peuple est souverain » et que « si le message vient toujours d’en haut, à un moment donné, ça passe moins ». Pour le DPoirier, limiter les cas est important non seulement pour le réseau de la santé, mais aussi pour que les écoles ouvrent en janvier, que les commerces rouvrent leurs portes. Que les gens qui ont perdu leur emploi soient réengagés. « C’est l’affaire de tout le monde », dit-il.

La Dre Liu ajoute que dans toute pandémie, « pour garder une population engagée, il faut une transparence ». « Il faut dire ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas. Et dire ce qu’on voudrait savoir. Répondre à une épidémie, c’est un exercice de communication », dit-elle.

À quelques jours de Noël, le DArata « souhaite la collaboration des gens ». « Il ne reste que quelques mois à faire », dit-il. « Faites-nous un cadeau en restant chez vous », dit la Dre Francœur.

Entrevue avec la conseillère scientifique en chef du Canada

« Il n’y a pas de pénurie de tests rapides »

« Il n’y a pas de pénurie de tests rapides, ils devraient être beaucoup plus utilisés, notamment dans les CHSLD et les autres résidences pour personnes âgées », estime Mona Nemer, conseillère scientifique en chef du Canada.

En entrevue avec La Presse vendredi, Mona Nemer a rappelé que le taux d’infections asymptomatiques était de quelque 40 %, selon la littérature scientifique.

Cela fait beaucoup de monde, rappelle-t-elle, qui, sans le savoir, travaille auprès de personnes âgées ou leur rend visite et les met à risque.

Ces tests rapides, dit-elle, ne sont peut-être pas aussi sensibles que les tests faits en laboratoire, mais tout de même, on pense qu’ils le sont entre 60 % et 80 %.

Cela veut dire, insiste-t-elle, qu’« on peut ainsi attraper six personnes sur dix qui sont infectées ».

Mme Nemer fait observer que les tests peuvent être faits avec de la salive, ce qui n’est pas effractif.

Il n’y a pas que les résidences pour personnes âgées qui pourraient bénéficier de tels tests rapides. « Cela devrait se faire partout où l’on sait que les gens sont en contact étroit et sont particulièrement vulnérables, dans les abattoirs, les manufactures, par exemple. »

Manque de logique

Parmi les autres problèmes soulevés par Mme Nemer se trouve un certain manque de cohérence dans les consignes gouvernementales.

Elle cite le cas des bibliothèques, qui ont été fermées à maints endroits bien que les usagers y soient très éloignés les uns des autres et que des éclosions n’y aient pas été recensées. À l’inverse, les centres commerciaux sont restés ouverts.

« Parfois, il y a un manque de cohérence », dit-elle, ajoutant que cela n’est pas sans conséquence.

Quand les gens ne comprennent pas la logique des décisions qui sont prises, ils risquent de « remettre les décisions en question » et de ne plus y adhérer.

Tout cela étant, et avec la grosse tentation des Fêtes, est-il envisageable que les élèves reprennent le chemin de l’école le 11 janvier ? Est-ce que cela sera suffisant ?

« Il est possible que les trois semaines suffisent, cela dépendra de l’adhésion de la population aux mesures de distanciation, donc de la diminution des infections et aussi de l’évolution des hospitalisations. D’où l’importance de respecter les consignes pour s’éviter un plus long confinement. »

Vaccin de Pfizer et BioNTech

Le Canada recevra 125 000 doses par semaine en janvier

Le Canada recevra 125 000 doses du vaccin de Pfizer-BioNTech par semaine à compter de janvier, pour un total de 500 000 doses durant le premier mois de 2021, a confirmé le premier ministre Justin Trudeau. Ces doses s’ajouteront aux quelque 417 000 doses combinées qu’Ottawa prévoit recevoir d’ici la fin de l’année de la part de Pfizer et de Moderna (168 000 doses), si le vaccin de cette dernière société est homologué par Santé Canada. En tout, le Canada devrait recevoir six millions de doses de ces deux vaccins durant le premier trimestre de 2021, ce qui devrait permettre de vacciner trois millions de Canadiens. En conférence de presse à Rideau Cottage, vendredi, M. Trudeau a de nouveau imploré les Canadiens de respecter les consignes des autorités sanitaires, même si on voit le bout du tunnel avec l’arrivée de ces vaccins. « L’année a déjà été difficile et on vous demande encore de faire des efforts. Mais ce n’est pas le temps de lâcher. Il y a de l’espoir. Les vaccins arrivent. On a des millions de doses de réservées pour les mois à venir », a affirmé M. Trudeau. Par ailleurs, le premier ministre a dit que son gouvernement fera preuve de souplesse envers les Canadiens qui auraient reçu de l’argent en vertu des programmes d’aide tels que la Prestation canadienne d’urgence (PCU) alors qu’ils n’y avaient pas droit.

— Joël-Denis Bellavance, La Presse

COVID-19

feu vert pour le vaccin de moderna aux états-unis

Les États-Unis ont accordé vendredi une autorisation en urgence au vaccin de Moderna contre la COVID-19, a annoncé l’Agence américaine des médicaments (FDA). Le remède de la jeune firme de biotechnologies va donc rejoindre celui de l’alliance Pfizer-BioNTech dans l’immense campagne de vaccination qui a commencé lundi aux États-Unis. « Félicitations, le vaccin de Moderna est désormais disponible ! », s’est félicité le président Donald Trump. Comme pour le vaccin de Pfizer-BioNTech, autorisé il y a sept jours, le feu vert de la FDA est intervenu dès le lendemain de l’avis favorable d’un comité d’experts américains. Si le vaccin de Pfizer-BioNTech avait déjà établi un record, Moderna fait encore mieux : son vaccin a été approuvé 19 jours après le dépôt de la demande officielle, contre 22 pour Pfizer. La distribution des doses, pensée depuis des mois, doit « commencer immédiatement », a annoncé Moderna dans un communiqué après l’annonce de l’autorisation. Le vaccin, dont le gouvernement américain a préacheté 200 millions de doses, est efficace à 94,1 %, selon une synthèse des données de Moderna par la FDA, ce qui signifie qu’il réduit d’autant les chances de contracter la COVID-19. La formule de la jeune société peut être conservée à - 20 °C, comparativement à - 70 °C pour le vaccin de Pfizer.

— Agence France-Presse

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