envahis par le PLASTIQUE

En mars dernier, des Britanniques ont laissé au supermarché tous les emballages de plastique jetable, baptisant leur geste « Plastic attack ». On a choisi le 15 septembre pour lancer une Journée mondiale des attaques du plastique. Pour la souligner, La Presse s’est rendue au supermarché et a ausculté les poubelles d’un haut lieu touristique de Montréal.

Un panier rempli de plastique

« C’est l’épicerie la plus trash que j’ai jamais faite ! » Annick Girard a dû marcher sur ses principes pour survivre à l’exercice.

Pour l’environnementaliste convaincue, acheter de la tisane en sachets individuels, des souvlakis de poulet emballés dans deux couches de plastique ou des compotes de pomme format lunch, c’était une véritable hérésie. Mais l’épicerie que nous avons faite se voulait représentative de celle que fait toutes les semaines la famille québécoise moyenne. Et, une fois les produits retirés de leur emballage, l’exercice s’est soldé par un panier totalement rempli… de plastique.

Il y a 15 ans, Mme Girard, qui œuvre pour l’organisme Équiterre, avait fait un exercice semblable pour illustrer le problème du suremballage.

« Je constate que la situation s’est vraiment empirée. Des fruits emballés dans des pots de plastique ou des capsules de café, ça n’existait pas il y a 15 ans. On est vraiment dans le prépréparé, le préportionné. On s’est éloignés encore plus de l’endroit où est produite la nourriture. »

— Annick Girard

À l’épicerie, les exemples de suremballage abondent. Un saucisson emballé dans du plastique ET du papier. Du bouillon en portions individuelles. Des mini-fromages placés dans une coupelle de plastique, une couche de plastique et un filet, aussi fait de plastique. Des chocolatines dans une barquette en styromousse et un sac de plastique. Des étalages complets de laitues nichées dans leur belle grande boîte de plastique. Ce bel ananas déjà épluché, placé dans son pot de plastique. Ce paquet de thym – « dont une bonne partie finira probablement à la poubelle », note Annick Girard – vendu dans sa barquette de plastique.

Et la section bio des fruits et légumes est probablement à classer au rang des mauvais élèves, décrète Annick Girard, en brandissant une demi-douzaine de patates douces placées dans leur filet de plastique. « Les patates douces régulières sont toujours vendues en vrac. Elles ne sont jamais emballées. Sauf dans la section bio, parce qu’on veut pouvoir les distinguer facilement à la caisse. Il me semble qu’il y aurait moyen de procéder autrement ! » Le premier geste à faire, tout simple, pour le citoyen soucieux de réduire sa consommation de plastique : refuser le sac à légumes. « Jamais je n’utilise ça. Je place mes légumes dans le panier en vrac », dit Mme Girard. Ceux qui tiennent à regrouper leurs produits peuvent facilement acheter des sacs réutilisables en tissu ou en filet.

Bien évidemment, impossible d’éviter le plastique dans la section des viandes et des poissons. Par souci de salubrité, les supermarchés refusent les contenants réutilisables. Mais dans certains cas, l’emballage est totalement exagéré, comme ces tournedos emballés dans du plastique et du carton ou ces burgers de cheval en portions individuelles dans leurs barquettes de plastique. « Et les produits végés ne sont pas mieux. On veut réduire notre consommation de viande, mais on se retrouve avec des produits hyper emballés ! », déplore Annick Girard.

Les formats lunchs, extrêmement répandus dans les épiceries, représentent également une orgie de plastique. Mme Girard montre un paquet de mini-compotes de pomme. « Rien de plus facile et agréable que de faire de la compote de pomme et la placer dans des petits pots réutilisables », souligne-t-elle.

Mais la pire horreur, c’est ce « kit de lunch », formé de craquelins, de rondelles de viande froide et de fromage ainsi que d’une mini-barre chocolatée, le tout placé dans un contenant de plastique et un emballage de carton. « Ça, c’est probablement le pire item. Tant en termes nutritionnels qu’en termes d’emballage », dit-elle. Le contenant de yogourt surmonté de sa section de plastique pour le granola figure aussi sur le podium des mauvais achats. « Il me semble qu’on est capables de prévoir un petit pot de granola pour le mettre dans un yogourt… »

De nombreuses sections de l’épicerie sont un véritable océan de plastique. La section des produits ménagers. L’allée des biscuits ou celle des boissons embouteillées. Et, évidemment, les grands congélateurs du surgelé. « Sauf les fruits et légumes surgelés, à qui je donne une bonne note, tout est emballé, transformé, beaucoup de choses industrielles ici. »

À la caisse, évidemment, nous optons pour les sacs de plastique. Il faut huit sacs pour emballer nos achats. Environ un client sur trois opte encore pour les sacs de plastique, estime la caissière. « C’est encore très populaire », constate-t-elle.

Une fois dans le stationnement, Mme Girard et son fils Milan Deschênes, 12 ans, s’attaquent à l’exercice du déballage. Le contenu a été placé dans des contenants réutilisables, et tous les emballages de plastique ont été mis dans le panier. Résultat : un panier totalement plein de plastique. Nous avons même dû en ajouter un autre, pour accueillir des emballages excédentaires. Annick Girard regarde d’un air découragé cet amoncellement de plastique.

« C’est hallucinant. »

DES SOLUTIONS SIMPLES

Oui, mais comment faire autrement ? Annick Girard a tenu à nous montrer que la solution sans plastique n’était ni très loin ni très compliquée. À quelques pas du supermarché où nous avons fait l’exercice, nous l’accompagnons pour récupérer son panier bio commandé chaque semaine à la ferme Ô Saine Terre, par l’entremise de l’organisme Équiterre. Ici, très peu de plastique. Les légumes sont présentés dans de grands bacs et le client apporte ses sacs réutilisables.

Même chose pour le boulanger, qui vend ses produits en vrac à quelques pas. Annick Girard récupère de vieilles taies d’oreiller pour y mettre ses produits de boulangerie. Elle achète aussi son café, ses tisanes et tous ses produits de cuisine – farine, sucre, raisins secs et autres – dans des magasins en vrac, en utilisant des contenants réutilisables. Les produits ménagers et produits de beauté, quant à eux, sont achetés avec des contenants réutilisables dans un magasin zéro déchet.

« Je ne suis pas une gourou du zéro déchet. La réduction du plastique, il faut voir ça comme une démarche. On y va une étape à la fois, il faut que ça reste pratique. Les gens ont l’impression qu’ils doivent changer leur vie, ce n’est pas vrai ! »

RÉDUIRE LE PLASTIQUE À L’ÉPICERIE, CINQ ÉTAPES FACILES

1. Toujours apporter ses sacs.

2. Ne pas utiliser les sacs de plastique pour les fruits et légumes et refuser qu’on y place les viandes ou poissons à la caisse.

3. Acheter dans un magasin en vrac en apportant ses contenants.

4. Acheter ses fruits et légumes au marché en apportant ses sacs ou commander un panier bio auprès d’un organisme.

5. Cuisiner. Les muffins, biscuits, barres tendres ou l’houmos qui sortent de votre cuisine n’ont pas d’emballage !

Recyclage zéro sur la Place d'Armes

Sur la place d’Armes, l’un des lieux les plus touristiques de Montréal, aucun bac de recyclage n’est offert aux visiteurs. Tous les détritus générés par les touristes finissent dans les 22 poubelles disposées sur les lieux. Résultat : des centaines d’articles – pour la plupart faits de plastique – sont envoyés chaque jour à l’enfouissement. Récit d’une petite expérience éclairante.

Direction dépotoir

Les 22 poubelles de la place d’Armes sont vidées trois ou quatre fois par jour. Tout leur contenu, y compris celui de l’unique poubelle identifiée pour le recyclage, finit à l’enfouissement, nous a indiqué le col bleu responsable de la collecte, rencontré sur place. À deux reprises, La Presse a récolté le contenu de ces 22 poubelles et l’a trié, afin d’en isoler les articles recyclables. Le résultat est éloquent. Les vrais déchets sont rassemblés dans un simple sac, le plastique non recyclable occupe lui aussi un simple sac, alors qu’un grand bac vert de recyclage est requis pour loger toutes les matières recyclables qui ont été déposées dans les poubelles. Les articles les plus présents dans ce grand bac de recyclage ? Les bouteilles d’eau et les couvercles de verres à café.

Pas de portrait clair

Quelle est la quantité de (faux) déchets ainsi récoltés sur la place d’Armes ou d’autres lieux touristiques du Vieux-Montréal ? Impossible de le savoir, puisque le tout se fond dans la totalité des déchets de l’arrondissement de Ville-Marie – le centre-ville de Montréal. L’arrondissement possède des îlots de récupération sur son territoire, notamment sur la place Jacques-Cartier, nous indique Audrey Gauthier, relationniste au service des communications de la Ville de Montréal. Elle précise également que l’arrondissement travaille au « déploiement d’une stratégie de paniers de rue ». Avec ces nouveaux paniers de recyclage, l’arrondissement « compte doubler le nombre d’outils de collecte sur son territoire ».

Complexe

Attention, installer de nouvelles poubelles pour le recyclage dans des lieux patrimoniaux n’est pas nécessairement chose simple. Les villes gèrent évidemment le ramassage des matières résiduelles sur tout leur territoire, mais, dans les endroits historiques comme le Vieux-Montréal, la Ville est tenue de respecter les dispositions de la Loi sur le patrimoine. Si Québec ou Montréal – où se retrouvent les principaux lieux patrimoniaux – voulaient installer du nouveau mobilier urbain pour accueillir le recyclage, ils devraient d’abord s’assurer qu’il est conforme aux normes édictées par le ministère de la Culture.

— Avec la collaboration de Pierre-André Normandin, La Presse

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