PASSEPORT VACCINAL
ÇA S’EN VIENT

Le projet d’un laissez-passer présenté jeudi par Québec assurerait l’accès à des services non essentiels aux personnes pleinement vaccinées. Ce passeport serait requis à partir du 1er septembre, « si et seulement si » une éclosion était combinée à une transmission importante du virus. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a de nouveau profité de l'occasion pour inciter les jeunes adultes à se faire vacciner.

Un filet de sécurité pour éviter de reconfiner à la rentrée

Lorsque des éclosions surviendront après le 1er septembre, l’accès à certaines activités jugées non essentielles sera réservé aux personnes pleinement vaccinées, a annoncé le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, jeudi.

« C’est clair qu’en cas d’éclosion, les personnes qui sont adéquatement vaccinées vont avoir une situation plus normale », a déclaré le ministre Dubé en point de presse à Montréal.

L’accès pourra être restreint dans deux catégories d’activités : à risque élevé (bars, restos, gyms, sports d’équipe, etc.), et à risque modéré ou faible regroupant un grand nombre de personnes (arts et spectacles, festivals et grands évènements, matchs sportifs, etc.).

Les commerçants devront utiliser une application fournie par Québec pour vérifier la preuve vaccinale (code QR) présentée par le client.

Les personnes qui ne seront pas complètement vaccinées se verront refuser l’entrée « si, et seulement si, la transmission ou des éclosions le justifient dans un secteur d’activité ou un territoire donné », a souligné le ministre de la Santé. Elles ne se feront jamais refuser des services publics ou essentiels, et une formule sera trouvée pour les Québécois dont l’état de santé les empêche de recevoir le vaccin.

Le ministre Dubé a interpellé les jeunes adultes de 18 à 30 ans, en particulier ceux de Montréal, de Laval, de l’Outaouais, de la Mauricie et du Centre-du-Québec, dont les taux de vaccination sont encore inférieurs à 75 %.

« Attendez pas de vous voir interdire l’accès aux bars ou à des activités qui sont importantes pour vous si la situation se détériorait ! »

Viser plus de 80 %

Québec s’est donné pour objectif d’avoir pleinement vacciné 75 % de la population de 12 ans et plus à la fin de l’été. Mercredi, 82 % de la population québécoise avait déjà reçu au moins une dose.

« Je pense que ce ne sera pas assez si on a un virus qui est très, très, très virulent en septembre », a fait valoir M. Dubé. Il souhaite maintenant que 80 % de la population ait reçu deux doses.

« On veut aller chercher 80 [%], et si on est [davantage] capable d’aller chercher les plus jeunes, on va monter à 82-83 %. »

— Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux, parlant de la population pleinement vaccinée

Pour l’instant, les plus de 70 ans sont le seul groupe d’âge dont au moins 80 % de la population est considérée comme adéquatement vaccinée (deux doses, ou une dose chez ceux qui ont déjà contracté la COVID-19).

Avis éthique

Un passeport immunitaire « serait justifiable en tant que mesure complémentaire et temporaire », avait jugé le Comité d’éthique de santé publique (CESP) dans un avis indépendant publié en avril dernier.

« Il nous semblait que c’était un outil dont il ne fallait pas se priver, même s’il présente des inconvénients », a expliqué en entrevue téléphonique le président de ce comité, Bruno Leclerc, en évoquant les bénéfices liés au maintien des activités « pour la santé mentale, la santé physique, la socialisation, la reprise économique ».

Le passeport présenté jeudi par Québec reprend plusieurs des conditions d’acceptation éthiques posées dans le rapport, a constaté M. Leclerc.

Bilan toujours en baisse

Le bilan de la COVID-19 du Québec s’est alourdi de 10 décès jeudi alors que la région de Chaudière-Appalaches a fait état de plusieurs morts survenues l’hiver dernier. La tendance demeure toutefois à la baisse avec 64 nouveaux cas.

Les neuf décès rapportés le 8 juillet sont survenus entre le 30 novembre 2020 et le 29 janvier 2021, soit il y a plus de cinq mois, révèlent des données compilées par La Presse. La correction statistique semble être survenue dans la région de Chaudière-Appalaches, où le bilan de la région s’est alourdi de neuf décès par rapport à mercredi. Le dixième décès rapporté jeudi est survenu dans la Capitale-Nationale.

Même en tenant compte de cette correction statistique, le Québec continue à observer en moyenne un décès par jour.

Les 64 nouveaux cas signalés jeudi portent la moyenne quotidienne calculée sur une semaine à 68. La tendance est ainsi en diminution de 24 % sur une semaine.

Le nombre de cas de COVID est en baisse dans tous les groupes d’âge, à l’exception des 20 à 29 ans, où il est légèrement en hausse depuis une semaine. Le taux de propagation reste bas, soit une quinzaine de nouveaux cas par jour dans ce groupe, le moins vacciné.

On compte 101 personnes hospitalisées, contre 103 la veille, dont 23 aux soins intensifs, soit deux personnes de moins en 24 heures.

La campagne de vaccination a légèrement ralenti. Le Québec vaccine en moyenne 98 000 personnes par jour en ce moment, contre 104 000 il y a une semaine. Jusqu’ici, 70,7 % de la population a reçu au moins une dose et 35,2 % en a reçu deux.

Le passeport vaccinal en bref

Quoi ? En cas d’éclosion, l’accès à des services non essentiels sera réservé aux clients complètement vaccinés.

Où ? Deux catégories d’activités : à risque élevé regroupant un nombre limité de personnes (gyms, bars, restos, sports d’équipe), et à risque modéré ou faible regroupant un grand nombre de personnes (arts et spectacles, festivals et grands évènements, matchs sportifs).

Comment ? L’accès sera contrôlé à l’entrée au moyen d’une application sur téléphone intelligent, qui permettra de vérifier la preuve vaccinale des clients et de refuser l’accès à ceux qui ne sont pas complètement vaccinés.

Quand ? À partir du 1er septembre.

Passeport vaccinal

Une opération « pas évidente », mais bien accueillie

Québec — La mise en place d’un passeport vaccinal cet automne pour garantir l’accès à certains services non essentiels aux personnes qui ont reçu deux doses d’un vaccin contre la COVID-19 est accueillie favorablement par des industries visées. Certains espèrent que cette opération logistique, « pas évidente », sera évitée grâce à la campagne vaccinale, alors que d’autres plaident pour que les passeports soient rapidement en vigueur.

Le président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), Charles Milliard, estime que l’annonce faite jeudi par le gouvernement est « un incitatif supplémentaire » pour se faire vacciner. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a affirmé qu’un passeport vaccinal serait requis « si et seulement si » une éclosion combinée à une transmission importante de la COVID-19 dans un secteur précis le justifiait.

D’ici à l’automne, « ça nous donne le temps de nous préparer », a affirmé M. Milliard, rappelant que « personne ne [souhaitait] utiliser le passeport vaccinal, ni le gouvernement ni nous ».

À l’opposé, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) s’est dite « très déçue que le gouvernement n’encourage pas les entreprises qui le désirent à utiliser dès maintenant le passeport vaccinal pour accueillir les citoyens doublement vaccinés ».

« On devrait à cet égard s’inspirer de ce qui se passe au Danemark et en Israël, qui ont adopté cette approche pour accélérer la réouverture des activités économiques et inciter la population à obtenir rapidement sa seconde dose. […] Le passeport vaccinal pour les services non essentiels doit devenir une mesure phare et courante qui facilitera la reprise pleine et entière des activités économiques », a déclaré le président et chef de la direction de la Chambre, Michel Leblanc.

Et les employés non vaccinés ?

Le vice-président aux affaires fédérales et au Québec de Restaurants Canada, Olivier Bourbeau, estime que le gouvernement Legault doit tout de même clarifier ce qui sera demandé aux entreprises visées pour les employés qui n’auraient pas reçu deux doses d’un vaccin contre la COVID-19.

« Je ne vous apprends rien en vous disant qu’il y a une grande pénurie de main-d’œuvre au Québec. Avant même la pandémie, il manquait 60 000 travailleurs dans l’industrie de la restauration au Canada. Aujourd’hui, c’est pire. »

— Olivier Bourbeau, vice-président aux affaires fédérales et au Québec de Restaurants Canada

Le ministre du Travail, Jean Boulet, a affirmé que « dans l’hypothèse de l’utilisation du passeport vaccinal, les mesures sanitaires en milieu de travail [continueraient] de s’appliquer. [Cela] signifie que les employés pourraient continuer d’exécuter leurs tâches sur les lieux de travail malgré leur statut vaccinal ».

Utilisation des tests rapides

L’analyste principal des politiques pour la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), Francis Dubé, se réjouit pour sa part que le gouvernement « trouve des alternatives pour garder l’économie ouverte ». Il craint toutefois que la mise en place d’un passeport vaccinal n’alourdisse le fardeau qui pèse sur les petites et moyennes entreprises (PME).

À supposer qu’un secteur de l’économie est visé par l’utilisation de ce passeport, estime M. Dubé, Québec devrait avoir recours aux tests rapides avant d’exclure de leur milieu de travail les employés qui ne seraient pas adéquatement vaccinés.

Dans l’industrie des gyms, la présidente d’Énergie Cardio, Claire Tremblay, a de son côté accueilli l’annonce comme une bonne nouvelle. Pour elle, cela confirmait que Québec n’avait pas l’intention de fermer l’industrie en raison d’une quatrième vague de COVID-19.

« S’il arrive que l’on doive utiliser le passeport vaccinal, comme entreprise, on s’est toujours adaptés. Donc on va continuer à suivre les règles et à s’adapter. »

— Claire Tremblay, présidente d’Énergie Cardio

De son côté, la Ligue des droits et libertés (LDL) craint que l’introduction d’un passeport vaccinal ne se fasse « sans réel débat public ».

Réactions des partis d’opposition

Les partis de l’opposition ont accueilli l’annonce du ministre Christian Dubé en émettant des réserves, jeudi. Certains souhaitent discuter des enjeux que crée l’utilisation d’un passeport vaccinal en commission parlementaire, plus tard cet été.

La porte-parole de l’opposition officielle en matière de santé, Marie Montpetit, a reconnu que « le passeport vaccinal [faisait] partie de l’éventail de mesures pertinentes qui visent à favoriser la vaccination et minimiser, voire éviter, une quatrième vague à l’automne ».

« Toutefois, l’approche proposée par la CAQ est simplement conditionnelle aux éclosions possibles. Nous espérons que le plan travaillé par le gouvernement d’ici septembre sera plus précis et en action, plutôt qu’en réaction. »

— Marie Montpetit, porte-parole de l’opposition officielle en matière de santé

Selon Vincent Marissal, de Québec solidaire, « le passeport vaccinal peut être pertinent pour certains contextes, mais il ne doit pas devenir un outil de chantage ou de discrimination ».

« Les enjeux éthiques et les possibilités d’abus sont nombreux », a affirmé le député de Rosemont.

Joël Arseneau, du Parti québécois, a de son côté salué l’approche choisie par Québec, affirmant qu’il s’agissait à première vue d’une mesure « ciblée, seulement si nécessaire, et en fonction de la situation épidémiologique ».

Une idée qui fait le tour du monde

Au moment où Québec évoque la mise en place d’un passeport vaccinal à l’automne si la situation épidémiologique l’exige, plusieurs pays à travers le monde, eux, ont déjà déployé une telle mesure.

Le « coronapas » au Danemark

Le Danemark emploie le « Coronapas » depuis le 6 avril dernier. Le document, disponible en format papier ou sur une application, permet notamment aux personnes pleinement vaccinées d’accéder aux restaurants, aux salons de coiffure, aux cinémas et aux théâtres. Les responsables de lieux publics qui ne vérifient pas le « Coronapas » des individus s’exposent à une amende d’au moins 400 euros, voire 6000 euros en cas de récidive.

Le « passeport vert » en Israël

Israël a imposé le « passeport vert » vaccinal en février. Il permettait aux citoyens de se rendre au gym, dans les piscines, au cinéma et dans les salles de spectacle. Les personnes qui avaient reçu deux doses de vaccin pouvaient obtenir le document sur lequel apparaissait un code QR. Depuis le début du mois de juin, Israël a suspendu l’utilisation du passeport vaccinal, en raison de l’amélioration de la situation sanitaire.

Voyages facilités dans l’Union européenne

Depuis le 1er juillet, un passeport sanitaire, mieux connu sous le nom de « pass européen », permet aux citoyens de voyager dans les 27 pays de l’Union européenne (UE). À ces États s’ajoutent la Suisse, le Liechtenstein, l’Islande et la Norvège. Ce document confirme qu’une personne a été vaccinée contre le coronavirus ou qu’elle a passé un test de dépistage qui s’est révélé négatif. Le « pass européen » dispense les voyageurs de faire une quarantaine. Cependant, les différents pays sont autorisés à remettre en place des mesures sanitaires plus sévères si la propagation du virus augmente.

Le Japon ira de l’avant

Le Japon commencera à distribuer ses passeports vaccinaux à la fin du mois de juillet. Le pays est actuellement en consultation pour savoir dans quelle mesure s’imposera l’usage du code QR dans diverses situations. Pour le moment, le Japon ne prévoit pas empêcher les individus d’entrer au pays s’ils n’ont pas de passeport vaccinal. Cependant, les personnes pleinement vaccinées n’auraient pas à subir de restrictions sanitaires aussi strictes à leur descente de l’avion.

Discorde aux États-Unis

« Il n’y aura pas de base de données fédérale sur les vaccinations et aucun mandat fédéral exigeant que chacun obtienne un certificat de vaccination », avait affirmé la porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki, en avril dernier. Cependant, un mois plus tard, Washington a dit envisager de mettre en place un passeport vaccinal pour les Américains qui se rendent à l’étranger ou qui en reviennent. Le sujet suscite la discorde aux États-Unis. À New York, l’Excelsior Pass permet aux résidants d’avoir accès à certains commerces, salles de spectacle et restaurants. La Floride et le Texas refusent quant à eux l’idée du passeport vaccinal, disant qu’elle va à l’encontre des droits fondamentaux.

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