Hydrocéphalie

Le « cas fabuleux » du petit Loïc

L’hydrocéphalie est une pathologie assez fréquente, qui se traite habituellement bien. Loïc Bonnaire, lui, a vécu toutes les complications possibles. Il a subi une douzaine d’interventions dans sa première année de vie, passée à l’hôpital. Aujourd’hui, grâce à la ténacité de tous les adultes qui gravitent autour de lui, Loïc va bien. En ce mois national de sensibilisation à l’hydrocéphalie, on vous raconte son histoire.

Un matin de janvier 2020, le jour où devait avoir lieu son shower de bébé, Cynthia Dormeus a ressenti des contractions. Elle était enceinte de 30 semaines.

La femme de 42 ans était aux aguets pour cette troisième grossesse, qui ne se passait pas tout à fait comme les deux premières. Fatiguée, elle était en arrêt de travail depuis quelques semaines. Ce matin de janvier, donc, elle n’a pris aucun risque. Tant pis pour la fête prénatale, il fallait aller à l’hôpital.

En marchant dans le stationnement du CHU Sainte-Justine, Cynthia a ressenti un pincement sur le côté de son ventre. L’inquiétude a monté d’un cran. Et la gynécologue-obstétricienne qui l’a accueillie a confirmé ses doutes : décollement placentaire complet. Bébé était en détresse. Il fallait procéder à une césarienne sur-le-champ.

Loïc, qui pesait 1,5 kg, a été mis dans un incubateur. Ses parents, Cynthia et Vladimir, ont pris une chambre au CHU Sainte-Justine pour rester avec lui en tout temps. Cinq jours après sa naissance, Loïc a souffert de nécroses intestinales, dues à sa grande prématurité. Il a été opéré à deux reprises pour retirer des parties de ses intestins. On lui a aussi installé une stomie – une petite ouverture temporaire pour évacuer les selles.

« Quand il n’y avait personne, dans la chambre, je lui parlais : “Loïc, c’est maman. Tu vois, on attend un caca. S’il n’y a pas de caca, ça va être la panique” », se souvient Cynthia en souriant. La selle tant attendue est venue : l’opération avait fonctionné.

Les mois ont passé. En mai, Loïc a subi une opération pour refermer sa stomie. Hormis son manque d’appétit, qui préoccupait l’équipe médicale, il allait bien.

Diagnostic : hydrocéphalie

Loïc était aussi suivi de près pour des saignements au cerveau, aussi causés par sa grande prématurité. Le sang peut créer un blocage entre les ventricules du cerveau : le liquide céphalorachidien, qui ne peut plus circuler, s’accumule progressivement. L’enfant souffre alors d’hydrocéphalie.

« Comme on est tellement tout le temps avec le bébé, il y a des changements qu’on va voir bien avant les examens, raconte Cynthia, qui a toujours été très au fait du dossier de Loïc. Et j’ai réalisé qu’il avait une petite bosse à peine perceptible sur la tête. »

Alors que le retour de Loïc à la maison commençait à être envisagé, des examens ont montré que l'enfant, atteint d’hydrocéphalie, devait être opéré à nouveau, au cerveau, cette fois. « Ç’a été le choc », dit sa mère, qui s’est rapidement concentrée sur les solutions.

Chef de neurochirurgie au CHU Sainte-Justine, le DDominic Venne explique que l’équipe a d’abord tenté de faire une ouverture à la base du cerveau de Loïc pour que le liquide s’écoule, mais le taux de succès de cette intervention est faible chez les enfants de moins de 6 mois. Ça n’a pas marché.

Il fallait donc mettre une dérivation (shunt), un petit tube de 1,5 cm de diamètre qu’on insère dans un ventricule du cerveau pour faire dériver le liquide ailleurs dans le corps. L’équipe a d’abord installé le tube du cerveau à l’abdomen, pour que le liquide soit absorbé dans l’espace autour des intestins. « Cette première dérivation n’a pas fonctionné, parce que son abdomen n’arrivait pas à absorber le liquide », explique le DVenne. Les interventions que Loïc avait déjà subies en raison de ses nécroses intestinales limitaient l’absorption de liquide.

L’équipe du DVenne a alors enclenché le plan C : mettre la dérivation du cerveau au cœur de Loïc.

En juillet 2020, Loïc a pu retourner à la maison, mais le séjour a été de courte durée. Un matin, il s’est levé avec de la fièvre. C’était une méningite. « Quand on fait une infection d’une dérivation qui est dans l’abdomen, c’est dommage, mais ce n’est pas très grave, explique le DVenne. Mais le cœur, lui, ne le tolère pas vraiment. »

L’équipe de neurochirurgie a donc retiré le shunt de Loïc et installé une dérivation externe temporaire. Le petit a été mis sous antibiotique pendant six semaines.

Au terme de ce traitement, l’équipe de neurochirurgie a remis la dérivation dans le cœur de Loïc. Mais rapidement, les choses se sont corsées : le tube s’est bloqué, ce qui est « très, très rare », note le DVenne. Loïc est retourné en salle d’opération deux jours plus tard, mais le tube s’est bloqué de nouveau.

« Là, les rhumatologues se sont gratté la tête, se souvient le DVenne. Et ils ont découvert que Loïc avait un syndrome qui crée des thromboses. » L’équipe de neurochirurgie a remis une dérivation dans l’abdomen de Loïc, en espérant que le liquide puisse y être réabsorbé. Ça a fonctionné, mais seulement pendant un mois. La dérivation a été mise ailleurs dans l’abdomen, en vain.

Les parents gardaient malgré tout espoir. « Même dans les moments les plus désastreux, je n’ai jamais senti que c’était la fin », souligne Cynthia. Elle n’a jamais songé, non plus, à demander d’arrêter les traitements.

« Et même si ses parents nous l’avaient demandé, j’aurais dit non, tranche le DVenne. On le voit, le cerveau, à la résonance magnétique et au scanneur. Et on le sait que c’est un beau cerveau, un cerveau qui a du potentiel. »

L’équipe multidisciplinaire qui s’occupe de Loïc s’est donc réunie pour une énième fois.

« Et on a décidé quelque chose d’assez héroïque : mettre Loïc sous anticoagulant. Disons que personne n'est très à l’aise d’aller dans le cerveau et mettre un cathéter dans le cœur d’un patient sous anticoagulant », résume le DVenne en souriant.

L’opération, qui a eu lieu en novembre, s’est bien passée. Et Loïc a pu fêter son premier anniversaire chez lui, à la maison, avec son grand frère et sa grande sœur.

« Il a repris du poil de la bête. Il récupère sur ses retards développementaux. C’est un cas assez fabuleux », dit le DVenne, selon qui Loïc restera un patient à risque. Il salue la famille pour sa résilience et sa collaboration.

Loïc, 18 mois, commence à marcher à quatre pattes. Pendant que sa maman le balançait, au parc, il babillait gaiement. « L’autre jour, je le regardais, plongé dans le bol de cerises, chez sa grand-maman qui ne l’a pas vu grandir, raconte Cynthia, très reconnaissante envers le personnel médical. Et c’est comme s’il avait toujours été là, qu’il n’avait rien manqué. Tout le monde va se souvenir de ce qui s’est passé, sauf lui. Dieu merci. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.