« Plusieurs mois » avant un retour à la normale

François Legault a beau affirmer qu’il est « trop tôt pour parler de Noël », les experts sont peu confiants d'assister à un « retour à la normale » au cours des prochains mois. Des mesures sanitaires risquent de restreindre les Québécois jusqu'à l'administration massive de vaccins, a souligné mardi la directrice régionale de santé publique de Montréal. Si certaines activités extérieures pourraient être interdites cet hiver, la métropole réfléchit à des stratégies pour que les citoyens puissent jouir d'une certaine vie sociale, culturelle et sportive.

« On va devoir réinventer Noël »

Les Québécois devront prendre leur mal en patience, préviennent François Legault et plusieurs experts : le retour à une normale d’avant la pandémie n’est pas pour demain.

Le premier ministre a déclaré qu’on « va avoir plusieurs mois devant nous à devoir suivre un certain nombre de consignes. Surtout pour les grands rassemblements intérieurs. […] Il va falloir être patient et prendre de nouvelles habitudes ».

Le directeur national de santé publique, le DHoracio Arruda, n’a d’ailleurs pas voulu s’avancer sur les mesures qui resteront en place après le 28 octobre, date jusqu’à laquelle les mesures de confinement actuelles s’imposent. Mais pour lui, il est évident qu’on « ne pourra pas retourner à la liberté de cet été […] tant qu’on n’aura pas stabilisé la situation de façon intensive ».

Une phrase qui faisait écho aux propos de la directrice régionale de santé publique de Montréal, la Dre Mylène Drouin, qui a évoqué mardi qu’en attendant un vaccin contre la COVID-19, il faudra vivre avec des mesures sanitaires contraignantes, même s’il sera important de trouver un équilibre pour ne pas couper totalement les citoyens d’une certaine vie sociale.

En collaboration avec la Ville de Montréal, la Santé publique de Montréal réfléchit à des stratégies pour que les citoyens continuent le plus possible de sortir de chez eux pour profiter de l’air frais, autant « au niveau culturel que sportif ». « Et ce, même quand on va rouvrir le contexte social. Parce que c’est beaucoup mieux de faire une activité sociale extérieure que d’être dans un bar ou une salle fermée », a renchéri la Dre Drouin.

Les patinoires en danger ?

Elle a évoqué la possibilité que certains sports extérieurs ne soient pas permis cet hiver. « Probablement qu’il va y avoir des restrictions pour tout ce qui est sports de contact », a-t-elle avancé lors d’une causerie virtuelle organisée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, en citant l’exemple du hockey. « Il y a des types d’activités extérieures qui seront moins à risque que d’autres, comme faire du ski de fond seul ou avec son conjoint. »

« Si on met des mesures en place autour des chalets, le risque peut être moindre, en comparaison avec l’ouverture d’une patinoire avec plein de gens du quartier qui se mettent à jouer au hockey. »

— La Dre Mylène Drouin, directrice régionale de santé publique de Montréal

À la lumière de ses propos, le président de la Chambre de commerce et animateur de la causerie, Michel Leblanc, a laissé entendre que les gens seront nombreux à se procurer des raquettes ou des skis de fond dans les prochaines semaines. « Comme les vélos l’été dernier ! », s’est exclamée la Dre Drouin.

La directrice a aussi indiqué qu’elle souhaitait que les restaurants rouvrent éventuellement, mais en ajoutant que « les balises pourraient être différentes ». « Si, dans le restaurant, il y a une télévision avec le hockey qui joue très fort et que les gens crient et chantent, c’est non. Probablement qu’il va falloir encadrer les pratiques avec des mesures qui vont faire en sorte qu’on va limiter au maximum le risque d’éclosion et de transmission », a-t-elle ajouté.

Éviter le va-et-vient

En conférence de presse mardi, le premier ministre François Legault a indiqué que les études qui se multiplient sur la COVID-19 montrent que ce sont surtout les rassemblements intérieurs de plusieurs personnes qui sont problématiques. Surtout s’ils durent plus de 15 minutes.

« On n’est pas près d’arrêter d’interdire les grands rassemblements à l’intérieur », a averti M. Legault.

Le premier ministre estime que « l’idéal, c’est de ne pas jouer au yoyo » entre des mesures sanitaires sévères et plus souples. Mais que peu de pays sont parvenus à éviter ce va-et-vient jusqu’à maintenant. « On a devant nous une situation exceptionnelle. Il y a un ajustement. »

« On essaie d’ouvrir le robinet pour avoir une vie plus normale et à un moment donné, quand on trouve qu’on l’a plus ouvert, bien on le ferme un peu. C’est comme ça à peu près partout dans le monde. »

— François Legault

M. Legault n’a toutefois pas voulu s’avancer au sujet du temps des Fêtes, sous prétexte qu’il est « trop tôt pour parler de Noël ».

Même si tous les Québécois envoyaient une lettre au père Noël pour demander un retour à la normale sans mesures sanitaires, la Dre Nimâ Machouf ne croit pas que le souhait serait exaucé. « On va devoir réinventer Noël, a lancé l’épidémiologiste rattachée à l’Université de Montréal. La COVID ne va malheureusement pas disparaître de sitôt. »

Elle est persuadée qu’il ne faut pas espérer un retour à la normale avant de « nombreux mois ».

Objectif « Noël 2021 »

Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, est « absolument d’accord ». Elle croit que les Québécois vont peut-être « s’en sortir un peu l’été prochain » puisqu’ils recommenceront à pouvoir socialiser à l’extérieur, mais elle a l’impression qu’il n’y aura pas un retour à la normale avant « Noël 2021 ». « Je comprends que c’est pénible, mais je pense qu’il faut s’y faire. »

Même si un vaccin voyait le jour, Mme Borgès Da Silva évoque qu’il faut être conscient que les mesures restrictives ne vont pas disparaître du jour au lendemain. Notamment à cause du nombre de doses qui seront disponibles, « ça pourrait prendre six mois de plus après la découverte ».

COVID-19

Moins de cas, mais plus de régions en rouge

Malgré une tendance à la baisse observée depuis quelques jours dans la propagation de la COVID-19 au Québec, le gouvernement Legault fait passer plusieurs régions en alerte rouge, soit toute la Montérégie, le Centre-du-Québec et Charlevoix. Confrontée à une hausse de cas, la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean passe quant à elle à l’orange.

Mardi, Québec rapportait 815 nouveaux cas confirmés de COVID-19, 5 nouveaux décès et 11 nouvelles hospitalisations.

« Il est tôt pour se réjouir, mais il y a tout lieu de croire que les efforts qu’on fait sont en train de porter des résultats », a affirmé le premier ministre François Legault en conférence de presse mardi.

Ce dernier indique que « par contre […], le virus se propage dans des régions autres que Montréal et Québec. C’est pour ça que la Santé publique ajoute des zones rouges ».

Certaines portions de la Montérégie et de la Capitale-Nationale, notamment, étaient déjà passées au rouge la semaine dernière. Mais aujourd’hui, tout leur territoire est touché. Par exemple, à Québec, la région de Charlevoix est maintenant incluse dans la zone rouge. En Montérégie, tout le secteur situé au-delà de l’autoroute 30, dont la municipalité de Saint-Jean-sur-Richelieu, y est maintenant ajouté. L’application des mesures de la zone rouge y débutera ce vendredi.

Opérations reportées

La situation continue d’être compliquée à Québec, où l’on rapportait mardi 125 nouveaux cas de COVID-19. Le CHU de Québec a annoncé mardi qu’il devait délester des opérations. Les cinq hôpitaux du CHU de Québec fonctionneront à partir de maintenant à 70 % de leurs capacités. Ce sont 6000 rendez-vous et 300 interventions chirurgicales par semaine qui devront être annulés. Les cas urgents continueront d’être pris en charge rapidement, assure l’établissement. Les patients en oncologie et en pédiatrie seront traités en priorité.

Au CHU de Québec, 61 patients sont actuellement hospitalisés. Au plus fort de la première vague, seulement une vingtaine de patients y étaient hospitalisés. Dans un communiqué, l’établissement dit avoir une « faible marge de manœuvre […] en matière de main-d’œuvre ».

« La décision de délester des opérations, bien que difficile, est nécessaire afin de se donner rapidement la capacité de faire face aux besoins, qui augmentent de façon soutenue. »

— Extrait d’un communiqué du CHU de Québec

« Il faut continuer pas mal partout au Québec de faire des efforts. Il n’y a pas de recette magique. Il faut réduire les contacts », a dit M. Legault.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a pour sa part assuré que sa promesse d’intégrer 10 000 nouveaux préposés aux bénéficiaires dans le réseau de la santé sera réalisée. Actuellement, le Québec en compte « juste un petit peu en bas de 7000 ». Un véritable succès, selon M. Dubé. Environ 1500 élèves de la deuxième cohorte, sur les 3000 attendus, sont actuellement en formation, et d’autres suivront. « Notre engagement de 10 000, on va le respecter, ça, c’est certain », a dit le ministre.

Ce dernier travaille toujours à la préparation d’un arrêté ministériel qui encadrera la mobilité de main-d’œuvre dans le réseau de la santé, dont les CHSLD. Il a reconnu que la mobilité de la main-d’œuvre était « un mode de gestion » au Québec ces dernières années. Son arrêté ministériel à ce sujet, fort attendu, est en préparation. « Moi aussi, je l’attends », a dit le ministre, reconnaissant que la préparation de l’arrêté est « plus longue que prévu ». « Mais je vais continuer de demander que l’arrêté ministériel soit blindé », a-t-il ajouté.

Pas besoin d’annuler l’Halloween, selon la Dre Tam

Les enfants pourront passer l’Halloween cette année malgré la pandémie, a estimé l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, la Dre Theresa Tam, lors d’un point de presse mardi.

Les trois mesures éprouvées de santé publique, la distanciation physique, le port du masque et le lavage régulier des mains, devront être respectées lors de la traditionnelle tournée des bonbons.

« Les bonbons peuvent aussi être préemballés pour éviter que les enfants se précipitent vers le bol ou encore distribués au bout d’un bâton de hockey, a ajouté la Dre Theresa Tam. Il existe des moyens originaux de gérer cette situation. »

La Dre Tam a rappelé l’importance de « retrouver un certain degré de normalité, même si [l’Halloween] sera différente de toute autre année ». Le sous-administrateur en chef de la santé publique du Canada, le DHoward Njoo, a abondé dans le même sens : « C’est important pour notre société de conserver certains évènements. L’Halloween, c’est très important pour les enfants. »

La Santé publique a toutefois recommandé aux citoyens de suivre les directives des autorités locales, puisque les activités permises ne sont pas les mêmes partout au pays.

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