Rimouski va interdire de laver son entrée à l’eau potable

Québec — Le conseil municipal de Rimouski s’apprête à interdire en tout temps le nettoyage des entrées de maison avec de l’eau potable. Cette mesure qui va plus loin qu’à Montréal ou Québec vise à économiser cette précieuse ressource dans une région éprouvée par les sécheresses estivales, mais elle suscite l’opposition de certains Rimouskois.

La nouvelle a été ébruitée récemment par le Journal Le Soir : Rimouski s’apprête à serrer la vis aux « arroseurs d’asphalte ». Comme plusieurs municipalités, dont Montréal et Québec, la Ville ne permettait de nettoyer son entrée avec de l’eau du robinet que lors d’une période bien définie au printemps, soit du 20 avril au 20 mai.

Mais un projet de règlement qui doit être soumis au vote lors de la séance du conseil du 27 février vise à l’interdire en tout temps. Il existera bien sûr quelques exceptions, comme lors de travaux d’aménagement. Mais en somme, il sera interdit de laver son entrée à l’eau potable et les amendes aux contrevenants seront majorées (de 150 $ à 175 $).

La nouvelle a suscité des réactions par centaines sur les réseaux sociaux du Journal Le Soir.

« Pour être honnête, quand j’ai déposé l’avis de règlement, on ne s’attendait tellement pas à des réactions comme ça. Moi, je réponds à des questions là-dessus depuis vendredi [il y a dix jours]… Je ne pensais pas avoir de l’opposition sur une question comme ça en 2023. »

– Jocelyn Pelletier, conseiller municipal et parrain du projet de règlement

La fronde est menée par le citoyen Jean-Claude Roy, qui estime que la municipalité va trop loin en réglementant le ménage du printemps des citoyens.

« C’est comme s’ils nous demandaient de faire le ménage dans la maison à leur manière ou de prendre des bains à moitié plein. Ça relève de la sphère privée du monde », s’insurge M. Roy, qui dit être d'accord avec le règlement en vigueur présentement.

L’homme a lancé une pétition en ligne qui comptait une cinquantaine de signatures samedi soir. « La ville de Rimouski, laquelle je baptise depuis peu RIMOSKOV, s’en vient avec trop d’interdictions et de restrictions », s’insurge un signataire nommé Sylvain, avant de signer d’un bien senti « priviet » (salut en russe).

Un autre signataire remarque que « le lavage une fois entre avril et mai n’est pas abusif et se produit à une période où la réserve d’eau est abondante ». Il invite les autorités à plutôt « surveiller les délinquants qui arrosent leur haie de cèdres la nuit avec [un] boyau perforé ».

Jean-Claude Roy trouve le projet de règlement mal ficelé. Il estime qu’utiliser l’eau du robinet au printemps pour entretenir son entrée est un geste « responsable », de bon voisinage et de savoir-vivre.

« Je suis allé voir les entrées des échevins sur Google Maps… C’est triste, Monsieur, c’est triste. Quand bien même ils arroseraient que ça ne changerait rien. C’est négligé », lâche celui qui se targue de bien entretenir son pavé uni. « J’ai envie de l’entretenir. Il ne pousse pas de pissenlit dans mon driveway ! »

Une région aux prises avec les sécheresses

Le tour très personnel pris par l’affaire a surpris le conseiller Jocelyn Pelletier. Celui-ci indique que les citoyens qui veulent laver leur entrée pourront continuer de le faire à l’eau de pluie, les jours de précipitations ou avec l’eau d’un baril récupérateur.

« J’ai été élu en 2017 et depuis, je croise beaucoup de personnes délinquantes qu’on voit chaque jour ou presque arroser leur asphalte, déplore l’élu. Moi, en 2023, de prendre de l’eau potable pour laver son entrée, je trouve ça ordinaire. »

Le conseiller municipal rappelle que le Bas-Saint-Laurent a été aux prises avec des périodes de sécheresse importantes dans les dernières années. Rimouski a d’ailleurs dû signifier des avis d’interdiction d’arrosage.

La municipalité note sur son site internet avoir constaté qu’en été lors des pointes d’arrosage « notre consommation collective était comparable à celle d’une ville de 120 000 habitants, alors que nous sommes 50 000 à Rimouski ».

Les chercheurs du groupe Ouranos prévoient quant à eux une baisse du niveau du fleuve Saint-Laurent et du débit des rivières dans la région. « Ces fluctuations d’eaux de surface pourraient avoir un impact sur l’approvisionnement en eau potable dans la région », peut-on lire dans leur plus récent rapport sur l’adaptation aux changements climatiques dans le Bas-Saint-Laurent.

Mais puisque le manque d’eau est surtout criant en plein été et que l’arrosage des surfaces pavées est déjà interdit à ce moment, pourquoi l’étendre au printemps aussi ?

« Il faut changer les habitudes. Et pour certaines personnes, le printemps dure plus longtemps que pour d’autres », répond Jocelyn Pelletier, qui précise que les élus semblent assez unanimes sur le projet de règlement qui a été préparé par les fonctionnaires de la Ville.

L’élu estime que les réactions des citoyens ont été plus positives que négatives. « Quant à la pétition, ils pourraient la déposer et nous, on la prendrait en compte. Mais moi, il est hors de question que je recule sur cette question-là », tranche M. Pelletier.

Le règlement à Québec

« L’utilisation d’eau potable pour le nettoyage printanier d’une surface extérieure non végétalisée, telle qu’une aire de stationnement, est dorénavant permis uniquement entre le 1er mai et le 15 juin. »

Le règlement à Montréal

« Le lavage des surfaces pavées (ex : asphalte), des patios ou des murs extérieurs est interdit, sauf lors de travaux de construction, d’aménagement ou pour des raisons de salubrité. Il est toutefois permis en tout temps entre le 1er avril et le 15 mai. »

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