La disette qui cache les autres
« Regardez sa réaction : il-n’en-re-vient-pas ! » Au milieu des années 2000, à une lointaine époque où les vidéos YouTube se partageaient par courriel, un montage largement diffusé du Défi Mini-Putt nous permettait d’entendre le célèbre descripteur Serge Vleminckx découper ses syllabes pour qualifier le langage non verbal d’un athlète régional.
Ces mots doux auraient pu résonner dans le Centre Bell, deux fois plutôt qu’une, mardi. Après que Josh Anderson eut frappé la barre horizontale en deuxième période, puis après qu’il eut tiré directement dans la mitaine du gardien Jacob Markström avec quelques secondes à écouler au match.
Non, il n’en revenait pas, et nous non plus. Le pauvre attaquant a vu sa léthargie s’étirer à 16 matchs sans but. Il est évidemment le premier à s’en navrer, c’est bien normal. Et il commence à manquer d’idées pour y remédier, mais nous y reviendrons. Divulgâcheur : il pense à changer de bâton.
Aussi pénible cette séquence sans but d’Anderson soit-elle, ce n’est pas elle qui explique la défaite de 2-1 du Tricolore, mardi, contre les Flames de Calgary. Et ce n’est pas elle non plus qui justifie la fiche ronflante de 2-5-1 de l’équipe depuis huit matchs.
La disette du gros numéro 17 est bien sûr la plus spectaculaire du moment chez le Canadien. Mais elle en cache d’autres.
Après avoir inscrit le tout premier but de la saison de son équipe, à Toronto, Jake Evans tire à blanc depuis 15 rencontres. Alex Newhook et Rafaël Harvey-Pinard : 13 chacun. Tanner Pearson : 11 matchs.
Quand on s’intéresse seulement aux buts inscrits à cinq contre cinq, la liste s’allonge. Juraj Slafkovsky : 16 matchs. Cole Caufield : 14 matchs. Ça commence à faire beaucoup de monde dans un groupe de 13 attaquants.
À cinq contre cinq, encore, un seul attaquant a marqué au cours des quatre dernières sorties – Brendan Gallagher contre les Bruins de Boston, samedi dernier. C’est… peu.
Martin St-Louis, sans surprise, prend acte de la situation. Il voit bien que son attaque tousse, à égalité numérique, en tout cas, et que les clients malheureux sont nombreux.
« Il faut prendre le temps de toucher les gars de temps en temps, leur remonter le moral un peu, a-t-il dit en fin de soirée. On veut tous qu’ils sortent de ça. »
« Mais pas au prix d’oublier la game d’équipe et la game défensive », a-t-il prévenu.
Dépité
La pilule passe mieux pour l’entraîneur, comprend-on, vu le nombre potable de chances de marquer qu’obtient son équipe. Selon lui, le sacro-saint « processus » est plus facile à vendre dans les circonstances. Son groupe devra néanmoins améliorer sa « finition », notamment en décochant des tirs plus rapidement, a-t-il expliqué.
Ce qui nous ramène à Josh Anderson. Après 16 matchs, il est deuxième de son équipe au chapitre des buts attendus et des chances de marquer de qualité à cinq contre cinq, calcule le site spécialisé Natural Stat Trick, chaque fois derrière Brendan Gallagher. Des « bonnes choses », il en fait. Cela ne le transforme pas en un fin théoricien du hockey. Mais les chiffres disent qu’il devrait avoir marqué quelques fois.
La vraie vie, toutefois, c’est le visage long qu’il avait dans le vestiaire après la défaite contre les Flames.
« Je devrai changer quelque chose, a-t-il laissé tomber. Peut-être un nouveau bâton ? Je ne sais pas. On verra demain. »
Ses coéquipiers, en tout cas, continuent de croire en lui. Ils ont même été nombreux à aller le voir pour le consoler après ses chances ratées.
Nick Suzuki, à ce sujet : « Il doit continuer de faire ce qu’il fait. Il a tellement de bonnes chances… »
Samuel Montembeault : « Il ne doit pas se laisser déranger. On sait qu’il est capable de marquer des buts. Une fois qu’il va en inscrire un, ça va débloquer, j’en suis certain. »
Kaiden Guhle : « Il fait toutes les bonnes choses : il travaille bien, il termine ses mises en échec, il fait de bons jeux avec la rondelle… Je sais qu’il va en marquer un. »
Brendan Gallagher : « Il a marqué toute sa vie, et les chances sont là… S’il n’obtenait pas de chances, on serait inquiets. »
Va pour les encouragements. Il n’empêche qu’Anderson, sans se dégonfler, ne semble plus trop savoir à quel saint se vouer. Chaque jour, il regarde des vidéos de son jeu, « encore et encore ». « Je n’ai jamais eu ce problème-là de ma carrière. Je dois continuer à travailler », a-t-il soufflé, le regard éteint.
Ce n’est pas tout à fait vrai que ça ne lui est jamais arrivé. À l’automne 2019, alors qu’il portait l’uniforme des Blue Jackets de Columbus, il avait passé 21 matchs sans marquer. Cette séquence s’était terminée en même temps que sa saison, en décembre, après qu’il se fut gravement blessé à l’épaule pendant une bagarre planifiée contre Mark Borowiecki.
De ça aussi, il faudrait qu’il se souvienne. D’autant qu’il a avoué que la situation actuelle devenait « frustrante » pour lui.
La frustration est certes inévitable pour un féroce compétiteur comme lui. Encore faut-il ne pas y céder.
Prochain match : Golden Knights de Vegas c. Canadien, jeudi à 19 h au Centre Bell