Le Canada à la chasse aux exoplanètes

Le 18 décembre prochain, le Canada s’envolera dans l’espace avec le télescope spatial James Webb, le successeur de Hubble. Parmi les instruments du Webb : un spectromètre conçu à Montréal, qui permettra d’analyser l’atmosphère des exoplanètes afin de déterminer si elles abritent de la vie extraterrestre.

Spectromètre

Cet instrument, un « imageur proche infrarouge et spectromètre sans fente » (ou NIRISS, selon l’acronyme anglais), a été mis au point par René Doyon, directeur de l’Institut de recherche sur les exoplanètes de l’Université de Montréal.

« Le Canada a joint le projet en 2000 et à l’époque, nous devions faire un pointeur et des sous-systèmes infrarouges pour un instrument optique de l’Université de l’Arizona, dit M. Doyon. Quand la NASA a révisé le programme parce qu’il était trop cher, l’instrument conjoint a été jugé trop compliqué. J’ai dit que nous étions capables de faire un instrument infrarouge séparé. »

Le NIRISS fera notamment de la « spectroscopie sans fente », ce qui est moins précis sur le plan de la résolution, mais permet d’analyser beaucoup plus d’objets à la fois. « Dans la zone d’observation, il y aura des milliers d’objets. Avec NIRISS, on pourra regarder toutes ces cibles pour trouver les plus intéressantes. Elles seront ensuite observées par le spectromètre à fente de Webb. »

Méthane, eau et CO2

Un autre avantage de la spectroscopie sans fente est qu’elle permet d’observer des objets très brillants. « Ça nous permettra d’observer l’atmosphère des exoplanètes qui sont proches de leur étoile, dit M. Doyon. On pourra détecter s’il y a de l’eau, du CO2 et du méthane, les briques principales pour la vie. » Et l’oxygène ? « Non, ça, c’est plus compliqué », répond M. Doyon. La détection d’eau, de CO2 ou de méthane ne signifiera pas automatiquement qu’on a trouvé des extraterrestres, parce que ces gaz peuvent se former de manière géologique.

Hubble pouvait analyser sommairement l’atmosphère des exoplanètes, mais ses instruments n’avaient pas été optimisés pour cette tâche, puisque les premières exoplanètes ont été découvertes dans les années 1990. Or, le télescope spatial a précisément été lancé en 1990.

Pointeur

Le Canada est aussi responsable du « capteur de guidage fin » (FGS) qui aidera à pointer le télescope James Webb, quand il va faire ses observations.

« Ce capteur donne une précision d’un millionième de degré », explique Erick Dupuis, directeur du développement et de l’exploration spatiale à l’Agence spatiale canadienne. « C’est l’équivalent d’un cheveu de bébé à 1 km de distance. »

Tests et déploiement

Des tests exhaustifs ont été faits sur les deux instruments canadiens avant la livraison à la NASA, en 2012, et depuis, par la NASA.

« On veut être sûrs qu’ils ne seront pas endommagés par les vibrations au lancement ni par le froid extrême qui régnera sur le télescope. Nous avons notamment enlevé certains éléments trop fragiles qui n’auraient pas survécu aux vibrations du lancement. »

— René Doyon, directeur de l’Institut de recherche sur les exoplanètes de l’Université de Montréal

Le Webb sera situé à 1,5 million de kilomètres de la Terre, quatre fois plus loin que la Lune. Il se protégera de la lumière (et donc de la chaleur du Soleil) par un écran de la taille d’un court de tennis, afin d’observer des étoiles très lointaines et très peu lumineuses.

L’endroit où le télescope sera localisé est appelé « point de Lagrange L2 ». Il se caractérise par une force égale des gravités terrestre et solaire, ce qui signifie qu’il y aura très peu d’ajustements à faire sur le positionnement du télescope.

Les deux instruments canadiens ont été construits par Com Dev, acquise en 2015 par Honeywell, dans son usine de Kanata, en Ontario.

Le Webb en chiffres

9,6 milliards US : Coût prévu du télescope spatial James Webb, coûts de fonctionnement compris

178 millions CAN : Coût prévu de la contribution canadienne au télescope spatial James Webb en 24 ans, coûts de fonctionnement compris

5 % : Proportion du temps d’observation des institutions canadiennes du télescope spatial James Webb en 24 ans

11,3 milliards US : Coût du télescope spatial Hubble, coûts de fonctionnement compris, lors de la dernière évaluation en 2015

Sources : NASA, Agence spatiale canadienne

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