La persévérance pour tous ? Pas tout à fait…

Cette semaine se déroule au Québec la 19édition des Journées de la persévérance scolaire. Une occasion collective de souligner les efforts de tous les élèves qui s’accrochent à l’école et qui réussissent à surmonter les enjeux personnels, les difficultés d’apprentissage et tous les aléas de la vie qui minent leur réussite éducative. Une occasion qui permet également de mettre en valeur l’important travail des intervenants dans les milieux d’enseignement, mais aussi l’apport inestimable des ressources périscolaires comme les organismes de lutte contre le décrochage et les milieux alternatifs de scolarisation, dont nous faisons partie.

Malheureusement, pour des milliers de jeunes adultes québécois qui ont cheminé jusqu’à l’âge de 18 ans sous le régime de protection de la DPJ, la persévérance scolaire n’est toujours pas acquise. Les chercheurs du groupe EJDeP nous ont informés dans un rapport publié en février 2020 qu’à l’âge de 19 ans, seulement 24,8 % des jeunes sortant de placement avaient obtenu leur diplôme d’études secondaires (DES), comparativement à 77,4 % pour l’ensemble des jeunes hors DPJ. Il est assez facile d’expliquer comment la capacité d’engagement scolaire de ces jeunes est affectée par les traumatismes auxquels ils font face durant leurs séjours sous les soins de la DPJ.

Il est en revanche stupéfiant de constater à quel niveau la volonté collective et les dispositions législatives – qui jusque-là avaient permis de les protéger et de soutenir leur développement – sont totalement abandonnées au moment où ces jeunes vulnérables atteignent la majorité.

Comme l’ont rapporté de nombreux experts, des organismes et des jeunes appelés à témoigner lors des audiences de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, la réponse aux besoins complexes de ces jeunes adultes en fin de parcours avec la DPJ est incontestablement inadéquate.

Le rapport de la Commission indique clairement au chapitre 8 qu’il est nécessaire de maintenir le soutien et l’accompagnement offert à ces jeunes lors de leur transition vers l’autonomie. À cet effet, la présidente de la Commission spéciale, Mme Régine Laurent, a d’ailleurs indiqué aux parlementaires lors des consultations particulières du projet de loi 15 du 8 février dernier qu’il fallait aller plus loin et s’assurer que le soutien à la transition vers la vie adulte soit inscrit et prévu dans le cadre législatif. Elle indique qu’il faut prévoir des revenus d’aide particuliers, qu’il faut cesser de travailler en silo et qu’il faut élargir la portée des interventions en mobilisant l’expertise développée par les organismes qui s’intéressent spécifiquement à la scolarisation et à la transition à la vie adulte des jeunes en grande difficulté.

À l’heure actuelle, les jeunes issus des centres jeunesse n’ont certainement pas accès à l’accompagnement scolaire et psychosocial nécessaire pour les difficultés qu’ils doivent porter seuls sur leurs épaules. Pour eux, les enjeux de logement, les difficultés d’accès à des soins en santé mentale et l’absence de milieux de formation capables de composer avec leurs difficultés et leurs troubles d’apprentissage tuent leurs rêves.

Si le Québec persiste à ignorer l’inefficacité des structures en place au regard des besoins criants de ces jeunes, il continuera à se priver d’un potentiel humain inestimable et à supporter les coûts démesurés abondamment démontrés par la recherche.

En cette semaine de la persévérance scolaire, notre souhait est que les acteurs gouvernementaux choisissent ces jeunes très vulnérables, qu’ils les reconnaissent dans les lois et qu’ils se donnent les moyens d’investir dans les innovations sociales, des écoles adaptées et des services de continuité, qui permettront une fois pour toutes de mettre un terme à la situation d’exclusion scolaire vécue par les jeunes adultes en fin de parcours à la DPJ.

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