Controverse sur des dépenses douteuses

L’OCPM sous tutelle, la présidente bientôt destituée

Ce qu’il faut savoir

Valérie Plante demandera au conseil municipal de destituer la présidente de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), de mettre l’organisme sous tutelle et de geler son financement.

Les deux dernières présidentes de l’organisme, Isabelle Beaulieu et Dominique Ollivier, sont accusées de dépenses inconsidérées, notamment pour des voyages et des repas au restaurant, et d’avoir fait preuve de laxisme.

L’opposition crie à la fraude et demande l’exclusion de Mme Ollivier du caucus de Projet Montréal.

La mairesse Valérie Plante demandera lundi au conseil municipal de mettre sous tutelle l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) et de destituer sa présidente actuelle, Isabelle Beaulieu.

Le financement de l’organisme sera également gelé jusqu’à nouvel ordre, en raison de la crise de confiance actuelle envers ses dirigeants.

« Le problème de gestion à l’OCPM doit être résolu immédiatement », a dit Mme Plante, vendredi après-midi à l’hôtel de ville, à la suite de la comparution d’Isabelle Beaulieu devant les élus de la Commission sur les finances et l’administration.

« Le lien de confiance est rompu, a souligné la mairesse. On va faire un ménage en profondeur. »

La vérificatrice générale de la Ville se penchera sur l’administration de l’OCPM afin de faire la lumière sur les allégations de mauvaise utilisation des fonds publics, a rappelé Mme Plante.

Si cette enquête de la vérificatrice conclut qu’Isabelle Beaulieu a commis une « faute grave », elle pourrait ne pas avoir droit à son indemnité de départ, équivalant à un an de son salaire de 160 000 $, a expliqué Robert Beaudry, conseiller municipal responsable de l’OCPM.

L’exclusion de Dominique Ollivier demandée

La prédécesseure de Mme Beaulieu, Dominique Ollivier, s’est aussi défendue devant la Commission vendredi, après avoir été accusée d’avoir mal géré l’organisme, dont elle a été présidente entre 2014 et 2021. Mme Ollivier a démissionné lundi de son poste de présidente du comité exécutif de Montréal à la suite de la controverse.

Selon le chef de l’opposition à l’hôtel de ville, Aref Salem, la mairesse Valérie Plante devrait exclure son ex-numéro deux du caucus de son parti, Projet Montréal. « Si l’administration Plante veut conserver la crédibilité qu’il lui reste, c’est la chose à faire », a-t-il dit en point de presse.

« Vol de temps, gestion arbitraire, laxisme : les révélations entourant Dominique Ollivier, qui n’a rien fait pour corriger sa mauvaise gestion malgré les avertissements de la vérificatrice générale en 2017, sont scandaleuses. »

— Aref Salem, chef de l’opposition à l’hôtel de ville de Montréal

Au cours de la journée, en s’adressant aux élus de la Commission, Mmes Beaulieu et Ollivier se sont mutuellement jeté la pierre au sujet des dépenses inconsidérées de l’OCPM.

Vol de temps et écouteurs à 900 $

En matinée, Mme Beaulieu, en poste depuis février 2022, a dit avoir hérité d’une organisation mal gérée, sans cadre clair, sans code d’éthique, où les employés s’adonnaient à du « vol de temps » sous la gouverne de Mme Ollivier.

Celle-ci a répliqué en après-midi en affirmant que « 77 sorties Chez Alexandre en un an, des écouteurs à 900 $, des billets de hockey à 500 $, ça ne s’est jamais passé sous ma présidence et c’est le fait de l’administration qui m’a succédé. J’ai toujours eu trop de respect pour les fonds publics pour autoriser ce genre de dépenses ».

Isabelle Beaulieu a d’abord expliqué avoir mis en place de nombreuses mesures pour mettre fin aux pratiques discutables qui avaient cours durant le mandat de Dominique Ollivier. « Il y avait beaucoup de lacunes, il en reste encore », a-t-elle souligné dans sa présentation.

Elle dit avoir notamment réduit le nombre de voyages lors de son arrivée en poste, en plus de mieux contrôler les heures de travail des employés pour améliorer la productivité. Depuis la controverse qui secoue l’organisme, il n’y a plus de voyages ni de repas au restaurant pour les dirigeants, a-t-elle assuré.

Mais Mme Beaulieu a aussi admis avoir fait des dépenses exagérées. « J’ai commis des erreurs, je le reconnais, je les assume », a-t-elle dit.

Climat hostile

En raison de plaintes au sujet du climat de travail, la présidente actuelle a mandaté en janvier dernier une firme indépendante pour faire enquête. Elle dit avoir fait face à des employés hostiles, sympathisants de Projet Montréal (le parti de la mairesse Valérie Plante), ayant des liens étroits avec Dominique Ollivier.

Isabelle Beaulieu explique avoir demandé au personnel, à son arrivée, s’il y avait des règles ou politiques écrites au sujet de la gestion de l’Office ou d’un code d’éthique, mais n’avoir rien obtenu.

Des affirmations contredites par Mme Ollivier, qui a affirmé qu’il y avait bel et bien des règles en place et qu’elles étaient respectées.

En 2014, à son arrivée à la présidence de l’organisme, le conseil avait prévu que la présidence avait droit à 4000 $ de frais de représentation, a rappelé Mme Ollivier.

Elle a justifié les nombreux voyages des dirigeants et échanges internationaux par les pratiques qui avaient cours avant son arrivée et par la volonté des administrations municipales successives de tisser des liens pour améliorer les consultations publiques, en plus du fait qu’ils servaient de vitrines à Montréal.

« Je trouve difficile qu’on m’accuse d’avoir abusé des fonds publics », a-t-elle déploré, ajoutant qu’elle avait mené plusieurs rencontres avec des organismes à l’étranger pendant ses vacances personnelles, en ne facturant que des frais minimes à l’OCPM.

« Je comprends les citoyens d’être choqués parce que les faits sont complètement décontextualisés. »

Elle a cependant affirmé qu’elle n’avait jamais eu connaissance de vol de temps pendant qu’elle était à la tête de l’OCPM.

L’opposition crie à la fraude

Après la comparution d’Isabelle Beaulieu, le porte-parole de l’opposition officielle en matière de finances, Alan DeSousa, s’est dit « révolté » par les révélations de la matinée, notamment la pratique du vol de temps, qu’il a qualifiée de « fraude ». « Les citoyens ont été volés. Ils ont été trahis », s’est-il insurgé, en imputant la responsabilité de ces abus à l’ex-numéro deux de l’administration Plante.

Dominique Ollivier et Isabelle Beaulieu ont facturé et approuvé pendant des années des dizaines de milliers de dollars en frais de repas et de voyages, selon les médias de Québecor, des dépenses difficiles à justifier.

Mme Ollivier a notamment dépensé près de 18 000 $ au restaurant en quatre ans, dont un repas d’huîtres à Paris de 347 $ avec un collaborateur et ex-partenaire d’affaires. Une mission en Afrique a aussi coûté 23 000 $ aux contribuables. Isabelle Beaulieu a pour sa part acheté des écouteurs à 900 $ avec des fonds publics.

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