Mon clin d’œil

Si la relâche pouvait être mondiale…

Aménagement du territoire

Notre modèle de développement doit changer

L’aménagement du territoire est lié directement à tant d’aspects de nos vies. Parfois sans même s’en rendre compte, d’innombrables acteurs font de l’aménagement, des ministères aux chambres de commerce. En construisant des réseaux de transport, des écoles, des salles de spectacle, des SAQ. En ouvrant des commerces, des bureaux, des usines, etc.

L’aménagement durable du territoire est la clé de voûte pour atteindre nos objectifs collectifs, que ce soit en matière de santé, de culture, d’environnement ou d’économie. Le Québec de demain, qu’on souhaite plus prospère, plus vert, plus solidaire, va arriver dès aujourd’hui si on prend rapidement les bonnes décisions.

Voilà pourquoi 500 personnes, de toutes les régions du Québec et de multiples secteurs d’activités, se sont virtuellement réunies, il y a quelques semaines, pour exiger une Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire ambitieuse et visionnaire, lors du sommet « Le courage d’agir », organisé par les membres du G15+ et de l’alliance ARIANE.

Cela prend du courage pour remettre en question nos habitudes, pour chambouler le statu quo, pour donner vie à des initiatives qui bousculent parfois, mais qui, au bout du compte, vont faire la différence.

Nous nous entendons là-dessus : le fruit est mûr et il faut agir. Les solutions sont à notre portée.

Une des clés d’un aménagement plus durable est le renforcement de nos centres-villes et de nos noyaux villageois. Ils ne font pas seulement partie de l’histoire du Québec, mais aussi de son futur. La pandémie a mis en évidence l’importance de préserver, au cœur de nos milieux de vie, une forte concentration de nos commerçants locaux, de nos restaurateurs, de nos institutions culturelles, le tout dans un effort commun de développer une économie plurielle.

Le succès des campagnes d’achat local a montré que l’intérêt est là : les gens ont à cœur d’encourager les producteurs agricoles et artisans d’ici. Mais encore faut-il créer les bonnes conditions pour les valoriser. En particulier en assurant un bassin de clients potentiels suffisamment important – pourquoi pas, quand c’est possible, à pied ou en transport collectif !

Ce qui nous amène à la question de l’habitation. Il faut prendre en compte l’évolution de nos besoins collectifs et individuels, et notamment l’impact du vieillissement de la population sur les besoins en logement. Il nous faut aussi davantage de moyens en habitation sociale et communautaire.

Plusieurs grandes et petites municipalités sont dans l’incapacité d’accueillir les travailleurs et les familles qui voudraient s’y établir. Frein majeur à la mobilité de la main-d’œuvre, l’enjeu de l’abordabilité et de la qualité du logement est non seulement un défi sociétal fondamental, mais également un obstacle à la vitalité de plusieurs régions. Il en va de même de l’accès, nécessaire et trop souvent manquant, à des services de proximité.

Les experts internationaux sur le climat sont par ailleurs on ne peut plus clairs : nos villes et villages ont beaucoup à faire pour relever ce qui est le plus grand défi de notre époque. Il faudra donc répondre simultanément au manque de logements et à la crise climatique en changeant notre modèle de développement urbain.

Nous avons besoin d’une politique nationale qui vienne établir des règles communes. Est-ce que cela veut dire que tout doit se faire partout de la même manière ? Non. C’est même plutôt le contraire. C’est précisément pour garantir le maintien de l’identité de nos villes et de nos villages, les spécificités de nos paysages et de nos régions, qu’il faut se donner une vision en aménagement.

Si nous ne voulons pas laisser aux générations qui nous suivent une énorme facture, il faut changer notre mode de développement. Penser davantage consolidation. Penser mobilité durable et électrique. Penser verdissement. Penser sobriété. Penser qualité. Penser inclusion.

Réhabiliter et mettre en valeur notre patrimoine bâti, le remarquable comme le modeste. Renforcer les liens et reconnaître nos interdépendances, et notamment la nécessité de protéger notre territoire agricole, garde-manger collectif, et nos milieux naturels, qui sont essentiels à la biodiversité et nous rendent tant de services écosystémiques.

Un exemple concret, pour réaliser ce virage : localiser de manière exemplaire et écoresponsable tous les nouveaux bâtiments publics.

Pour y arriver, il faut mobiliser toutes les parties prenantes autour des enjeux d’aménagement. Engager et entretenir un dialogue avec les Premières Nations et les Inuits. Il faut écouter nos scientifiques, nos spécialistes, nos citoyens et mettre à contribution nos entrepreneurs, individuels et collectifs.

Les habitudes étant tenaces, c’est parfois complexe de garder le cap du développement durable. Pour nous sortir de nos ornières, il va falloir du courage et du leadership au plus haut niveau de l’État.

Il y a un peu plus de 40 ans, un gouvernement a mis en place un cadre d’aménagement et de protection du territoire agricole que personne n’a oublié, parce que c’était un geste historique. Avec la Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire, l’actuel gouvernement peut à nouveau marquer l’histoire de l’aménagement, de l’architecture et de l’urbanisme. C’est l’appel que nous lançons.

*Cosignataires : Sabaa Khan, directrice générale, Québec et l’Atlantique, de la Fondation David Suzuki ; Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales chez Équiterre ; Alain Marcoux, président de l’Association des groupes de ressources techniques du Québec (AGRTQ) ; Sylvain Gariépy, président de l’Ordre des urbanistes du Québec ; Catherine Fernet, présidente de l’Association des architectes paysagistes du Québec ; Alexandre Racicot, président de l’Association des aménagistes régionaux du Québec ; Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville ; Karl Blackburn, président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec ; Martin Vaillancourt, directeur général du Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec ; Renée Genest, directrice générale d’Action patrimoine ; Leïla Copti, présidente de COPTICOM, Stratégies & relations publiques ; Pierre Corriveau, président de l’Ordre des architectes du Québec ; Denis Leclerc, président et chef de la direction d’Écotech Québec ; Béatrice Alain, directrice générale de Chantier de l’économie sociale ; Martin Caron, président général de l’Union des producteurs agricoles ; Dinu Bumbaru, directeur des politiques de Héritage Montréal ; Geneviève Morin, présidente-directrice générale de Fondaction ; Sarah Houde, présidente-directrice générale de Propulsion Québec ; Denis Bolduc, secrétaire général de la FTQ ; Daniel Baril, président de la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d’œuvre

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