Le chiffre du jour

81

Bruce Springsteen continue de faire sensation à Manhattan avec son spectacle solo Springsteen on Broadway. Le rockeur vient d’annoncer l’ajout de 81 représentations de ce concert singulier qui a lieu au Walter Kerr Theatre de la 48e Rue. Les nouvelles dates – qui devraient être les dernières, selon ce que le chanteur laisse entendre – seront entre le 10 juillet et le 15 décembre 2018. En raison de la très forte demande, les billets sont d’abord offerts aux fans déjà enregistrés, mais qui n’ont pu en acheter jusqu’ici. Selon setlist.fm, le spectacle compte 15 pièces parmi lesquelles Growin’ Up, My Hometown, Born in the U.S.A., The Rising, Born to Run… La première officielle e a eu lieu le 12 octobre 2017.

— André Duchesne, La Presse

Critique

Naufragés des temps modernes

CRITIQUE
Le cri des méduses
Chorégraphe : Alan Lake
Jusqu’au 24 mars à la Cinquième Salle de la Place des Arts
Les 4 et 5 avril au Grand Théâtre de Québec
Trois étoiles et demi

De nombreux Montréalais ont pu découvrir Alan Lake, artiste pluridisciplinaire de Québec, avec sa dernière création, l’excellente Ravages, présentée en 2015 à l’invitation de Danse Danse. Le créateur a clairement marqué les esprits, puisque sa nouvelle œuvre, Le cri des méduses, présentée en première mondiale mardi soir, affiche presque complet depuis plusieurs jours.

Pour ce nouvel opus, Lake a puisé son inspiration dans une toile emblématique du courant romantique, Le radeau de la Méduse, par le peintre français Théodore Géricault. Ce dernier s’était lui-même inspiré du naufrage d’une frégate, La Méduse, en 1816 au large des côtes de la Mauritanie, où, sur près de 150 personnes entassées sur un radeau de fortune, 15 à peine avaient survécu. Une histoire tragique, aux accents cauchemardesques de mutinerie, de folie et de cannibalisme, qui avait fait scandale à l’époque en France.

Tout comme pour Ravages, dont les prémices créatrices partaient d’un film tourné à Portneuf, dans une nature déchaînée, Le cri des méduses est d’abord né d’un lieu désaffecté de Québec. De ce laboratoire, le chorégraphe, qui touche aussi aux arts visuels et au cinéma, a tiré un film de danse encore inachevé, mais dont une courte version, magnifique et inquiétante, est disponible sur le web.

Le cri des méduses transpose donc ce travail initial sur un grand plateau scénique pour neuf interprètes et un musicien, Antoine Berthiaume, qui joue en direct une musique enveloppante, parfois inquiétante, où se mêlent sons de guitare, grésillements, sonorités électroniques, voix et bruits de la nature.

Montée vers l’abîme

Certains créateurs aiment toucher à d’autres disciplines ou s’en inspirer. Lake, quant à lui, est vraiment un artiste pluridisciplinaire et sa démarche artistique est teintée de cette identité qui s’est construite à travers les arts visuels, l’installation, les arts cinématographiques et la danse. Témoignant de son parcours, ce qu’il crée sur scène dépasse les limites de la performance dansée.

Lake est particulièrement habile dans la création d’objets scéniques multiformes et multifonctions, qui se transmuent, se déplacent et se transforment grâce à la manipulation engagée des danseurs.

Ici, l’élément central est une structure de bois sur roulettes, où les interprètes grimpent, se pendent, échouent, et qu’ils déplacent et soulèvent.

À cela s’ajoutent deux longs panneaux transparents amovibles et, en arrière-scène, des bandes de tulle qui font parfois office de coulisses dans cet espace complètement ouvert. Des éléments qui, conjugués à l’éclairage, permettent de moduler et créer différents environnements sur scène, comme une caméra qui dirige le regard du spectateur. En ce sens, Le cri des méduses a assurément une qualité cinématographique.

Sans être trop littéral dans son propos, le créateur met en scène ces corps échoués, entièrement ou partiellement dénudés, alanguis dans leur agonie, mais également prompts à se débattre pour survivre. Du tableau, on retrouve l’omniprésente image de la pyramide humaine, déclinée de plusieurs façons ; le groupe, d’ailleurs, est ici à la fois soutien et bourreau pour chacun.

La gestuelle est habitée par cette lutte des contraires – d’un côté, la descente annoncée dans les abîmes, de l’autre, la volonté de s’élever vers la surface. Le corps est souvent en suspension – travail avec des ceintures et portés à plusieurs mains –, le haut du corps oscille entre l’ouverture et la contraction, la libération et l’emprisonnement. Une danse quelque peu désarticulée, parfois comprimée, parfois libérée.

Beauté funeste

La maîtrise de Lake pour les compositions picturales et la création de tableaux vivants (le tableau final est tout simplement époustouflant) est indéniable. Son travail avec la matière – terre, peintures de couleur, eau, matières visqueuses dégoulinant sur les corps – est surprenant et crée des effets puissants (on aurait aimé en voir plus).

Il y a une beauté funeste, une sensualité qui se marient au macabre dans Le cri des méduses. Ne serait-ce que pour cela, la pièce vaut vraiment le détour.

Cependant, Le cri des méduses, dont la durée est de plus d’une heure et demie, souffre de quelques longueurs et redites. Très introspective dans son rendu, elle se perd parfois dans les manipulations répétées des objets et des corps. L’œil flotte à la surface de ces tableaux d’une beauté tragique, mais peine à plonger en profondeur.

On aurait été curieux de voir l’incorporation à la pièce du court et percutant vidéo de danse réalisé en préambule de cette création, à l’image de ce que Lake avait fait dans Ravages. Cela dit, on salue l’audace du créateur et son travail poussé, réfléchi, qui n’a sûrement pas fini de nous chavirer.

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