Au revoir, le masque (ou presque)

L’obligation de porter le couvre-visage sera levée dans les lieux publics samedi. Il demeurera toutefois nécessaire de le porter dans le réseau de la santé et le transport collectif.

Port du masque dans le transport collectif

Une « nouvelle offensive » prévue par les transporteurs

Avec la fin du masque obligatoire prévue samedi dans la majorité des lieux publics, de nombreux usagers pourraient oublier ou négliger de porter le couvre-visage dans le transport public. La Société de transport de Montréal (STM) et exo comptent lancer une « nouvelle offensive » auprès des usagers et préviennent qu’elles resserreront la surveillance.

« Une nouvelle offensive est prévue à l’aube du 14 mai pour rappeler que le masque ou le couvre-visage est toujours obligatoire dans le transport collectif. L’approche préconisée par la STM demeure de miser sur l’information et la sensibilisation », confirme le porte-parole du transporteur montréalais, Philippe Déry.

De nombreux affichages et messages sonores préviennent déjà les usagers de la nécessité de porter le masque depuis des mois, à l’entrée des métros et des autobus.

La France a annoncé ce mercredi la levée de l’obligation de porter le masque même dans les transports en commun, et ce, dès lundi prochain. Québec préfère attendre une baisse de la transmission communautaire avant de franchir ce pas. Dans le métro et les bus du Québec, l’objectif est de retirer le port du masque obligatoire « au cours du printemps », avait dit au début de mai le directeur national de santé publique par intérim, le DLuc Boileau.

M. Déry précise aussi que les « inspecteurs et constables spéciaux patrouillent notamment [dans les] réseaux et peuvent intervenir s’ils constatent qu’une personne ne porte pas son masque ou couvre-visage ou alors ne le porte pas adéquatement ».

« [Les inspecteurs] disposent d’ailleurs de masques qu’ils peuvent distribuer aux clients. Nos agents de station peuvent également en remettre sur demande aux clients. »

— Philippe Déry, porte-parole de la STM

Pour l’heure, la société de transport dit néanmoins « continuer d’observer qu’une majorité de clients portent le masque lorsqu’ils utilisent » le métro et les bus. Le groupe dit croire que « cela sera toujours le cas après le 14 mai ».

Chez exo, qui gère les trains de banlieue et un réseau de bus sur la Rive-Sud, on lancera aussi dès le 14 mai une « campagne de sensibilisation sur ses médias sociaux pour rappeler que le port du couvre-visage demeure obligatoire dans les transports collectifs, malgré la levée de l’obligation de le porter dans les lieux fermés ». « Cette sensibilisation se fera également sur le terrain, où nos employés continueront de rappeler aux usagers l’obligation de porter le couvre-visage lorsqu’ils montent à bord de nos trains, autobus et transports adaptés », note son porte-parole, Jean-Maxime St-Hilaire.

« Communication claire »

Pour la professeure à l’École de santé publique de l'Université de Montréal (ESPUM) Roxane Borgès Da Silva, il faudra forcément « continuer à sensibiliser les gens aux risques de ne pas porter le masque dans un espace clos, comme le bus ou le métro ». « La STM et tous les autres opérateurs n’auront pas le choix d’imposer des amendes au besoin, ou du moins, d’être très présents sur le terrain, à l’entrée des grosses stations de métro, pour montrer que c’est pris au sérieux », avance-t-elle.

« Le fond du message, en fait, c’est qu’il faut continuer à se protéger dans des endroits relativement clos où on retrouve encore beaucoup de personnes vulnérables, comme le transport collectif. »

— Roxane Borgès Da Silva, de l’ESPUM

À l’Hôpital général juif, le DMatthew Oughton, spécialiste des maladies infectieuses, est du même avis. « On a besoin d’une campagne de communication claire et directe pour que les gens comprennent bien la nécessité de continuer de porter le masque, qui va rester un outil précieux dans le transport en commun dans les prochaines semaines », explique-t-il en entrevue.

« Je pense qu’une combinaison de marketing et de communication, avec l’aide de spécialistes comme des sociologues, par exemple, pourrait faire en sorte qu’on arrive à livrer le bon message à un maximum d’usagers, sans provoquer, mais simplement en informant », poursuit M. Oughton, qui rappelle que la forte ventilation et le caractère très dense des foules dans le métro en font un lieu « propice » à la contamination.

Un appel au respect

Après deux ans de pandémie de COVID-19, les masques sont devenus presque « familiers » pour la plupart des Québécois, rappellent les deux experts, qui ne voient pas une « urgence particulière » à le retirer dans le transport collectif.

« Même si le port du masque n’est plus obligatoire dans les lieux publics, ça ne veut pas dire qu’il y a une interdiction de l’utiliser. Il va plutôt être facultatif », avait prévenu le DLuc Boileau, au début de mai.

« On pourra bien sûr porter [le masque] par choix personnel ou par souci de protéger les autres. »

— Le Dr Luc Boileau, directeur national de santé publique par intérim

Par courriel, le ministère de la Santé et des Services sociaux rappelle aussi que « le choix de porter le masque dans les lieux où il n’est plus obligatoire demeure à la discrétion de chaque personne ». La porte-parole du Ministère, Marjorie Larouche, insiste en invitant la population à « respecter celles et ceux qui souhaitent continuer à se prévaloir de ce moyen de se protéger efficacement contre la COVID-19 », en portant le couvre-visage même dans les lieux publics.

Ce qui reste, ce qui part

Avec le retrait du masque obligatoire dans les lieux publics à partir du 14 mai, la grande majorité des mesures de restriction sanitaires sont maintenant levées au Québec. Mais il en reste tout de même certaines. En voici les grandes lignes, tirées de rapports gouvernementaux et de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Là où le masque reste obligatoire

Dans le transport collectif

Dans les établissements de santé (centres hospitaliers, cliniques médicales, CHSLD et CLSC, à l’exception des services en santé mentale)

Les cabinets privés où exercent les médecins, les infirmières et les infirmières auxiliaires

Le transport aérien et les divers ministères fédéraux

Les personnes qui ont eu la COVID-19 doivent porter le masque après leur période d’isolement durant cinq jours.

Là où le couvre-visage n’est plus obligatoire

Tous les lieux publics du Québec, notamment les restaurants, les commerces, les dépanneurs, les épiceries ou encore les amphithéâtres

Les écoles, cégeps et universités, ainsi que les centres de la petite enfance (CPE), tant pour les élèves que pour les professeurs ou éducateurs

L’« essentiel » des mesures sanitaires est déjà levé depuis le 14 mars dernier au Québec, soit deux ans presque jour pour jour après le début de la pandémie au pays.

Si les banques et les bureaux de poste sont réglementés par le gouvernement fédéral, ils ne font pas partie de l'administration publique centrale et peuvent donc choisir s’ils imposent le port du masque ou non.

Des recommandations qui demeurent

Le port du masque dans les lieux publics reste « recommandé pour certains groupes », note le MSSS. Cette recommandation vise surtout les personnes vulnérables et les personnes âgées, notamment celles qui sont à risque de complications. Il est suggéré de porter le masque en présence de ces personnes, ou encore de pratiquer la distanciation sociale de deux mètres.

Bien ventiler les lieux de travail et offrir des masques de qualité aux personnes qui en désireraient

Continuer d’observer une bonne hygiène sanitaire, en se lavant les mains fréquemment et en nettoyant les surfaces communes.

Se faire vacciner. Les rendez-vous pour la quatrième dose ont d’ailleurs été ouverts la semaine dernière pour toutes les personnes de 18 ans et plus.

Les bénéfices du masque pour soi

Alors que l’obligation de porter le masque tombe samedi, est-ce que le masque protège quand même celui qui le porte ? L’étude la plus pertinente pour répondre à cette question a été publiée en février en Californie. Elle conclut qu’un masque chirurgical diminue de 66 % le risque d’être infecté et un masque N95 de 83 %. Les masques en tissu ne donnent pas une bien grande protection.

« Il y avait eu auparavant une bonne étude au Danemark, mais comme le virus n’y circulait pas beaucoup, ça ne permettait pas de conclure grand-chose », explique la Dre Caroline Quach-Thanh, du CHU Sainte-Justine. « Il y avait aussi eu une bonne étude au Bangladesh, mais c’est un contexte assez différent. Cette étude californienne vient à point. »

Pendant 11 mois en 2021, 2000 Californiens qui ont fait un test de COVID-19 se sont fait demander s’ils portaient régulièrement un masque et, si oui, de quel type. Environ 60 % avaient eu un test positif et leurs réponses sur le port du masque ont été comparées à celles des répondants qui avaient eu un test négatif. Les chercheurs de l’Université de Californie à Berkeley ont tenu compte de la vaccination, qui était plus fréquente (42 % contre 22 %) chez les cas négatifs, pour calculer l’efficacité du masque.

Pourquoi avoir évalué l’efficacité des masques en tissu, assez peu utilisés ici ? « Aux États-Unis, c’est pas mal plus populaire », dit la Dre Quach-Thanh.

Biais de prudence ?

Peut-il y avoir des biais de sélection chez ceux qui portent le masque, qui pourraient par exemple être plus prudents ? On voit notamment que 43 % de ceux qui ont eu un test négatif ont fait le test parce qu’ils travaillent dans un milieu où le dépistage était systématique, comme les écoles, contre 11 % de ceux dont le test était négatif.

« Pour la raison du dépistage, je ne suis pas sûre de voir un enjeu méthodologique, mais à la base, il faut comprendre que ce sont des chiffres assez forts, 66 % pour les masques bleus », dit la Dre Quach-Thanh.

« Le message principal, c’est qu’il y a plein de gens qui pensent que le masque protège les autres. Moi, quand j’ai été à New York, personne ne portait le masque. Je me suis promenée avec un N95, de la même façon que je porte un N95 quand j’entre dans la chambre d’un tuberculeux », explique-t-elle.

« Les gens qui sont immunosupprimés, quand ils vont aller dans un avion où personne ne porte le masque, vont peut-être le porter à cause de leur risque accru », conclut la Dre Quach-Thanh.

Ajustements

Un masque mal ajusté est-il beaucoup moins efficace ? « C’est mieux d’avoir un masque bien ajusté. Moi, par exemple, je prends un masque pédiatrique parce que les masques bleus sont trop grands, je dois les attacher aux coins. »

Peut-on les réutiliser ? « Je les réutilise. Il y a une étude française qui dit que l’efficacité est aussi bonne même après dix lavages. Mais je ne les lave pas. Quand ils sont sales, je les jette. La façon normée est de changer de masque toutes les quatre heures. Je pense que ce n’est pas nécessaire. »

Bilan quotidien

Une hausse des décès enregistrée

Le Québec continue de rapporter un nombre élevé de décès attribués à la COVID-19, bien que les hospitalisations et les cas poursuivent leur forte tendance à la baisse. Les 25 nouveaux décès rapportés jeudi portent la tendance en légère hausse de 7 % sur une semaine. Le nombre de personnes hospitalisées devrait continuer de diminuer au cours des prochains jours, le nombre de sorties continuant de surpasser les admissions. Les 767 nouveaux cas rapportés jeudi portent la moyenne quotidienne à 914. C’est la première fois depuis le début de décembre 2021, soit avant la vague Omicron, que la moyenne des nouveaux cas passe sous la barre des 1000. Ces chiffres ne reflètent qu’une partie des infections totales, en raison de l’accès limité aux tests de dépistage par PCR. D’ailleurs, la proportion des tests de dépistage par PCR s’avérant positifs à la COVID-19 demeure élevée, à 8,6 %.

— Pierre-André Normandin, La Presse

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