Enquête sur la mort de Joyce Echaquan

L’hôpital n’aurait pas respecté ses propres politiques

En confiant des patients des urgences, dont un certain nombre étaient instables, à une étudiante infirmière de niveau collégial, l’hôpital de Joliette n’aurait pas respecté ses propres politiques internes, a exposé mercredi MPatrick Martin-Ménard, avocat de la famille de Joyce Echaquan, au huitième jour de l’enquête publique du coroner sur la mort de cette mère de famille atikamekw.

C’est alors qu’elle était soignée principalement par une candidate à l’exercice de la profession infirmière (CEPI) de formation collégiale que Joyce Echaquan a dû être amenée en salle de réanimation avant de rendre l’âme, le 28 septembre, sont venus raconter des témoins. Un transfert qui aurait dû survenir plus vite, selon un infirmier.

MMartin-Ménard a présenté une politique interne du CISSS de Lanaudière datée de juillet 2018 dans laquelle on peut lire que les CEPI de niveau collégial n’ont pas l’autorisation d’exercer dans certaines unités, notamment aux urgences. « Vous me l’apprenez », a témoigné mercredi l’infirmière assistante du supérieur immédiat, qui travaillait aux urgences de l’hôpital de Joliette au moment du drame. Une ordonnance de non-publication nous interdit de nommer certains soignants.

La politique interne du CISSS de Lanaudière stipule aussi que les CEPI de niveau collégial ne peuvent s’occuper que de patients « dont l’état de santé n’est pas critique ou qui ne requiert pas des ajustements fréquents ».

Le jour de sa mort, Joyce Echaquan a vu son état se dégrader aux urgences. Elle a reçu une sédation, a été contentionnée et a dû être transférée en réanimation. À un moment, au gré des pauses de collègues, la CEPI se serait retrouvée à devoir gérer « neuf patients, dont un certain nombre étaient instables », a exposé MMartin-Ménard. Une affirmation nuancée par l’assistante du supérieur immédiat, qui plaide que 20 infirmières en tout étaient présentes aux urgences et pouvaient être appelées au besoin.

Selon elle, il ne manquait pas de personnel ce jour-là aux urgences du Centre hospitalier régional de Lanaudière (hôpital de Joliette). Mais elle a aussi déclaré que dans le calcul du ratio de personnel par patient, les CEPI étaient considérées au même titre que les infirmières d’expérience. Une situation qui a fait réagir la coroner Géhane Kamel, qui a qualifié la situation d’« un peu contradictoire ».

Les CEPI étaient absentes des urgences de l’hôpital de Joliette de 2015 à 2018, car il manquait de personnel pour les superviser, a dit dans son témoignage l’infirmière-chef, Josée Roch. Les CEPI y ont fait un retour à la demande des infirmières, selon Mme Roch. « On a pris les CEPI parce qu’on manquait trop de personnel », a résumé l’assistante du supérieur immédiat.

Un transfert tardif

Parce qu’elle était sous contention physique et chimique et qu’elle était instable, Joyce Echaquan aurait dû être transférée plus tôt dans une salle de réanimation le matin de sa mort, selon un infirmier des urgences venu témoigner. Mais malgré plusieurs demandes à cet effet, notamment de la part de la CEPI, le transfert aurait tardé, a-t-il déclaré.

Vers 11 h, la CEPI qui s’occupait de Joyce Echaquan, et qui semblait « débordée », est allée voir l’infirmier.

À au moins deux reprises, cette CEPI aurait demandé que Joyce Echaquan soit transférée dans une salle de réanimation afin d’être en observation, mais aurait essuyé des refus de l’infirmière assistante du supérieur immédiat, selon l’infirmier, qui dit avoir dénoncé dès 2019 le manque d’encadrement des CEPI aux urgences de l’hôpital de Joliette.

L’infirmier a raconté s’être rendu directement auprès de Mme Roch, pour demander que Joyce Echaquan soit transférée en réanimation.

L’infirmière assistante du supérieur immédiat affirme pour sa part que si elle avait eu toute l’information sur l’état de Joyce Echaquan à ce moment, elle aurait demandé son déplacement en réanimation. Mais l’assistante plaide que la CEPI ne lui a jamais donné le portrait réel de la patiente. La coroner Kamel a rappelé que la CEPI avait été engagée en mai, soit moins de quatre mois avant le drame. « Avec la rétrospective, auriez-vous dû questionner [la CEPI] pour avoir un bilan clair de l’état de santé de Joyce Echaquan ? », a demandé MKamel. « Sûrement », a dit l’assistante, tout en soulignant que le travail à ce moment était « très achalandé ».

Peu avant son transfert en réanimation, Joyce Echaquan a capté une vidéo avec son cellulaire. On y entend notamment une infirmière, qui épaulait la CEPI, dire que Joyce Echaquan est « épaisse en câlice ». « Si on n’avait pas eu cette vidéo, aurait-on cru la famille ? », a demandé MKamel. L’infirmière-chef Josée Roch a assuré qu’une enquête aurait été menée. Elle a indiqué que si elle n’a jamais été témoin directement de propos racistes à l’hôpital de Joliette, elle pense que c’est « répandu dans le réseau et il faut que ça cesse ».

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