Université de Montréal

Sanctions réclamées contre un professeur prorusse

Le professeur Michael J. Carley doit être sanctionné pour ses propos prorusses, réclament des étudiants d’origine ukrainienne, qui dénoncent l’inaction de l’Université de Montréal.

« Ce qu’on veut, c’est qu’il soit limité dans ses possibilités d’enseigner, parce qu’il peut utiliser sa position politique pour influencer ses élèves », laisse tomber Katia Sviderskaya.

Plus que les propos pro-Kremlin du professeur titulaire d’histoire, c’est la réaction de l’Université qui a choqué l’étudiante d’origine ukrainienne.

Cette semaine, Radio-Canada a rapporté des messages publiés sur le compte Twitter – maintenant suspendu – de M. Carley dans lesquels il défendait l’invasion russe et appelait au nettoyage des « néonazis ukrainiens », reprenant les termes utilisés par le président russe, Vladimir Poutine.

Malgré le malaise suscité par ses propos, la direction de l’Université de Montréal avait alors confirmé que M. Carley, qui n’enseigne pas ce trimestre-ci, ne ferait pas l’objet de sanctions.

« M. Carley jouit de la liberté d’expression comme tout autre citoyen », avait répondu la porte-parole de l’établissement, Geneviève O’Meara, à Radio-Canada.

« Il peut exprimer son opinion sur les réseaux sociaux, bien que celle-ci détonne avec les propos d’autres experts sur le sujet. »

— Geneviève O’Meara, porte-parole de l’Université de Montréal

Ce à quoi Katia Sviderskaya rétorque : la liberté d’expression a ses limites lorsqu’un professeur influent relaie de la désinformation.

« Il diffuse des informations totalement fausses et basées sur la propagande russe. Il peut faire ce qu’il veut sur ses réseaux sociaux, mais il utilise son titre de professeur », déplore la vice-présidente aux projets de l’Association étudiante ukrainienne de l’Université de Montréal.

« Au-delà des positions politiques, c’est une question de rigueur scientifique », soutient-elle.

Influencer des étudiants

Devant l’« inaction » de l’Université, Katia Sviderskaya et une autre étudiante ont lancé une pétition réclamant des sanctions à l’égard de Michael J. Carley. Elle a récolté plus de 150 signatures, dont celle de nombreux étudiants d’origine ukrainienne.

Par courriel, l’Université affirme avoir pris connaissance de la pétition. « Bien qu’il soit professeur à l’Université de Montréal, M. Carley s’exprime sur Twitter à titre personnel, et non pas dans l’exercice de ses fonctions de professeur », rappelle Mme O’Meara.

« Fidèle au principe de la liberté académique, l’Université de Montréal estime que la quête de la vérité s’appuie sur une méthode rigoureuse, fondée sur les faits, à partir de laquelle des perspectives divergentes peuvent être confrontées », poursuit-elle.

Si rien de plus n’est fait, Katia Sviderskaya redoute que le professeur libère la parole d’étudiants prorusses, comme c’est arrivé le mois passé. Au début de l’offensive russe en Ukraine, un camarade de classe s’était rangé derrière les arguments de M. Carley, rapporte-t-elle.

« Il m’a écrit pour me dire qu’il avait raison sur certains points, que les médias occidentaux racontaient n’importe quoi, qu’il y a des nazis en Ukraine… »

— Katia Sviderskaya, étudiante d’origine ukrainienne à l’Université de Montréal

Pendant ce temps, ses grands-parents vivent sous l’envahisseur russe, dans la ville occupée de Kherson. Chaque jour, ils redoutent des combats.

« Ils sont sains et saufs pour l’instant, mais on ne sait pas trop ce qu’il adviendra. On tient bon », souffle Katia Sviderskaya.

Nouvelle manifestation de solidarité à Montréal

Des centaines de manifestants ont défilé au centre-ville de Montréal, samedi, avec des poussettes vides symbolisant les enfants morts durant la guerre en Ukraine.

Au milieu de la foule, une manifestante, Tatiana Ostrovschi, tient une poussette à laquelle est noué un bouquet de ballons bleu et jaune, aux couleurs de l’Ukraine. « Maintenant, c’est nous qui tenons les ballons, mais d’habitude, ce sont les enfants », souffle-t-elle, en pleurs. La résidante de Longueuil, qui vit au Canada depuis 20 ans, est descendue dans la rue parce qu’il faut « absolument protéger » les tout-petits en Ukraine, dit-elle.

Sous une fine pluie, les manifestants ont marché dans la rue Sainte-Catherine pour pleurer les enfants qui ont péri depuis le 24 février, date où la Russie a lancé son offensive. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme estime qu’au moins 75 enfants sont morts durant le conflit.

En tête du cortège, William, 13 ans, tient une pancarte où l’on peut lire : « Et si c’était votre enfant ? » « Il y a énormément de jeunes qui sont morts, lance l’adolescent d’origine ukrainienne. Il y a ceux en plus qu’on n’a pas trouvés. »

À quelques pâtés de la rue Sainte-Catherine, des protestataires attendaient le passage de la marche pour s’y joindre, en tenant bien haut le drapeau ukrainien. « Gloire à l’Ukraine », a scandé la foule, en avançant. La manifestation était organisée par le Conseil provincial Montréal/Québec du Congrès des Ukrainiens canadiens.

Parmi les manifestants, Iulia Gilfanova roule une poussette vide. « On représente les mères qui ont perdu leurs enfants, dit la jeune femme de 17 ans. Il faut que les gens voient la tragédie. » La Russie est « vraiment violente » envers l’Ukraine, se désole l’étudiante au cégep, qui habite au Canada depuis cinq ans.

Aux abords de la manifestation, Nina Zhmud et Sergii Zhmud sont présents avec leurs enfants de 4 et 11 ans, ainsi que le fils de 10 ans d’une amie. La Russie « est comme les terroristes, elle attaque les enfants et les civils », se désole Mme Zhmud, qui vit au pays depuis cinq ans. Ses parents sont toujours en Ukraine, à Hostomel, aux portes de Kyiv.

« Je leur ai demandé de venir au Canada, mais ils ne veulent pas. Ils disent que leur terre est là-bas. »

— Nina Zhmud, au sujet de ses parents toujours en Ukraine

Depuis le début de la guerre, des membres de la diaspora ukrainienne sont descendus chaque semaine dans les rues montréalaises. Avec de la musique, des prières et des slogans, ils ont exprimé leur soutien envers leurs proches restés en Ukraine.

manifestation parallèle

Au moment où avait lieu la marche en soutien à l’Ukraine, une manifestation pour la démocratie en Tunisie se déroulait dans le même secteur de la ville. Les manifestants qui déploraient la situation politique tunisienne ont croisé les membres de la diaspora ukrainienne. « Non à la guerre en Ukraine », ont crié en soutien les protestataires, en passant devant la marée de drapeaux bleu et jaune. Le cortège a poursuivi son chemin vers l’est, en criant « À bas la dictature » en Tunisie.

En juillet dernier, le président tunisien Kaïs Saïed s’est approprié la majorité des pouvoirs, en invoquant un article de la Constitution. Il gouverne maintenant par décrets, au grand dam de la population qui descend dans la rue pour manifester. « Ça va de mal en pis en Tunisie, lance Dorra Riahi, qui habite au Canada depuis 2010. Une seule personne dirige tout le pays et prend toutes les décisions. Ça ne se fait pas en 2022. »

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