Relations humains et animaux

Un dialogue nécessaire pour une santé et un bien-être communs

Je suis médecin vétérinaire et éthicienne et je me suis toujours intéressée au bien-être des humains et des animaux. J’ai travaillé dans des milieux diversifiés : pratique, enseignement à des futurs producteurs agricoles et techniciens en santé animale, évaluations de chiens mordeurs, comités d’éthique sur l’utilisation des animaux en recherche, zoothérapie en soins de longue durée et palliatifs, vulgarisation scientifique, etc. J’ai aussi été présidente de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec et fait avancer son positionnement en bien-être animal. Je suis une citoyenne sensible aux questions environnementales, fille de producteurs agricoles, mère de quatre adultes et grand-mère de trois jeunes enfants.

Ces derniers jours, deux évènements m’inspirent à écrire ce texte. Ce jeudi 3 novembre se tient la Journée mondiale Une seule santé (USS). De plus, vers le milieu du mois, la population humaine atteindra un sommet : 8 milliards de personnes !

Nous faisons face à un défi d’envergure : nourrir, fournir des conditions de vie adéquates et assurer la santé de huit milliards d’humains en préservant le plus possible la santé de nos écosystèmes.

L’approche USS tient compte de l’environnement social et physique, des plantes, de la santé des animaux et des humains. Notre monde étant complexe, une approche plus globale permet une meilleure compréhension des enjeux et d’apporter des solutions adaptées.

Une polarisation contre-productive

Au même moment, nous nous divisons sur des questions d’éthique animale.

Certains adoptent une position abolitionniste face à plusieurs activités. Ils souhaitent bannir et même interdire les pratiques auxquelles ils s’opposent, comme l’élevage, la recherche sur des animaux, la pêche et la chasse, pour des raisons de justice entre espèces (antispécisme). Pour eux, améliorer les conditions de vie ne rend pas l’élevage plus éthique.

Des gens refusent et contestent toute euthanasie de chiens après qu’ils eurent agressé et même mutilé des enfants ou adultes. Des manifestations et contestations judiciaires ont lieu pour empêcher l’abattage de chevreuils. Des organismes importent à grands frais des animaux non socialisés destinés à la consommation à l’étranger afin de leur sauver la vie, au risque d’importer ici des maladies, dont certaines sont difficiles à détecter et transmissibles aux humains.

Ce ne sont là que quelques exemples de situations polarisantes. Peut-on tenir compte de l’ensemble des enjeux ?

Je collabore, dans mon travail, avec des professionnels et des chercheurs issus de différentes disciplines. Ils mènent des recherches et font de la prévention en santé des animaux, sécurité des aliments, transmission de maladies entre animaux et humains et vice-versa, ont mené des projets de santé mondiale, travaillé en collaboration avec différentes communautés autochtones, etc.

Leur approche plus globale permet de tenir compte de l’impact des choix que nous faisons sur les humains, les communautés, les animaux eux-mêmes et les écosystèmes.

Bien-être animal

En matière de relations avec les animaux, la société québécoise, comme bien d’autres, est en évolution rapide. Il est souhaitable qu’elle poursuive ses efforts dans l’amélioration des conditions de vie des animaux en se basant sur des valeurs communes et des données objectives.

Pour moi, comme pour bien des gens issus de divers milieux, assurer la santé et le bien-être d’un animal pendant sa durée de vie a un impact déterminant sur l’éthique de notre relation avec lui.

Cultures, traditions et besoins nutritionnels

Sur la base de leurs arguments en faveur des animaux, les abolitionnistes croient moralement justifié d’imposer leurs opinions aux autres. Ce faisant, ils nient le droit aux autres personnes et communautés le droit d’avoir une vision différente du respect de la nature et des animaux.

Certes, des protéines d’origine végétale peuvent combler une part importante de nos besoins. Il est à espérer que nos nouvelles habitudes permettront réellement de réduire notre empreinte écologique, entre autres par un moindre gaspillage, puisqu’un régime végétarien n’est pas automatiquement plus écologique. Nombreux sont ceux qui travaillent à rendre notre agriculture durable. Ailleurs dans le monde, l’importance des animaux d’élevage dans la vie des communautés rurales est primordiale et l’abolition de ces activités mènerait à une perte de sécurité alimentaire.

L’être humain étant fondamentalement omnivore, les régimes exempts de tout produit animal sont très difficiles à équilibrer et requièrent souvent la prise de suppléments. Seules des populations riches peuvent y arriver.

Un dialogue nécessaire

Tout débat de société sur des questions aussi primordiales que notre alimentation et nos relations avec les autres animaux et les écosystèmes doit inclure tous les groupes de la population concernés : consommateurs, gens issus de diverses communautés et traditions, nutritionnistes, médecins, experts en bien-être animal, pêcheurs, agriculteurs, écologistes, biologistes, médecins vétérinaires, épidémiologistes et experts en santé publique, etc.

Cette diversité de points de vue, combinée à une véritable ouverture aux autres, permettra un vrai dialogue dont nous bénéficierons tous.

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