Critique

Dans les bas-fonds de la Sérénissime

C’est un roman volumineux – presque 800 pages – qui ne connaît ni longueurs ni temps morts. À la fois roman historique, roman d’amour, roman d’aventure et d’émancipation, Les enfants de Venise nous entraîne dans les bas-fonds de la mythique Venise en 1515-1516.

Loin de la splendeur de la Cité des Doges et de ses palais de marbre, l’auteur italien Luca Di Fulvio fait revivre un milieu violent, à l’ombre du Rialto, fréquenté par de vils personnages aux noms qui semblent tout droit sortis d’un conte macabre.

Ainsi fait-on connaissance avec de petits voleurs de rue, un prince sadique aux mœurs douteuses, un cruel chef de bande et un moine qui part en croisade contre les juifs de la ville, alors que le tribunal de l’Inquisition sème la terreur au moment où les autorités s’affairent à la création du ghetto juif.

Sorcellerie, escroqueries, vengeances et trahisons font vibrer la Sérénissime, qui devient également le théâtre d’une histoire d’amour entre un orphelin chrétien et une jeune juive.

Lui est un as de l’embrouille et du déguisement qui rêve de liberté et ose imaginer un monde différent. Elle est la fille d’un escroc qui se fait passer pour un médecin et soigne les prostituées de la ville, parmi lesquelles se répand une nouvelle maladie vénérienne surnommée « le mal français ». 

Tous deux doivent lutter contre les préjugés et les interdits de leur époque pour parvenir à survivre. S’ajoute à une intrigue constamment relancée par d’habiles rebondissements une traduction impeccable depuis l’italien, qui rend la lecture autant plus appréciable.

Les enfants de Venise est le deuxième titre d’une trilogie aux thématiques communes où les personnages, les lieux et les époques diffèrent. Le gang des rêves, qui a démarré la série avec l’histoire d’une immigrante italienne et son fils dans le New York du début du XXe siècle, a remporté un grand succès en Europe. Force est d’admettre qu’à la lecture des Enfants de Venise, la tentation est grande de découvrir le titre précédent en attendant le suivant.

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Les enfants de Venise

Luca Di Fulvio

Slatkine & Cie

798 pages

Extrait

« Quand la Sérénissime commença à se dévoiler, les marbres des palais lui parurent bien plus brillants qu’il ne l’aurait jamais imaginé. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’étaient les barbes d’algues qui ondoyaient à fleur d’eau comme de vertes bannières déployées. Mais il n’avait pas non plus imaginé cette finesse des colonnes et des chapiteaux, ces rosaces, ces têtes d’animaux et ces figures mythologiques sculptées dans le marbre qui soutenait les balcons. Et ces tuyaux de cheminées partout, hauts et fins comme les pattes osseuses d’un grand crabe le ventre à l’air. Tandis que grandissait en lui une émotion qu’il ne parvenait pas à contrôler, il pensait qu’il allait réaliser le rêve que son père avait poursuivi sa vie durant.

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