Contraceptifs oraux en pharmacie

Réduire les grossesses non désirées en offrant plusieurs mois de pilules

Depuis cette année, les femmes en Californie et en Oregon peuvent avoir 12 mois de pilules contraceptives en une seule visite chez le pharmacien. Ces nouvelles lois surviennent après une dizaine d’années de campagne des spécialistes de la reproduction, qui y voient l’une des meilleures manières de réduire les grossesses non désirées à faible coût.

« L’Organisation mondiale de la santé et les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) sont arrivés à la conclusion qu’il est préférable de permettre aux femmes de prendre plusieurs mois de contraceptifs oraux en une seule visite à la pharmacie », explique Maria Steenland, qui fait son doctorat en santé publique à l’Université Harvard et qui est l’auteure principale d’une étude publiée en 2013 sur le sujet. « En fait, je ne sais pas d’où vient cette idée qu’on ne peut avoir qu’un seul mois de médicaments à la fois. »

L’étude de Mme Steenland, publiée dans la revue Contraception, a conclu que les femmes qui reçoivent plusieurs mois de pilules en une seule visite à la pharmacie tombent moins souvent enceintes, mais gaspillent davantage de pilules. Une étude californienne, qui faisait partie des quatre études retenues pour cette méta-analyse, a ainsi calculé que le risque de grossesse diminue de moitié, que les femmes sont deux fois moins susceptibles de cesser de prendre la pilule et que le gaspillage triple (la proportion de pilules gaspillées passe de 2 % à 6 %).

« Comme une grossesse non planifiée coûte beaucoup plus cher que quelques pilules gaspillées, il y a des économies importantes pour le système de santé. »

Maria Steenland, auteure de l’étude

Mme Steenland travaillait aux CDC, l’organisme gouvernemental de santé publique aux États-Unis, quand elle a fait cette étude. « Le problème, c’est que les coûts des médicaments et des grossesses sont souvent assumés par des entités différentes. Par exemple, souvent, dans certains États, certaines femmes pauvres ne le sont pas assez pour être couvertes par Medicaid, sauf si elles sont enceintes. » Medicaid est le programme américain d’assurance maladie publique pour les indigents.

Un autre projet de Mme Steenland aux CDC avait conclu que pour les femmes utilisant un stérilet, il valait mieux en installer un nouveau avant le départ de l’hôpital après un accouchement, au lieu d’exiger un second rendez-vous uniquement pour la pose du stérilet.

Au Canada, le mouvement en faveur d’un tel changement pour la pilule contraceptive est beaucoup moins fort. « À ma connaissance, ce n’est pas discuté », explique Sylvie Bouvet, présidente de l’Association des gynécologues et obstétriciens du Québec. « Pour moi, la contraception est un sujet très, très, très important, à la limite un problème de santé publique, pour ce qui est des grossesses non planifiées. Si une loi pouvait améliorer l’observance de la contraception et réduire les grossesses indésirées, ce serait important. Un dollar investi en contraception permet d’économiser de quatre à six dollars d’autres problèmes. Ce n’est pas notre bataille, plutôt celle de la première ligne, les infirmières et les médecins de famille. Mais si on nous demande notre position officielle, on sera là. »

Près d’une grossesse sur deux non planifiée

Une étude publiée en décembre dernier dans le Journal d’obstétrique et de gynécologie Canada estimait à 47 % la proportion des grossesses qui ne sont pas planifiées au pays, pour un coût direct de 320 millions pour le système de santé. Les auteurs préconisaient un recours à la contraception de longue durée.

Édith Guilbert, médecin-conseil à l’Institut national de santé publique du Québec et l’un des coauteurs de l’étude canadienne de décembre, estime souhaitable de permettre aux femmes d’avoir plusieurs mois de contraception orale d’un coup. « Les évidences scientifiques soutiennent une telle stratégie de santé publique, dit la Dre Guilbert. Lorsqu’un médecin en fait la demande, les pharmaciens remettent les contraceptifs pour le nombre de mois demandé. En dehors d’une demande claire de la part du prescripteur, je doute que les pharmaciens du Québec prennent cette responsabilité. »

La proportion des grossesses non planifiées, selon l’étude de la Dre Guilbert, est similaire à celle des États-Unis, selon un rapport de 2013 de l’Institut Guttmacher, un groupe américain de réflexion sur la santé sexuelle et reproductive. Selon ce dernier, 40 % des grossesses non planifiées sont carrément non désirées, plutôt que de simplement tomber à un moment imprévu, et 40 % des grossesses non planifiées mènent à un avortement.

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