PME Innovation

Changer la nature de l’eau, au son des vagues

Qui ?

Oneka Technologies est une entreprise d’une quarantaine d’employés, qui travaillent essentiellement à Sherbrooke mais dont quelques-uns se trouvent aussi plus près de la mer, en Floride, au Chili et maintenant en Nouvelle-Écosse.

Ces gens savent-ils que tout est parti d’une douche, en Corse ?

C’est là que Dragan Tutic s’est pour la première fois demandé d’où venait l’eau (de la douche !) alors qu’il se trouvait dans un paysage désertique. Le questionnement a duré plus longtemps que les vacances corses.

En 2015, Dragan Tutic a fondé Oneka Technologies, dont le mandat était, dès le départ, de concevoir des processus de dessalement des eaux pour bien servir des populations côtières qui en manquaient.

Les premières années ont été consacrées au développement de la technologie. « On a aussi passé beaucoup de temps en Asie et dans les Caraïbes pour voir s’il y avait vraiment un besoin », précise Dragan Tutic, qui y a trouvé la confirmation que c’était le cas.

Quoi ?

Le 14 mars dernier, Oneka dévoilait son projet Glacier, son plus récent et plus imposant dispositif de dessalement.

Il s’agit d’une unité capable de produire 500 000 litres d’eau potable par jour selon une technique qui existait déjà pour pomper de l’huile et qui a quelque chose d’un peu poétique : c’est l’énergie des vagues qui fait le travail et transforme l’eau salée.

Pur procédé technique, explique plus prosaïquement Dragan Tutic.

« Ce sont vraiment les vagues qui activent une pompe qui vient dessaler les membranes d’une manière purement mécanique. »

Ce Glacier – qui est simplement déposé sur l’eau, avec des bouées – pompera donc l’eau salée récoltée au fond de l’océan par un tuyau, par le mouvement des vagues. Le sel est retiré par un processus d’osmose inversée, le même qui concentre le sucre dans l’eau d’érable pour en faire du sirop.

Dans ce cas, le sous-produit est une saumure qui sera retournée à la mer, loin de la côte, alors que l’eau potable prend la direction de la terre ferme, dans un tuyau.

Oneka produit déjà des dispositifs plus petits. Cette nouvelle unité augmente la capacité de production.

Le dispositif Glacier sera installé en période de test en Nouvelle-Écosse, à l’île du cap de Sable. Oneka a ouvert un bureau sur place.

Combien ?

Le projet Glacier coûte un peu plus de 14 millions de dollars à développer, dont 6,7 millions venant d’Ottawa par l’entremise la Supergrappe des océans du Canada. Oneka travaille en partenariat avec une autre entreprise des Cantons-de-l’Est, H2O Innovation, qui produira la machine dans son usine de Ham-Nord.

« En combinant l’entrepreneuriat et l’ingénierie, on peut vraiment développer des solutions qui peuvent avoir des impacts positifs sur la société. En assemblant les bonnes personnes avec les bonnes ressources pour une bonne mission », indique M. Tutic.

Pourquoi ?

Environ 1 % de l’eau du monde vient actuellement du dessalement, précise Dragan Tutic. Pour des populations côtières, des unités comme Glacier peuvent faire toute la différence.

« Le problème est qu’on utilise beaucoup plus d’eau que la nature nous en fournit. On doit donc utiliser de nouvelles sources, dont l’océan. Normalement, c’est le carburant qui est utilisé pour alimenter des génératrices – on fait de l’électricité, on active des moteurs électriques pour des pompes à haute pression. »

Gros avantage pour Oneka : on n’utilise pas de carburant pour retirer le sel de l’eau, ce qui réduit le coût d’exploitation et l’empreinte énergétique globale de l’exercice. Tout est fait sans électricité, sans conversion d’énergie.

L’avenir

Avec le problème d’approvisionnement d’eau qui se propage sur tous les continents, la solution d’Oneka pourra intéresser de nombreux marchés.

L’entreprise a un système de démonstration au Chili, près de Santiago. Le système fournit de l’eau à une marina locale. C’est une unité qui vient complémenter les besoins, dans un échange de services qui, espère Oneka, mènera à un plus grand déploiement chilien.

« Avec notre plus grosse unité, nous allons pouvoir répondre à tous leurs besoins », précise Dragan Tutic, qui ajoute que le Chili est un de ses marchés d’avenir, notamment auprès de son industrie minière qui a soif d’eau et doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

Oneka Technologies ne vend pas les appareils, elle offre le contrat de service.

« Avec cette technologie, comme tout est purement mécanique, on est capable d’embaucher et de former la main-d’œuvre locale, des pêcheurs ou d’autres, pour opérer les systèmes. »

Oneka Technologies commence aussi à s’implanter dans les Caraïbes avec un dispositif plus modeste et vise la Californie.

« L’été dernier, je voyais aux nouvelles que la Corse commençait à manquer d’eau et que ça devenait un vrai enjeu », raconte le fondateur d’Oneka. Qui sait si l’entreprise québécoise ne finira pas par s’établir sur le lieu même de sa genèse ?

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