COVID-19

Les États-Unis dans les traces de l’Italie ?

En faisant son épicerie dimanche près chez lui à Tahoe City, une petite ville de ski du nord de la Californie, Cody Townsend a été surpris d’entendre la caissière se moquer de la COVID-19.

« Je n’ai pas peur, a dit la caissière, se souvient-il. Je m’en fous. J’irais directement parler à une personne qui a reçu un test positif. »

M. Townsend, qui travaille comme skieur professionnel, note que cette attitude de défiance est répandue autour de lui, où la vie continue largement comme avant malgré l’épidémie de COVID-19.

« En fin de semaine, des milliers de skieurs sont venus en ville, dit-il en entrevue téléphonique. Les restaurants et les bars étaient pleins. Il y a une sorte d’insouciance, et ça ne me rassure pas. En Italie aussi, les gens allaient skier et faire la fête malgré l’épidémie, et on a vu ce que ça a donné… J’ai peur que les États-Unis soient sur le même chemin que l’Italie, avec des conséquences plus désastreuses, car notre population est de 330 millions. »

Un peu partout aux États-Unis, des États, des comtés et des villes prennent des mesures de plus en plus sévères et restrictives pour tenter de ralentir l’épidémie de COVID-19.

Or, l’absence d’organisation fédérale habilitée à intervenir partout de façon ordonnée mine les efforts pour enrayer la contagion. Le résultat donne une sorte de courtepointe de directives plus ou moins bien respectées, à laquelle on ajoute de nombreux déplacements en voiture et en avion entre les différents États.

Lundi après-midi, le président Donald Trump a laissé entendre que la crise du coronavirus pourrait durer « jusqu’en juillet ou en août », voire plus longtemps, aux États-Unis avant de se résorber.

Trump a dit qu’il donnait « 10 sur 10 » à son administration pour sa gestion de la crise qui, il y a quelques jours à peine, était qualifiée de « défaillante » par le directeur de l’Institut national des allergies et maladies infectieuses, le Dr Anthony Fauci.

Le président a annoncé qu’un vaccin expérimental contre la COVID-19 avait commencé à être testé à Seattle, que les écoles devraient fermer, et qu’il pourrait éventuellement demander au Corps des ingénieurs de l’armée des États-Unis de bâtir des installations de manière à soulager la pression sur les hôpitaux.

Il a également recommandé à tous les Américains, y compris « les plus jeunes et en bonne santé », d’éviter les regroupements « de plus de 10 personnes ».

Mesures plus radicales

Certains prennent des mesures plus draconiennes. Lundi, l’État du New Jersey a été le premier État américain à annoncer un couvre-feu. « À partir de [lundi] soir, tous les commerces et activités de loisir ou de divertissement non essentiels devront fermer à 20 h », a indiqué le gouverneur Phil Murphy sur son compte Twitter. Tous les déplacements non essentiels ou non liés aux services d’urgence sont fermement découragés entre 20 h et 5 h du matin. »

Parallèlement, à New York, Los Angeles et Chicago, les trois plus grandes villes du pays, ainsi que dans la capitale fédérale Washington, les écoles ont été fermées, et l’enseignement en ligne devait se mettre en place.

Pourtant, ailleurs, l’urgence se fait moins sentir. Par exemple, dimanche, près de 4000 passagers du navire de croisière MSC Meraviglia ont débarqué au port de Miami.

Les passagers s’attendaient à devoir subir des tests de COVID-19 : quelques jours plus tôt, un passager du navire avait subi un test positif, et sept membres de l’équipage avaient été mis en isolement.

Mais les passagers ont pu quitter le navire et rentrer chez eux sans subir quelque test que ce soit.

« Si nous l’avons, ça va se répandre dans tout le pays, a confié un passager au quotidien Miami Herald. Quand je dis qu’il n’y avait aucun contrôle, il n’y avait rien, rien du tout. On a quitté le navire à pied, et c’est tout. »

À Miami, les célébrations du Spring Break ont été annulées, mais elles avaient toujours lieu à Fort Myers, où des milliers de personnes se prélassaient ou faisaient la fête sur la plage.

Deanna Mercado, une serveuse interviewée par le Wall Street Journal, a dit ne pas s’en faire pour le coronavirus. « C’est plus une question que si vous êtes en quarantaine, vous perdez l’occasion de faire de l’argent. Si on devait m’empêcher de travailler, ce serait un vrai problème. »

Lundi, on comptait 4289 cas d’infection aux États-Unis, et 71 morts. Plusieurs médias ont rapporté que des centres hospitaliers partout aux États-Unis manquaient de matériel pour faire subir des tests à des patients qui présentaient des symptômes de la COVID-19.

La situation de l’accès aux soins de santé, problématique pour des dizaines de millions d’Américains en temps normal, risque rapidement de devenir catastrophique si le nombre de cas d’infection continuait à grimper.

« Nous faisons face à une catastrophe imminente lorsque cette vague de croissance de cas viendra se briser sur le système hospitalier », a déclaré lundi le gouverneur de New York, Andrew M. Cuomo.

Lundi, le président Donald Trump a dit à un groupe de gouverneurs que le gouvernement fédéral ne leur enverrait pas de respirateurs artificiels.

« Respirateurs, ventilateurs, tout l’équipement – essayez de vous le procurer vous-mêmes », a déclaré M. Trump aux gouverneurs lors de la conférence téléphonique, dont un enregistrement a été partagé avec le New York Times.

« Nous vous soutiendrons, mais essayez de l’obtenir vous-mêmes, a ajouté le président. Point de vente, beaucoup mieux, beaucoup plus direct si vous pouvez l’obtenir vous-mêmes. »

Démocrates c. républicains

Pendant plusieurs semaines, des médias conservateurs comme Fox News ont donné la parole à des partisans du président Trump qui affirmaient que l’épidémie de COVID-19 était un « canular » propagé par des démocrates pour nuire aux chances de réélection du président.

Dans les derniers jours, Fox News a commencé à faire une couverture plus complète des enjeux liés à la COVID-19.

Un sondage réalisé du 11 au 13 mars par NBC News et le Wall Street Journal révèle un fossé entre les croyances des répondants démocrates et celles des républicains. Par exemple, 68 % des démocrates disent avoir des craintes pour des membres de leur famille, contre 40 % chez les républicains. Pour 61 % des démocrates, il est impératif d’éviter les rassemblements, alors que 30 % des républicains pensent la même chose. Trente-six pour cent des démocrates disent vouloir éviter les restaurants, contre seulement 12 % du côté des républicains.

— Avec l’Agence France-Presse

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