Firmes de sondage, méthodologie et intentions de vote

Cet article propose de répondre à deux questions que se posent les électeurs attentifs aux sondages. D’une part, y a-t-il une différence entre les estimations des deux principales firmes qui publient des sondages en ce moment ? D’autre part, est-ce qu’on peut penser qu’il y a du mouvement dans les intentions de vote ?

Y a-t-il des différences entre les firmes de sondage ?

Pour répondre à cette question, il faut prendre en compte la marge d’erreur – ou plus précisément l’intervalle de crédibilité dans le cas des panels web comme celui de Léger – et donc faire des analyses statistiques. J’ai analysé tous les sondages publiés depuis le début de juin afin d’avoir suffisamment d’informations pour que les tests soient fiables.

La réponse est oui, il y a des différences, mais pas pour tous les partis. Il existe des différences significatives pour trois partis, soit surtout Québec solidaire (QS) et le Parti conservateur du Québec (PCQ), et plus marginalement pour le Parti québécois (PQ). En moyenne, Léger a estimé l’appui à QS à 15,4 % comparativement à 11,6 % pour Mainstreet. L’appui au PCQ est estimé en moyenne à 14,6 % par Léger et à 18,7 % par Mainstreet. Enfin, pour le PQ, on parle de 10,4 % pour Léger et de 8,2 % pour Mainstreet. En résumé, Léger voit QS et le PQ plus haut, mais le PCQ plus bas.

Est-ce que ces différences sont également réparties dans les divers groupes selon l’âge, la langue et la région ? De fait, les différences sont les mêmes partout pour ce qui est de QS. Tant chez les non-francophones et les répondants des différentes régions que chez les jeunes, l’appui à QS est estimé plus élevé par Léger que par Mainstreet. Quant au PCQ, on retrouve les différences inverses, sauf pour ce qui est des non-francophones. Par contre, il n’y a pas de différence significative dans l’estimation du PQ pour les sous-groupes.

Comment expliquer ces différences ?

Les deux firmes utilisent des méthodologies très différentes et elles sont combinées à des pratiques spécifiques aux deux firmes. Pour ce qui est des méthodologies, le panel web, utilisé par Léger, a donné de bons résultats au cours des dernières élections canadiennes. Par contre, aux États-Unis, cette méthodologie est celle qui, en moyenne, a donné les moins bonnes estimations de l’appui à Biden en 2020 et à Clinton en 2016. On considère généralement qu’elle a un biais « à gauche ». Il s’agit également d’une méthodologie qui semble avoir plus de difficulté à détecter les mouvements dans l’électorat.

Par contre, le fait qu’on ne retrouve pas de tels biais dans les élections récentes au Canada pourrait s’expliquer par la nature différente des campagnes – régime parlementaire, nombre de partis, etc. – et peut-être par le fait que les firmes qui font des sondages électoraux sont plus spécialisées et ont mis les efforts pour mieux calibrer leurs sondages.

Pour ce qui est de la méthodologie des sondages téléphoniques automatisés, utilisée par Mainstreet, elle est considérée comme biaisée à droite, mais elle a donné les meilleures estimations au cours des deux plus récentes élections américaines. Par contre, aux États-Unis, la méthode est différente puisqu’elle combine d’autres modes de collecte. Qui a raison ? La vérité se situe probablement dans une moyenne entre les estimations.

Les intentions de vote ont-elles bougé ?

Rien ne permet de valider en ce moment l’idée qu’il y aurait une évolution des intentions de vote post-débat. D’une part, si on compare les deux plus récents sondages de chaque firme – sur une période de quatre jours dans le cas de Mainstreet –, il n’y a aucune différence significative entre les estimations, quel que soit le parti. Les différences constatées peuvent être attribuées à l’erreur. D’autre part, si on tient compte de l’ensemble des sondages publiés depuis le début d’août, les estimations montrent une stabilité des appuis à la CAQ autour de 40 %, les appuis au PLQ et au PCQ étant également stables, à égalité autour de 18 %. QS serait un peu en avance sur le PQ à 12 % contre 10 %, stables également.

Une mesure du passé ?

Dans plusieurs élections récentes, les mouvements dans les appuis ont eu tendance à se produire dans les deux dernières semaines de campagne. Or les sondages mesurent le passé. Ils ne peuvent prédire les mouvements futurs. Il faut donc continuer à suivre les sondages pour voir si mouvement il y aura et garder en tête, dans le cas présent, qu’il y a eu et qu’il continuera fort probablement à y avoir des différences entre les firmes de sondage dont il faudra tenir compte. Et les élections diront si une firme a plus raison qu’une autre, ou si la vérité se situe entre les deux.

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