Opéra de Montréal  Saison 2016-2017

Un quart d’heure avec Roger Waters

Pour sa 37e saison, l’Opéra de Montréal frappe fort en présentant cinq productions, dont une inspirée du mythique The Wall de Roger Waters. Cet opéra inédit sera présenté en première mondiale dans la foulée des célébrations du 375e anniversaire de Montréal. La Presse a eu le privilège de passer 15 minutes en tête à tête avec le membre fondateur de Pink Floyd.

La conférence de presse s’achève au Stade olympique de Montréal. La salle est remplie de journalistes et de dignitaires. La raison de ce branle-bas : Roger Waters, venu présenter l’opéra qui sera inspiré de son mythique album The Wall.

Ce fondateur de Pink Floyd, âgé de 72 ans, prend la pose avec quelques artisans du spectacle à venir, dont le metteur en scène Dominic Champagne et le compositeur Julien Bilodeau, qui aura la lourde tâche de mettre en musique les paroles de Waters.

Ce dernier se dirige ensuite vers une extrémité de la salle, où La Presse aura le privilège de s’entretenir avec lui en tête à tête.

Quinze minutes, pas une de plus, nous dit-on.

Mais de quoi parle-t-on au juste avec un homme dont le groupe a vendu plus de 200 millions d’albums dans le monde, en plus d’avoir fait de 2010 à 2013 avec The Wall la tournée la plus lucrative de l’histoire de la musique pour un artiste solo (460 millions) et d’avoir collaboré étroitement à trois films, dont un récent – entrecoupé d’images de sa tournée – où il se lance sur la route au volant de sa vieille Bentley visiter les endroits où son père et son grand-père ont péri durant la guerre ?

« C’est une question stupide », répond du tac à tac le principal intéressé lorsqu’on lui demande tout bonnement.

Ça commence plutôt mal.

Heureusement, il reste encore 14 minutes.

Roger Waters enchaîne ensuite avec son amour de l’opéra. L’actuelle production en chantier est son deuxième projet, après la sortie en 2004 de l’opéra Ça ira, dont l’argument se déroulait au cœur de la Révolution française. « J’adore les mélodies. À l’époque, dans les années 1800-1900, quand les gens écoutaient des chansons, c’étaient des chansons engagées », raconte Roger Waters, lui-même militant enthousiaste de diverses causes.

Si la signification de The Wall était à l’époque très biographique, l’œuvre s’est adaptée à la sauce d’aujourd’hui et s’adresse à quiconque a perdu quelqu’un à la guerre. 

Il n’hésite pas à dénoncer « l’état de guerre » fabriqué de toutes pièces par nos dirigeants attirés uniquement par l’argent. « L’invasion de l’Irak s’est faite sous de faux motifs. On le sait maintenant », relève-t-il.

Il se désole de voir que les thèmes abordés dans The Wall demeurent d’actualité. « Peu de gens se soucient les uns des autres. Je vis à New York, et quand je sors, je me sens dans un épisode de The Walking Dead », déplore-t-il, en mimant quelqu’un en train de pianoter frénétiquement sur son téléphone. « Les gens essaient de bâtir des relations amoureuses avec des textos, mais c’est impossible ! », peste-t-il.

Poursuivant sur cette lancée, il ne comprend pas pourquoi les gens ne s’indignent pas davantage devant la mort d’un enfant migrant syrien, évoquant le petit Aylan, dont la photo du corps inerte échoué sur une plage turque a fait le tour du monde.

Ardent militant au sein de BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions), campagne internationale visant l’application de pressions économiques, culturelles, politiques et autres sur Israël en soutien au peuple palestinien, Roger Waters lance quelques flèches au Parlement canadien, qui vient d’adopter une motion conservatrice condamnant leurs efforts. « Je n’ai pas compris pourquoi il a fait ça. Ce Parlement est censé représenter les Canadiens, non ? Exprimer des opinions est illégal ? Wow ! », s’étonne Roger Waters, qui a néanmoins tenu à saluer les étudiants de l’Université McGill, dont plusieurs ont parallèlement milité en faveur de la campagne controversée.

L’auteur de Shine On You Crazy Diamond estime également que les frappes et attentats revendiqués par l’État islamique, notamment ceux de Paris, constituent le triste héritage de nos politiques étrangères. Une solution à ce bourbier ? « C’est très simple. Il suffit de changer les politiques et de cesser de tout centrer sur l’argent. Si j’étais pauvre quelque part dans le monde, moi aussi, je serais en colère », résume Waters, quinze minutes après le début de cet entretien.

LA CHUTE D’UN AUTRE MUR

Un peu plus tôt, pendant le point de presse, un extrait de l’opéra en chantier a été diffusé. À travers les chœurs, on distinguait des relents des pièces Into the Flesh et Another Brick in the Wall. Roger Waters écoutait, penché sur lui-même, les yeux clos. Il a ensuite applaudi, visiblement ému, à l’instar des gens réunis dans la salle.

Le spectacle s’annonce grandiose, avec :

10 solistes

48 choristes

70 instrumentistes

Le directeur général de l’Opéra, Pierre Dufour, dit caresser depuis 15 ans le projet d’adapter The Wall. « Même avant, en fait, car je l’ai toujours perçu comme un opéra. »

Dominic Champagne, qui avait mis en scène le spectacle Love des Beatles avec le Cirque du Soleil, souligne le privilège rare de travailler avec une idole. « Il y a 10-12 ans, moi et lui avions discuté ensemble d’un projet avec The Wall, qui s’est malheureusement éteint », a raconté l’homme derrière Cabaret neiges noires, visiblement heureux d’avoir ressuscité sa collaboration avec le musicien.

Pour le commissaire aux célébrations du 375e anniversaire de Montréal, Gilbert Rozon, ce grand projet offre avant tout la possibilité d’abattre un autre mur : celui entre la musique classique et la musique pop.

« Ça fera 40 ans l’année prochaine que j’ai craché au visage de l’un des vôtres ! », a pour sa part lancé en badinant Roger Waters lors du point de presse.

Le bassiste faisait référence à ce concert mythique présenté en 1977 au Stade olympique, pendant lequel il aurait craché sur un spectateur trop passionné, ce qui l’a ensuite amené à écrire The Wall, en référence à une sorte de mur métaphorique entre lui et les fans.

Roger Waters a aussi indiqué avoir d’abord été réticent lorsqu’on l’a approché pour ce projet d’opéra. « Les tentatives de conjuguer le monde du rock et du classique sont souvent catastrophiques », a-t-il souligné, ajoutant que les gens qui l’ont courtisé se sont montrés convaincants.

Mais une chose est sûre, le spectacle que Waters et l’opéra présenteront l’an prochain aura pour but de créer un pont et non un mur avec ce nouveau public. 

Another Brick in the Wall. D’après les paroles et la musique de The Wall de Roger Waters, dans une version lyrique composée par Julien Bilodeau et une mise en scène de Dominic Champagne. Chef d’orchestre : Alain Trudel.

À la salle Wilfrid-Pelletier les 11, 14, 16, 18, 20, 22 et 24 mars 2017

Opéra de Montréal

La saison 2016-2017 commentée

Fier du retour à cinq productions (en comptant Another Brick in The Wall), mais surtout du fait que 90 % des artistes qu’elles présentent sont Canadiens, le directeur artistique de l’Opéra de Montréal, Michel Beaulac, passe en revue la saison 2016-2017.

AIDA DE VERDI

« C’est un coup de trompette, une œuvre monumentale pour lancer la saison, presque une épreuve olympique sur le plan vocal », lance Michel Beaulac au sujet de l’opéra de Verdi dont l’intrigue s’articule autour des amours interdites entre une esclave (Aïda) et un officier égyptien (Radamès). M. Beaulac salue la présence de plusieurs chanteurs russes, mais surtout du ténor bulgare Kamen Chanev, acclamé notamment dans son rôle de Calaf dans le Turandot de Puccini.

Chef : Paul Nadler. Mise en scène : François Racine.

À la salle Wilfrid-Pelletier les 17, 20, 22 et 24 septembre 2016

DON GIOVANNI DE MOZART

Un des opéras majeurs de Mozart. Les tribulations du séducteur incorrigible et tourmenté seront portées par un vent de jeunesse, souligne Michel Beaulac, en référence à plusieurs vedettes montantes de l’opéra, à commencer par Gordon Bintner, interprète de don Giovanni. Le jeune chef Jordan de Souza est aussi très prometteur – de la trempe d’un Yannick Nézet-Séguin, croit Michel Beaulac.

Chef : Jordan de Souza. Mise en scène : David Lefkowich. 

À la salle Wilfrid-Pelletier les 12, 15, 17 et 19 novembre 2016

DIALOGUES DES CARMÉLITES DE POULENC

Il s’agirait de l’œuvre favorite du metteur en scène Serge Denoncourt. Elle aborde la Terreur, au temps de la Révolution française, qui force une jeune femme à entrer au Carmel de Compiègne. La distribution regroupe des voix bien connues du public, comme Marianne Fiset et Marie-Josée Lord, sans oublier Gino Quilico, qui renouera ici avec une voix plus lyrique.

Chef : Jean-François Rivest. Metteur en scène : Serge Denoncourt.

À la salle Wilfrid-Pelletier les 28, 31 janvier et 2, 4 février 2017

LA BOHÈME DE PUCCINI

Un classique parmi les classiques pour boucler la saison. Les amours impossibles entre le poète Rodolfo et la couturière Mimi dans le Paris du XIXe siècle prendront vie grâce aux interprètes Luc Robert et France Bellemare. Une occasion d’offrir de premiers rôles à ces artistes de calibre, souligne Michel Beaulac.

Chef : James Meena. Mise en scène : Alain Gauthier.

À la salle Wilfrid-Pelletier les 20, 23, 25 et 27 mai 2017

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