Débusquer tôt la maladie d’Alzheimer

Quand Sylvie Belleville a commencé à s’intéresser à l’alzheimer, il y a 30 ans, on ne savait pas que cette maladie commençait par une très longue phase silencieuse. Grâce à ses recherches, on arrive à mieux l’identifier avant que les symptômes de démence apparaissent. Et bonne nouvelle : il serait possible d’agir pour ralentir son apparition.

Comment détecter le plus rapidement possible la maladie d’Alzheimer ? Cette question est au cœur des travaux de Sylvie Belleville, professeure titulaire au Département de psychologie de l’Université de Montréal et chercheuse à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. « À l’heure actuelle, aucun marqueur diagnostique ne permet de dire : vous avez la maladie. De plus, on la détecte seulement à la phase de démence, soit de 15 à 20 ans après ses débuts. Cela pose un énorme défi : comment traiter avec succès une personne dont le cerveau est déjà très endommagé ? »

Diagnostic précoce

Pour tenter de répondre à cette question cruciale, Sylvie Belleville et son équipe se penchent sur les personnes qui ont l’impression que leur mémoire leur joue des tours, de même que sur celles qui présentent des troubles cognitifs légers. Ces dernières sont 10 fois plus à risque de voir apparaître la maladie que la population du même âge. Elle dirige ainsi le Consortium pour l’identification précoce de la maladie d’Alzheimer (CIMA-Q), qui regroupe 90 chercheurs de plusieurs universités et centres de recherche du Québec autour d’une vaste étude pancanadienne. « On suit plus de 300 personnes qui se plaignent de troubles très légers afin de voir qui va développer ou non cette maladie. Il faut plusieurs têtes pour percer ce mystère ! »

Tout un mystère, en effet, que cette affection, dont la cause reste inconnue. « On ne parvient pas à la trouver, car on ne prend pas la maladie à ses débuts, observe Sylvie Belleville. On veut faire avancer la recherche pour aider à l’identifier et l’éradiquer au moyen d’un médicament à donner aux premiers stades de l’alzheimer. »

Un « cerveau sain »

En attendant, peut-on s’en « protéger » ? Possiblement. Et c’est là une autre grande avancée à laquelle elle a contribué : un mode de vie sain aurait des effets protecteurs sur le cerveau. « Chaque personne a sa propre "réserve" de facteurs de protection pour se défendre de l’alzheimer, dit Sylvie Belleville. Certaines ont la maladie sans présenter de symptômes. »

Quatre facteurs de protection

Ce qui est bon pour le cœur l’est aussi pour le cerveau, tout comme une vie cognitivement stimulante agit positivement sur lui : 

Une alimentation équilibrée

Un contrôle des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire

L’activité physique

L’éducation et la stimulation intellectuelle

Raviver la mémoire

Il n’est donc jamais trop tard pour prévenir le déclin cognitif. « Même si l’alzheimer court dans la famille, les études démontrent que ces facteurs sont encore plus protecteurs quand on a un risque génétique, indique Sylvie Belleville. Tout n’est pas joué d’avance. »

La chercheuse a mis sur pied un programme d’entraînement destiné à stimuler la plasticité cérébrale et les processus de réorganisation de manière à aider les personnes âgées aux prises avec des troubles cognitifs légers à élaborer des stratégies de mémorisation. « Auparavant, on croyait que le cerveau devenait comme du "béton" en vieillissant. Or, les connexions continuent de s’établir », explique-t-elle. Les études tentent maintenant de montrer si un programme multifactoriel (activités cognitives et physiques, nutrition, contrôle des risques de maladie cardiovasculaire…) permettrait de réduire le déclin cognitif, et même de retarder l’apparition des symptômes de la maladie.

L’alzheimer en chiffres

16 % des personnes âgées de plus de 65 ans en sont atteintes.

Ce chiffre grimpe à 30 % chez les plus de 85 ans.

« On vit plus longtemps, mais on voit poindre les maladies du cerveau associées au vieillissement. Il ne faut pas laisser l’alzheimer nous voler nos belles années. »  – Sylvie Belleville

La maladie d’Alzheimer, c’est quoi ?

Une maladie neurodégénérative reliée à l’âge, qui se définit par une accumulation anormale de protéines dans le cerveau et une perte de neurones, ce qui peut causer des problèmes cognitifs importants. « Ça commence dans le cortex entorhinal et ça se répand comme une flaque d’eau, illustre Sylvie Belleville. Les 10 ou 15 premières années, il n’y a aucun symptôme : le cerveau se défend avec succès. Quand les atteintes sont trop nombreuses, les pertes de mémoire et les problèmes de comportement surviennent. »

Le saviez-vous ?

Même si le nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer augmente en raison du nombre grandissant de personnes âgées, des études européennes et américaines ont observé que l’incidence de la maladie a décliné de 44 % au cours des 30 dernières années. Comment l’expliquer ? Les gens sont plus éduqués, plus stimulés et jouissent d’un meilleur contrôle des facteurs de risque liés aux maladies cardiovasculaires. « Les politiques de santé publique devraient tenir compte des facteurs qui peuvent faire reculer l’apparition de la maladie d’Alzheimer. Le fait de rester actif physiquement et de maintenir son cerveau stimulé, voire d’élever le niveau d’éducation, pourrait avoir un impact sur le risque de la développer. » – Sylvie Belleville, professeure titulaire au Département de psychologie de l’Université de Montréal et chercheuse à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.

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