Projet de loi sur la relance de l’économie

L’opposition en furie, Legault exclut le bâillon

François Legault est comparé à Maurice Duplessis par l’opposition pour son projet de loi sur la relance de l’économie, qui ramènerait selon elle le Québec à l’époque d’avant la commission Charbonneau. Pour calmer les esprits, le premier ministre a exclu d’utiliser le bâillon pour l’adopter. D’autre part, Québec prépare une « armée » de fonctionnaires pour passer au crible les quelque 80 000 candidats qui souhaitent suivre la formation de préposé en CHSLD.

Québec veut l’appui de l’opposition

Sous le feu des critiques depuis la présentation du projet de loi 61 – digne de l’époque de Duplessis, a dénoncé le Parti libéral –, le premier ministre a exclu jeudi la possibilité d’avoir recours au bâillon pour son adoption. « On veut l’adopter avec l’appui des partis d’opposition », a tranché M. Legault. Il invite néanmoins ses adversaires politiques à mettre de côté « une certaine partisanerie » afin de ne pas perdre de temps avant de permettre aux gens de retourner au travail.

Québec entend se donner des pouvoirs exceptionnels pour accélérer le démarrage de 200 projets d’infrastructure afin de relancer l’économie dans le contexte de la pandémie. En point de presse, jeudi, François Legault a reconnu que 60 % des projets sont situés en circonscriptions caquistes, mais « 40 % [sont] dans des comtés des partis d’opposition, ce qui représente à peu près la répartition du nombre de députés, quoiqu’on voudrait en avoir plus que 60 % », a-t-il dit. « Je ne peux pas croire qu’on n’est pas capables de s’entendre […] pour faire travailler les gens dans les prochaines semaines dans le secteur de la construction pour des projets publics qui sont nécessaires, comme des écoles, des maisons des aînés, du transport collectif », a ajouté le premier ministre.

L’inquiétude ne faiblit pas

Les partis de l’opposition craignent une « explosion des coûts », des passe-droits environnementaux et un grave retour en arrière, à l’époque d’avant la commission Charbonneau avec le projet de loi 61. « On vient de passer de l’époque Charbonneau à une époque où tout est possible », a déploré le député libéral Gaétan Barrette, en mêlée de presse. Il a tenu des propos semblables au Salon bleu, où la mesure législative a été au cœur des débats. « Je peux vous assurer que les enseignements de la commission Charbonneau sont bien intégrés au sein de ce gouvernement », a répliqué la ministre de la Justice, Sonia LeBel, ex-procureure de la Commission. Québec solidaire craint pour sa part que les examens environnementaux de certains projets soient « scrappés » pour réduire les délais. Le Parti québécois réclame plus d’inspecteurs pour s’assurer qu’on respecte les règles.

10 jours pour sélectionner 10 000 personnes

À la fin de la période d’inscription pour manifester son désir de devenir préposé aux bénéficiaires en CHSLD, vendredi, Québec aura 10 jours pour sélectionner 10 000 personnes qui suivront une formation accélérée et rémunérée. Jeudi, près de 80 000 Québécois avaient déposé leur CV afin de décrocher ces emplois qui seront payés 26 $ l’heure. « Dans les prochaines heures, vous allez recevoir un questionnaire [à remplir pour qu’on soit] bien certains que vous êtes prêts à travailler de soir [et] de nuit. Ça peut arriver, dans les premiers mois, les premières années, qu’on travaille de soir, de nuit. On est en train de regarder aussi pour demander certains engagements, [comme] travailler un certain temps, étant donné que le gouvernement […] paie pour la formation », a dit M. Legault. Québec a déjà mis en place « une espèce d’armée » de fonctionnaires pour faire un sprint d’entrevues téléphoniques au cours des prochains jours.

Les grandes résidences privées devront augmenter les salaires

François Legault affirme que les « grandes résidences privées » vont devoir augmenter le salaire de leurs employés si elles veulent éviter qu’ils partent vers le réseau public, où Québec paiera ses préposés aux bénéficiaires 26 $ l’heure. « Ce sont des entreprises qui sont là pour quand même aussi faire des profits », a rappelé le premier ministre, jeudi. Québec évalue tout de même la possibilité de mettre en place une forme d’aide pour certaines résidences conventionnées. Aux ressources intermédiaires (RI) et aux résidences privées qui déplorent déjà un exode d’employés vers le public, le premier ministre a répondu que sur les 79 000 Québécois qui ont envoyé leur CV pour devenir préposés en CHSLD, le gouvernement en sélectionnera 10 000. « Ça veut dire une soixantaine de milliers de personnes qui sont intéressées » et qui pourraient vouloir aller travailler dans ces deux réseaux, a-t-il suggéré. Rappelons que le salaire qu’ils y gagneraient n’atteindrait pas celui qui est offert au public.

Réouverture graduelle des restaurants dès le 15 juin

Les restaurants de certaines régions du Québec pourront rouvrir leurs portes à compter du 15 juin, selon un plan de déconfinement qui sera graduel pour l’industrie de la restauration et qui devrait être annoncé lundi. Les salles à manger des restaurants pourront donc recommencer à recevoir des clients à la mi-juin, mais ces établissements devront respecter des consignes sanitaires strictes et des protocoles élaborés par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail. Des discussions sont en cours pour définir quelles régions verront leurs restaurants rouvrir en premier. Chose certaine, les bars ne sont pas visés par la réouverture de la restauration que prépare actuellement Québec.

Gare au relâchement

Le premier ministre a lancé un nouvel avertissement jeudi : gare au relâchement ! « Beaucoup de personnes me disent qu’elles sentent un relâchement actuellement. Donc, on voit malheureusement, entre autres à Montréal, moins de gens avec des masques, trop de gens qui sont à moins de deux mètres. Personne ne veut revenir en arrière, donc soyons prudents », a dit M. Legault. Par ailleurs, Québec demande à tous « ceux qui ont des doutes » d’aller se faire tester pour augmenter le nombre quotidien de tests. On a réalisé mardi 12 500 tests alors que l’objectif est d’atteindre 14 000, voire 16 000 tests par jour.

Legault optimiste pour l’aide de l’armée

Bien qu’Ottawa n’ait pas encore accepté de prolonger la présence des Forces armées canadiennes en CHSLD, François Legault s’est dit « très confiant » quant à la perspective que Québec puisse « garder les 1000 militaires présents actuellement ». Il a par ailleurs affirmé avoir de « bonnes discussions » avec le gouvernement fédéral. Le gouvernement Legault espère que les soldats qui prêtent main-forte dans des CHSLD durement frappés par la COVID-19 resteront en poste jusqu’au 15 septembre, le temps de former sa relève de préposés. Le ministre de la Défense nationale, Harjit Sajjan, a déjà fait valoir que le rythme actuel est « insoutenable » jusqu’à cette date. À moins d’une nouvelle entente, les soldats doivent se retirer des CHSLD le 12 juin.

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