Marche Du pain et des forêts

Une invitation à marcher pour la suite du monde

À toutes celles qui n’en font pas assez, qui roulent en 4X4, qui prennent l’avion, qui mangent du bœuf, qui oublient de recycler, qui trouvent que le compost, c’est compliqué et qui mettent des biscuits suremballés dans les boîtes à lunch. À toutes celles qui cherchent désespérément une place en garderie pour leur petit parce qu’elles ont envie de s’occuper un peu d’elles, aussi.

À toutes les imparfaites. J’ai une invitation à nous faire.

Le 8 mai, pour la fête des Mères, je serai avec mes trois enfants, avec ma mère, avec ma belle-mère, mon amoureux, mon père et des centaines – espérons des milliers – d’autres, dans les rues de Québec.

Nous ne marcherons pas contre la CAQ, ni contre son gouvernement, ni même contre son manque de courage politique. Non, le 8 mai, nous ne marcherons pas contre, mais pour. Pour la suite du monde.

Nous marcherons pour nous toutes et tous, mais pour nos enfants d’abord. Et pour les vôtres aussi.

Parce que les plus grands scientifiques du monde nous disent qu’il reste trois ans pour que les politiciens prennent les décisions qui éviteraient de nous conduire directement dans le mur. Trois ans. C’est si peu. Mais… on pourrait encore le faire !

Pourtant, presque rien ne bouge. Les élans stagnent, timides.

Alors, devant notre silence, face au désastre annoncé, nos enfants ne veulent plus faire d’enfants. Parce que les forêts matures se font ravager par l’industrie, emportant tout ce qui vivait dessus, et qui nous rendait si fiers. Notre nature sauvage se désagrège et nous la regardons mourir. Nos enfants ne veulent plus faire d’enfants parce que les étés caniculaires, parce que les inondations, parce que la disparition des caribous, parce que les lacs qu’on remplira de déchets miniers, parce que les rivières souillées et notre fleuve – notre si beau fleuve – saccagé, parce que les cœurs abîmés qui font des troubles cardiaques à la hausse, parce que les réfugiés climatiques et les guerres qui en découleront. Non, ça n’est plus de la science-fiction. Je ne peux reprocher à personne de ne pas vouloir d’enfants. Je les comprends, ceux qui renoncent à tous ces émerveillements ; à celui des peaux contre peaux, celui des secrets échangés, celui des idées et des fous rires partagés, celui des larmes essuyées du bout des doigts, celui des connivences tricotées et immortelles.

Nos enfants renoncent à rêver leur suite, abdiquent à une pléiade d’émotions, à une véritable extension d’eux-mêmes, à tant de nouveaux pays…

Et c’est de notre faute. Parce qu’on n’aura pas eu la lucidité nécessaire à temps.

Je ne dis pas qu’il faut faire des enfants pour être pleinement vivant. Je dis qu’il est profondément tragique de ne leur laisser ni le choix ni le temps du désir. Le désir est la seule force qui s’oppose à la mort. Le désir de croire, le désir de semer, le désir d’espérer, le désir de demain.

Aux yeux de mes enfants, tout ce qu’ils aiment est menacé et ils se sentent beaucoup trop petits pour en prendre soin seuls.

Alors pour nos enfants, le renoncement devient une évidence. Je trouve ça si triste.

La responsabilité d’un virage écologique et social n’incombe pas seulement aux individus, et n’a rien à faire sur les épaules déjà surchargées des mères.

Il serait possible – il serait RESPONSABLE – que le gouvernement en place passe toutes ses décisions au crible de leur impact sur l’environnement et sur l’équité sociale. Comme on le fait déjà pour les impacts économiques. Les outils existent. Ils sont à portée de main. C’est la volonté politique qui manque.

Donc, à toutes les imparfaites dont je suis. Le 8 mai, je nous donne rendez-vous à Québec, où nous ne marcherons pas Contre, mais Pour.

Pour la suite du monde.

Nous marcherons pour nous toutes et tous, mais pour nos enfants d’abord. Et pour les vôtres aussi.

Viendrez-vous ?

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